Lorsque la série LIV Golf est arrivée avec fracas dans le monde du golf, ses grands bonzes avaient la conviction de pouvoir convaincre les résistants, parce que tout le monde a un prix. Et pour Jon Rahm, ce prix, c’est 500 millions de dollars.

La nouvelle est tombée il y a un peu plus d’une semaine. Après des jours de supputations, celui qui a enfilé le veston vert au dernier Tournoi des Maîtres a publié une photo de lui et de Greg Norman arborant sourire et blouson aux couleurs du circuit saoudien.

« Je suis fier de faire partie de quelque chose d’aussi spécial et qui fera grandir notre sport », a-t-il écrit sous sa publication.

Jon Rahm, qui a remporté 11 victoires sur le PGA Tour, dont 2 tournois majeurs, tenait un discours bien différent il y a un an à peine.

« Un tournoi avec des départs par trous [shotgun], avec trois rondes et sans coupure, pour moi, ce n’est pas un tournoi de golf. C’est aussi simple que ça », avait-il dit au sujet des règlements de la série LIV. Son visage traduisait mépris, dégoût et jugement.

Avant de poursuivre : « Je veux jouer contre les meilleurs joueurs au monde dans un format qui a fait ses preuves depuis des centaines d’années. »

Et de conclure : « Est-ce que ça changerait quelque chose à ma vie de gagner 400 millions de dollars supplémentaires ? Non. La vérité c’est que je pourrais prendre ma retraite et bien vivre avec ce que j’ai gagné en jouant au golf. »

Comme le beau parleur Jean-Paul Belleau, Rahm aura été fidèle jusqu’à ce que la tentation d’aller voir ailleurs devienne trop alléchante.

Le vent tourne

Le plus triste pour les amateurs du circuit PGA Tour est de voir un pilier retourner sa veste et traverser du côté sombre.

Depuis le début de cette guerre entre la PGA et la série LIV, Rahm semblait faire partie des intouchables, des irréductibles, des gardiens de la tradition…. Comme le sont devenus Rory McIlroy, Scottie Scheffler et Jordan Spieth.

PHOTO KAMRAN JEBREILI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Jon Rahm

Rahm est un autre joueur ayant séduit les foules, pas uniquement grâce à la qualité de son jeu et à son charisme, mais pour s’être tenu debout face au vent, alors que le sable mouvant saoudien avait réussi à capturer certains déserteurs.

Le plus frustrant, c’est qu’il est difficile d’en vouloir véritablement à Rahm. Le format de la LIV est encore digne de moqueries, mais le nombre de joueurs de qualité augmente à vue d’œil sur le circuit diabolique.

Ainsi, 15 des 31 derniers tournois majeurs ont été remportés par des joueurs recevant un chèque de paye en provenance de l’Arabie saoudite. Un seul joueur, toutefois, en a gagné un comme joueur de la série LIV. C’était Brooks Koepka, au dernier Championnat de la PGA.

Et mine de rien, si la valeur estimée du contrat liant Rahm à la série LIV jusqu’en 2029 s’avère exacte, n’importe qui y réfléchirait à deux fois avant de cracher sur 500 millions de dollars, peu importe leur provenance.

Au moins, la crème de la crème demeure sur le circuit de la PGA. Surtout le bassin de jeunes joueurs prometteurs. Jusqu’à preuve du contraire, Viktor Hovland, Max Homa, Matt Fitzpatrick et Collin Morikawa ont toujours leur carte de membre.

Même si les rumeurs concernant certains d’entre eux enflamment la Toile.

Tony Finau, le plus courtisé des joueurs de la PGA, disait-on, a voulu mettre les choses au clair au terme de l’Invitation Grant Thornton. Il a publié un message sur Instagram pour officialiser sa fidélité au meilleur circuit au monde. « #ImNotLeaving [Je ne pars pas] », a-t-il écrit en conclusion, en référence aux rumeurs à son endroit.

Une bouteille à la mer

Au lendemain de l’officialisation du transfert de Rahm, le golfeur canadien Mackenzie Hughes a rédigé une longue enfilade, sur la plateforme X.

Le 66e joueur au classement mondial s’exprime rarement sur les plateformes. Même en entrevue, il n’est pas le plus volubile. C’est dire à quel point cette nouvelle a eu l’effet d’une secousse sismique dans l’imprévisible monde du golf.

« Le golf professionnel masculin est dans une bien triste position », a-t-il écrit pour amorcer son explication.

En résumé, il explique avoir toujours rêvé d’évoluer sur le circuit PGA Tour et qu’il avait de la difficulté à y croire lorsqu’il y est parvenu. Puis, malgré les litiges actuels, il s’agit toujours d’un bon endroit pour « travailler », a-t-il mis entre guillemets.

PHOTO STEPHEN B. MORTON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Mackenzie Hughes

Malheureusement, l’argent a tout changé. La série LIV a surévalué la valeur des joueurs de golf, ce qui a ruiné notre perspective et propulsé les bourses dans une autre catégorie. Le marché est défectueux.

Mackenzie Hughes

Il insiste sur la tristesse de voir les meilleurs joueurs au monde divisés entre deux camps et il en appelle au leadership du circuit pour tenter de trouver une solution.

Or, la solution a déjà été trouvée, l’été dernier. Le 6 juin, les deux circuits ont annoncé avoir signé l’armistice dans le but de se réunir et créer un seul circuit.

Mais comme pour le troisième film Dans une galaxie près de chez vous, la suite se fait attendre. Le monde du golf est toujours sans nouvelles, sans mise à jour et sans signe d’avancement dans le dossier.

Le fait d’attendre aussi longtemps n’est certainement pas de bon augure. La nouvelle saison prendra son envol sous peu et la planète golf est toujours aussi déchirée. Sinon plus.