Il est 17 h 45 à Kahnawake. Le soleil, jusque-là brillant, commence à disparaître derrière la forêt entourant le Complexe sportif. Les enfants de la communauté jouent au football avec quatre Alouettes. Les jeunes crient, s’amusent et célèbrent leurs touchés sous les encouragements des professionnels, tandis que leurs parents observent la scène en souriant, assis dans les gradins.

Pendant ce temps, à quelques mètres de là, une scène en apparence anodine se déroule. Une discussion franche entre deux hommes aux abords du terrain. Les deux hommes, ce sont Mark Weightman, président des Alouettes de Montréal, et le chef mohawk Harry Rice.

En réalité, cette scène est le fruit de l’initiative des Alouettes de Montréal, venus rencontrer la communauté mohawk de Kahnawake dans le cadre de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le 30 septembre. Pour l’occasion, samedi, toutes les équipes de la LCF porteront le chandail orange durant la période d’échauffement.

On ne veut pas interrompre cette rencontre entre deux hommes issus de deux milieux très différents, et qui ont enfin la chance de se parler. Après une vingtaine de minutes, on finit par en avoir l’occasion.

« Je lui disais combien la réconciliation, ce n’est pas juste un mot, c’est un sentiment, explique le chef Harry Rice à La Presse. Mettre nos jeunes en contact avec les Alouettes de Montréal, en soi, c’est une forme de réconciliation. »

« Ils n’ont rien fait de mal à notre culture, ajoute-t-il, en pointant les joueurs sur le terrain. Nos enfants non plus, évidemment. Mais les rassembler, c’est magique, c’est beau. Regarde-les, tout le monde est heureux ! »

Les Alouettes à Kahnawake
  • Le chef mohawk Harry Rice et Mark Weightman, président des Alouettes

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le chef mohawk Harry Rice et Mark Weightman, président des Alouettes

  • Austin Mack et Marc-Antoine Dequoy se sont bien amusés à Kahnawake.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Austin Mack et Marc-Antoine Dequoy se sont bien amusés à Kahnawake.

  • Un brin de jasette avec Kaion Julien-Grant !

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Un brin de jasette avec Kaion Julien-Grant !

  • Austin Mack donne des directives à de jeunes joueurs très attentifs.

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    Austin Mack donne des directives à de jeunes joueurs très attentifs.

  • Le jeune Cheston Patton était tout sourire !

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le jeune Cheston Patton était tout sourire !

  • Marc-Antoine Dequoy en a profité pour faire connaissance avec ses hôtes…

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Marc-Antoine Dequoy en a profité pour faire connaissance avec ses hôtes…

  • … et signer quelques autographes, dont un à Dayne Fleischer.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    … et signer quelques autographes, dont un à Dayne Fleischer.

  • Un petit ajustement s’impose avant de passer à l’action.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Un petit ajustement s’impose avant de passer à l’action.

  • Attention, le ballon est en jeu !

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    Attention, le ballon est en jeu !

  • Donald Horne, père de l’un des enfants qui ont rencontré les joueurs des Alouettes

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Donald Horne, père de l’un des enfants qui ont rencontré les joueurs des Alouettes

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Et il a raison. Marc-Antoine Dequoy, Frédéric Chagnon, Austin Mack et Kaion Julien-Grant ont la banane jusqu’aux oreilles sur le terrain. Les enfants s’amusent, comme il se doit.

« On parlait du progrès qui a été fait dans les dernières années », souligne Weightman à propos de sa discussion avec Rice.

Il parle de ce qu’on a récemment appris à propos des pensionnats, des tombes anonymes. Il déplore que l’histoire des Premières Nations ne fasse pratiquement pas partie des programmes scolaires du Québec.

« Heureusement ou malheureusement, dans ce cas-ci, c’est grâce à ces découvertes-là qu’on est portés à comprendre, à être sensibilisés à ça. C’est le début de la réconciliation.

« Tout le monde est de bonne volonté, et on veut contribuer. Mais justement, vu qu’on n’est pas des experts dans le domaine, ça peut devenir maladroit. Et c’est de ça qu’on parlait. Il me disait : “Ce n’est pas grave. Ça démontre que le monde veut apprendre, veut être plus conscient de ce qui s’est passé.” C’était bien de l’entendre. »

« On avance dans la bonne direction »

L’idée de la rencontre de mercredi a été proposée par les Alouettes. En plus des chandails orange de samedi, l’organisation souhaitait ajouter un peu de « concret » pour atteindre ses « objectifs de sensibilisation ».

« C’est la communauté autochtone la plus proche de Montréal, et c’est une communauté très, très impliquée dans tous les sports », explique Mark Weightman.

La nouvelle a été reçue avec beaucoup d’enthousiasme dans la communauté.

« J’étais en vacances quand j’en ai entendu parler ! raconte Harry Rice. Je me suis dit : “Wow, quelle belle initiative ! On ne doit pas laisser cette occasion filer entre nos doigts.” »

Curren Jacobs et Helen Montour sont deux des trois organisatrices de la Journée du chandail orange de Kahnawake. Pour elles, cette rencontre entre une « grosse organisation de Montréal » et leur communauté, « c’est ça, la vraie réconciliation ».

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Helen Montour, Curren Jacobs, Mark Weightman et Harry Rice

« C’est une étape de franchie, explique Jacobs. Pendant longtemps, les gens de l’extérieur craignaient de faire le premier pas. Alors peu importe le pas qu’on fait, on avance dans la bonne direction. »

Jamais trop

Le chef Harry Rice et Helen Montour sont tous les deux des enfants de survivants des pensionnats. Ce qu’ils voient en ce mercredi soir, ça les rend « fiers ».

« Je suis remplie d’émotions, dit Montour. Mon père était dans un pensionnat. Grâce à sa résilience, il a pu revenir à la maison. Sinon, je ne serais pas ici aujourd’hui. Mon neveu est là-bas [elle pointe les jeunes sur le terrain], et il ne serait pas ici non plus. C’est génial. »

Elle est heureuse de voir les jeunes athlètes de sa communauté devenir « de plus en plus actifs » sportivement.

Frédéric Chagnon, secondeur des Alouettes, s’enthousiasme justement de partager « les joies du sport » avec les jeunes de Kahnawake.

C’est important d’en faire un peu plus, et de venir voir la communauté pas loin de Montréal, de s’impliquer un peu plus auprès d’eux.

Frédéric Chagnon

On a posé la question à tous les intervenants rencontrés en cette douce soirée de septembre : les organisations sportives doivent-elles en faire davantage pour sensibiliser aux réalités autochtones et faire reconnaître l’importance de la Journée de la vérité et de la réconciliation au pays ?

Tous reconnaissent qu’un premier pas comme celui de mercredi sera toujours le bienvenu. Marc-Antoine Dequoy va un peu plus loin.

« S’il y a une chose que tu ne pourras jamais avoir dite, c’est que tu en auras trop fait, lance le demi défensif québécois. […] Je pense que notre partie à nous, c’est d’approcher ça avec une écoute, en s’informant. Sur des bases sincères, ça ne peut aller qu’en s’améliorant. »

Et qu’entend-on lorsqu’on tend l’oreille pendant que les joueurs des Alouettes signent ballons de football, chandails et casquettes ?

On entend une jeune fille qui s’écrie : « C’est le plus beau jour de ma vie ! »