François Laberge est responsable des sports au cégep de Jonquière. En raison du manque criant de jeunes joueurs de football dans sa région, il doit recruter des candidats en France. « Pour notre équipe, c’est une question de survie. »

Le cégep de Jonquière n’est pas le seul établissement scolaire dans cette situation. Au total, on estimerait le nombre de footballeurs français à plus d’une centaine dans les cégeps et universités québécoises.

Selon l’entraîneur-chef des Carabins de l’Université de Montréal, Marco Iadeluca, ces jeunes représentent une partie importante du football québécois. « Il y a de plus en plus de joueurs français qui sont talentueux, de calibre universitaire », indique-t-il en entrevue.

Parmi les 97 joueurs actifs de l’équipe des Carabins, 12 sont d’origine française. On compte notamment le receveur de passes Hassane Dosso et le joueur de ligne défensive Christopher Fontenard, deux anciens du cégep de Thetford Mines.

Pourquoi le Québec ?

Pourquoi ces athlètes ciblent-ils le Québec ? Parce qu’en France, les ligues ne sont pas affiliées au système scolaire. Ainsi, les jeunes peinent à pratiquer leur sport favori en allant à l’école.

De plus, les joueurs français élites, âgés de 18 à 20 ans, jouent souvent dans la catégorie sénior avec des adultes beaucoup plus âgés, et donc moins forts, ce qui nuit à leur développement.

Le système scolaire québécois s’avère très attrayant pour les jeunes Français, car il permet aux étudiants-athlètes de concilier études et entraînement au même endroit.

Cette conciliation a permis à Hassane Dosso, originaire de la banlieue de Paris, de devenir l’un des meilleurs joueurs du réseau universitaire canadien. Selon le receveur ayant fait partie de l’équipe d’étoiles du Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ) en 2021, l’accessibilité au matériel d’entraînement et l’encadrement scolaire ont grandement contribué à son succès. « Si j’étais resté en France, je ne crois pas je serais aussi performant aujourd’hui ! », avoue-t-il en entrevue.

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Hassane Dosso lors de la Coupe Dunsmore en 2021

Dès son départ de l’Europe, Hassane savait qu’il venait non seulement faire ses études au Québec, mais aussi poursuivre son rêve de devenir un footballeur professionnel.

Pour Christopher Fontenard, jouer dans les grandes ligues n’était pas une finalité. Le joueur de ligne défensive de 22 ans a eu des difficultés à l’école en France.

Le truc que je voulais le plus en venant au Québec, c’était d’avoir mon bac. Sans le foot, jamais je n’aurais pu entrer à l’université !

Christopher Fontenard

Il peut sembler étrange qu’un jeune Français choisisse d’aller étudier au cégep de Thetford Mines, une région loin d’être reconnue comme étant une destination touristique.

En revanche, le nombre important de Français dans l’équipe de Thetford et l’isolement de la ville ont facilité l’acclamation de Christopher Fontenard. « Tu as l’impression d’être en colonie de vacances alors que tu pratiques ton sport préféré avec tes amis ! »

Pour Hassane Dosso, l’endroit où il allait jouer au Québec importait peu. « J’aurais été à Montréal ou à Thetford, ça n’aurait rien changé pour moi. Dans ma tête, j’étais vraiment en mission. »

Une différence de mentalité

Coordonnateur offensif chez les Carabins et ancien quart-arrière vedette de l’équipe, Gabriel Cousineau a joué en France pendant deux saisons après son parcours universitaire.

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Gabriel Cousineau avec les Carabins de l’Université de Montréal en 2015

Il soulève une différence de mentalité entre le football québécois et français. « En France, les gars jouent pour le plaisir, non pour l’excellence. »

Avec le décalage horaire, les joueurs de football en Europe n’ont pas toujours la chance de regarder le sport à la télévision et ainsi de développer leur connaissance du jeu.

« Il y a de super bons athlètes, mais le QI football chez les joueurs n’est pas très élevé en France », affirme Gabriel Cousineau.

Le manque de financement des équipes françaises n’aide pas leur cause. Les cégeps et universités au Québec ont souvent plusieurs entraîneurs qui se consacrent à temps plein au football, chose peu fréquente en France.

« Lorsque je jouais en France, l’entraîneur en chef était mon joueur de centre alors que mon directeur général était mon garde à gauche ! », lance Gabriel Cousineau qui, lorsqu’il jouait, cumulait les rôles de quart-arrière et de coordonnateur offensif.

Selon lui, le niveau de jeu souffre beaucoup à cause du manque d’encadrement pour les équipes en France.

Les origines du phénomène

Le recrutement de footballeurs français ne date pas d’hier ; il a débuté il y a une dizaine d’années, alors que le cégep de Thetford Mines tentait – de manière créative – de pallier le faible bassin de recrutement local.

Après quelques vagues de recrutement fructueuses du cégep de Thetford Mines, d’autres cégeps de régions ont emboîté le pas, comme ceux de Jonquière et de Chicoutimi. Chaque année, ces écoles peuvent aligner jusqu’à 20 joueurs français dans leurs équipes.

Aujourd’hui, ces cégeps organisent des camps d’évaluation en France, et après chacun d’eux, on invite les joueurs à poursuivre leur pratique du sport de l’autre côté de l’Atlantique.

En traversant l’océan, les jeunes joueurs trouvent bien plus qu’un endroit où assouvir leur passion du football ; ils trouvent une nouvelle terre d’accueil. « Je ne compte pas retourner en France. J’aime vraiment le Québec ! », s’exclame Hassane Dosso.

« Moi, je suis québécois ! », ajoute Christopher Fontenard.