Vingegaard-Pogačar ? Pogačar-Vingegaard ?

À moins d’être un partisan basque un peu trop imbibé de San Miguel qui voit l’énigmatique Mikel Landa dans son gaspacho, vous ne trouverez personne à Bilbao pour prétendre que l’un ou l’autre, du Danois ou du Slovène, n’est pas le grandissime favori du 110e Tour de France, lancé ce samedi à deux pas du stade San Mamés.

Les Québécois d’Israel-Premier Tech sont unanimes : Tadej Pogačar reprendra son dû pour être couronné une troisième fois en quatre ans.

« Même s’il s’est brisé un poignet, il est prêt », a tranché Michael Woods, rappelant la blessure subie par le Slovène d’UAE lors d’une chute à Liège-Bastogne-Liège le 23 avril.

Pogačar a répondu en partie à la question en exécutant un wheelie lors de la reconnaissance de la dernière ascension de la première étape plus tôt dans la semaine.

« Je ne me suis pas rendu jusqu’en haut, ce n’est donc pas parfait, a-t-il blagué en conférence de presse jeudi. Je me sens bien sur le vélo, mais je n’ai pas retrouvé toute ma mobilité. Je dirais qu’elle est à 60-70 %, mais ça ne m’a pas dérangé du tout pour l’entraînement quotidien. »

Une imagerie menée lundi lui a permis d’apprendre que deux des trois os se sont ressoudés, mais que la guérison complète du scaphoïde « prendrait un peu plus de temps ».

La grande inconnue est qu’il n’a pas disputé les courses de préparation habituelles à l’exception de ses championnats nationaux où il s’est imposé dans les deux épreuves.

En dépit de sa longue absence, sa fiche cette année est ébouriffante comme sa chevelure de gamin : 11 victoires, dont le triplé Tour des Flandres-Amstel Gold Race-Flèche Wallonne et le classement général de Paris-Nice, où il a battu Vingegaard (3e).

« Pour lui, c’était un jeu, facile, a louangé Woods. Il est à un autre niveau. »

Son coéquipier Guillaume Boivin a renchéri : « Il était une jambe au-dessus, il n’y avait pas de course. »

Trentième de cette épreuve printanière, Houle a vu la même chose. Blessure à un poignet ou pas, il a « confiance en Pogačar ».

« Ce sera lui ou Vingegaard, s’il n’y a pas un fait de course ou un incident qui nous en enlève un. Depuis le début de la saison, ils semblent à nouveau au-dessus des autres. Quand ça leur tente de gagner, ce n’est pas compliqué, ils gagnent. »

Le retraité Antoine Duchesne estime que Pogačar a appris de ses erreurs de l’an dernier, où une certaine « insouciance » a mené à sa perte dans la mémorable étape du col du Granon.

« Je pense qu’il s’est fait surprendre, que ç’a été plus dur que prévu », a indiqué l’ancien de Groupama-FDJ.

« Vingegaard est vraiment fort, mais il est plus dans le calcul. Pogačar, il s’amuse, il fait du vélo-plaisir. Tous les jours où il a gagné, il courait comme ça : “Yes ! J’y vais et je suis tellement fort.” Mais là, il a un adversaire de taille et il peut moins se permettre de jouer de la sorte. Le seul qui peut le faire perdre, c’est lui-même. Sinon, je pense qu’il est plus fort. Il est meilleur au chrono et punche plus dans les montées. »

Son équipe s’est également renforcée avec l’arrivée du Britannique Adam Yates, que le directeur sportif Mauro Gianetti a annoncé comme « coleader ».

PHOTO ANNE-CHRISTINE POUJOULAT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Podium au terme du Critérium du Dauphiné, le 11 juin dernier : Adam Yates de UAE Emirates a terminé au deuxième rang du classement général derrière Jonas Vingegaard de Jumbo-Visma, avec Ben O’Connor d’AG2R Citroën au troisième rang

Cette « révélation » tactique n’a pas semblé impressionner Wout van Aert, assurant que Jumbo-Visma n’a pas l’intention de modifier sa stratégie pour autant.

« Ça changera seulement si Yates se montre au niveau des deux autres, a asséné l’ange gardien de Vingegaard. Il deviendra alors un autre compétiteur comme tout le monde qui peut démontrer cette forme. S’il n’est pas aussi bon, ça ne change rien. »

Vous ne croyez pas que Yates est si bon ? « Je pense que c’est une façon de nous jouer dans la tête », a répliqué van Aert.

Identifié comme le favori par Pogačar, Vingegaard vient de remporter le Critérium du Dauphiné avec une facilité déconcertante. Le vainqueur sortant assure s’être amélioré dans les ascensions plus courtes, ce qui l’aidera dans le Pays basque.

« Il peut dire que je suis le favori, ça n’a pas d’importance. Je peux aussi dire qu’il est le grand favori. Ça dépend de qui sera dans la meilleure forme à la fin. On se regardera probablement beaucoup l’un et l’autre. »

Le Danois s’attend à des attaques de Pogačar dès les deux premières étapes. « Comme l’an dernier, je dois simplement me tenir prêt. On fera aussi de notre mieux et on verra ce qu’on peut faire. »

Allez, il se fait tard en Espagne, les coureurs font déjà dodo, il est temps de se mouiller : Jonas Vingegaard remportera son deuxième Tour de France.

Un choix effectué un peu par esprit de contradiction, après l’avoir sous-estimé l’an dernier au grand départ à Copenhague, et en raison de la force du collectif de Jumbo-Visma, au premier chef van Aert, mais aussi le grimpeur américain Sepp Kuss, qui sait jouer son rôle à la perfection.

Premier maillot jaune ? Mathieu van der Poel. Gau on !*

* Bonsoir !, en basque

Pas à la télé

Les amateurs de soccer ou de boxe sont habitués, mais manifestement pas encore ceux de cyclisme : le Tour de France ne passera pas à la télévision au Canada. Depuis 2020, le service internet par abonnements FloBikes est le diffuseur exclusif au Canada. L’ex-cycliste professionnelle Audrey Lemieux sera aux commandes de la version française, en compagnie de Tino Rossi fils. Les choses ne sont pas à la veille de changer : FloBikes a renouvelé son entente avec l’organisateur A.S.O. jusqu’à 2028 inclusivement. Avec mes excuses aux lecteurs qui m’ont écrit ces derniers jours et à qui je n’ai pas pu répondre personnellement.

Dans la même veine, A.S.O. mettra pour la première fois à la disposition des diffuseurs – moyennant rétribution – des conversations choisies entre les directeurs sportifs et les coureurs. Les ex-professionnels canadiens Karol-Ann Canuel et Alexander Cataford font partie de l’équipe qui écoutera les conversations de 17 des 22 formations. Celles-ci, dont Isrsael-Premier Tech, Jumbo-Visma et UAE-Team Emirates, ont accepté de se prêter à l’expérience en retour d’un maigre tribut de 5000 euros.

À leur retour au pays, Canuel et Cataford poursuivront leur travail de relance à la direction du Tour de Gatineau, une épreuve internationale féminine disputée du 15 au 17 septembre.