(Bilbao) La ferveur cycliste basque a parfois ses effets pervers. Michael Woods en a fait les frais à la première étape du Tour de France, où il a terminé cinquième, à 12 secondes des jumeaux Adam et Simon Yates, samedi après-midi, à Bilbao.

« Ça n’a pas aidé que les partisans soient si bons… Il y avait tellement de monde que tu ne pouvais pas dépasser. Si un gars explose, le trou est fait. »

Dans ce cas, c’est Julian Alaphilippe (Soudal Quick-Step), principal candidat français au premier maillot jaune, qui a explosé.

En fait, il a implosé, pardonnez l’analogie titanesque, asphyxié par le rythme imposé par le futur vainqueur Adam Yates (UAE) dans la bien nommée côte de Pike.

Comme prévu, les Euskadun, drapeau ikurriña à la main, ont envahi ce mur de deux kilomètres dont le sommet est situé à 10 km du fil à Bilbao.

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Les partisans basques ont envahi le parcours de la première étape du Tour de France.

Derrière Yates, son coéquipier Tadej Pogačar et le tenant du titre Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma), Alaphippe a donc cédé un tout petit écart, vite comblé par ses compatriotes David Gaudu (Groupama-FDJ) et l’invité surprise Victor Lafay (Cofidis), respectivement 10e et 6e à l’arrivée.

Un peu derrière, Woods a dû s’employer à tenter de faire la jonction à travers la foule en liesse. En vain. « J’ai dû foncer dans un partisan pour simplement contourner Alaphilippe. C’était vraiment très compliqué. »

Le visage encore barbouillé de sueur et de poussière, le cycliste d’Israel-Premier Tech (IPT) moulinait sur le simulateur, sur lequel il a grimpé dès son arrivée à l’autobus.

Quelques secondes plus tôt, il avait eu (presque) pitié du journaliste de La Presse en sueur à ses trousses, ralentissant pour donner son résultat : « Je pense que je finis cinquième. »

PHOTO SIMON DROUIN, LA PRESSE

Michael Woods

L’information a été vite confirmée par la relationniste de l’équipe. Woods ne jubilait pas, conscient qu’il venait de rater une occasion unique de revêtir le maillot jaune. Mais il était loin de rejeter la faute sur les Basques, au contraire.

Malheureusement, j’étais un peu mal positionné [au pied de la montée] parce que je n’étais pas prêt à prendre le risque. Et ça a juste explosé.

Michael Woods

Le pétard a été allumé par les UAE de Pogačar, tandis que le cycliste d’Ottawa était environ 30e.

« Comme je l’ai dit avant l’étape, s’il perd 10 secondes avant la côte, c’est presque fini avec les leaders », a regretté Paulo Saldanha, entraîneur personnel de Woods et directeur de la performance à IPT.

La formation israélo-canadienne était néanmoins satisfaite du dénouement de l’épreuve de 184 km, menée tambour battant dans la campagne autour de Bilbao. Son joker néo-zélandais Corbin Strong, une recrue de 23 ans, a terminé 15e (+ 33 s) en réglant le sprint du deuxième groupe. Le Belge Dylan Teuns s’est pour sa part classé 18e.

Woods, qui a eu sa part de chutes durant sa carrière, s’en tire surtout sans égratignure à l’issue de cette étape inaugurale toujours très nerveuse. Elle a d’ailleurs signifié la fin pour l’Espagnol Enric Mas (Movistar) et l’Équatorien Richard Carapaz (EF), deux candidats majeurs au podium final, qui se sont écrasés sur le bitume dans une descente à 25 km de l’arrivée.

« Je suis assez satisfait », a confirmé Woods, qui a fini à 12 secondes d’Adam Yates, premier maillot jaune de ce 110Tour de France. « Évidemment, gagner était l’objectif aujourd’hui, mais je ne voulais pas batailler trop fort avec ma peur de tomber, ce qui veut dire que j’ai cédé quelques positions. »

J’étais un peu trop loin quand on est arrivés dans cette ascension finale et j’ai dû faire du rattrapage. Malheureusement, je n’étais pas là quand les Yates se sont envolés, mais je me suis très bien senti.

Michael Woods

Le Québec à l’effort

L’ancien coureur de demi-fond a souligné la contribution de ses coéquipiers québécois Hugo Houle et Guillaume Boivin, qui ont joué leur rôle jusqu’à l’avant-dernière côte, à une trentaine de kilomètres de Bilbao, avant de se relever.

« C’est une étape où ça roulait vite, a mentionné Houle, 90e à 9 min 42 s. Le premier jour, tout le monde est toujours nerveux. L’objectif était de garder Mike devant. J’étais un des premiers à travailler pour le placer jusqu’à l’avant-dernière montée. Les jambes étaient bonnes et j’ai essayé de suivre, mais ça roulait un peu trop vite et j’ai tranquillement fini ma job. »

PHOTO SIMON DROUIN, LA PRESSE

Hugo Houle

Durant cette journée humide et plus chaude que prévu, Boivin s’est lui aussi félicité que son ami Woods soit « resté loin du trouble ».

Mike a fait un super beau résultat, Corbin était vraiment proche aussi. Je pense qu’on peut s’améliorer pour mieux s’entendre, mais c’est une très bonne première journée pour nous.

Guillaume Boivin

« Personnellement, je me suis bien senti. Avec plus de 3000 m de dénivelé, c’était quand même difficile, avec de la pression sur les pédales toute la journée. On va espérer continuer comme ça, et peut-être mieux faire dans les prochaines étapes. »

Boivin a été le dernier à s’engouffrer dans l’autocar, qui a mis le cap vers Vitoria-Gasteiz, à une heure au sud, où sera donné le départ de la deuxième étape dimanche. Le Jaizkibel, la fameuse côte de la Clasica San Sebastian, sera escaladé à une quinzaine de kilomètres de l’arrivée. Les Basques doivent déjà être rendus.