(Bilbao) « Je suis certain qu’il sera un emmerdeur dans les trois prochaines semaines… »

Adam Yates a souri quand La Presse lui a demandé comment il se sentait au sujet de son frère jumeau Simon, qu’il venait de battre dans un duel inédit et inattendu à la première étape du Tour de France, samedi après-midi, à Bilbao.

Ça aurait été encore mieux de connaître l’avis de ses parents, qui suivent le début du Tour à bord d’une caravane.

« Je ne sais pas où ils sont exactement, mais je les ai vus sur le parcours, a raconté le premier maillot jaune en conférence de presse. Ça n’arrive pas souvent de voir des frères finir premier et deuxième à la première étape du Tour de France. C’est une super expérience pour Simon, moi et mes parents. »

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Adam Yates, maillot jaune, sur le podium

Dans la côte de Pike, à un peu plus d’une dizaine de kilomètres de l’arrivée, Adam Yates a d’abord mis la table pour son « boss » Tadej Pogačar, qu’il a accompagné jusqu’à 500 mètres du sommet.

Le Slovène de UAE Team Emirates a continué l’effort, invitant son rival Jonas Vingegaard à prendre un relais, ce à quoi le Danois de Jumbo-Visma a répondu en soufflant dans ses joues.

Décroché pendant un temps, Yates a réussi à revenir au début de la descente, poursuivant simplement sur son élan au moment où il a recollé au trio de tête complété par le Français Victor Lafay (Cofidis).

Parti en « facteur », Adam Yates a vu Simon le rejoindre. Pendant un moment, le Britannique a hésité dans le sillage de son jumeau, qui représente l’équipe australienne Jayco-AlUla, se demandant s’il devait attendre Pogačar. Derrière, le double vainqueur du Tour était calé dans la roue de Vingegaard et de trois autres Jumbo-Visma, dont Wout van Aert, qui assuraient la poursuite.

J’ai dit à Simon : “Je ne peux pas travailler, je ne peux pas travailler.” Il comprenait totalement. C’est un professionnel, je suis un professionnel, c’est du cyclisme professionnel, vous savez.

Adam Yates

Avec un écart de 10 à 15 secondes à cinq kilomètres, le Slovène a fini par dire à son coéquipier à l’oreillette qu’il pouvait faire sa course.

Dans l’ultime inclinaison menant à la ligne, Adam a lâché Simon qui grimaçait avec un demi-kilomètre à faire.

« J’ai peut-être économisé de l’énergie dans la dernière ascension et il en a dépensé un peu plus dans la descente. C’est pourquoi je suis ici avec le jaune. »

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Le Britannique Adam Yates, à droite, célèbre avec ses coéquipiers Tadej Pogačar, à gauche, et Rafał Majka, au centre, après avoir remporté la première étape du Tour de France.

Troisième à 12 secondes, devant le fringant Thibaut Pinot (Groupama-FDJ), Pogačar a levé les bras comme s’il venait de l’emporter, avant de tomber dans ceux de Yates, présenté comme le co-meneur de l’écurie émiratie.

« Je veux juste garder les pieds sur terre, a prévenu Adam Yates. Tadej est le patron. Il a démontré dans le passé qu’il était le meilleur au monde et je suis sûr qu’il fera la même chose au cours des prochaines semaines. »

Coéquipiers jusqu’en 2020, les frères Yates se sont séparés l’année suivante quand Adam a pris la direction d’Ineos, avant de rejoindre Pogačar cette saison.

« On est très proches », a relaté Adam, qui a signé sa première victoire d’étape dans un grand Tour et enfilait le jaune pour une deuxième fois après 2020.

« Je lui parle littéralement chaque jour depuis 10, 15, 20 ans. Mais il a évidemment eu une préparation différente de la mienne et il s’est entraîné seul pendant que j’étais à l’extérieur avec mon équipe. »

Double vainqueur d’étape en 2019, Simon Yates n’a pas caché son dépit de rater cette occasion unique de revêtir le jaune pour la première fois.

« Je suis content pour lui, mais en même temps, c’est décevant pour moi, a-t-il admis à France Télévisions. Mais il m’en reste pour demain… »

Une façon plus polie de dire qu’il serait en effet un emmerdeur…