La domination implacable de Red Bull Racing et Sebastian Vettel, mais aussi les incertitudes financières pesant sur la saison 2014 avec le coût prévisible des nouvelles voitures et des nouveaux moteurs V6 turbo hybrides, font peser deux menaces importantes sur la Formule 1.

La première menace, c'est le manque d'intérêt sportif, et donc médiatique, et donc commercial, si l'ogre Vettel, 26 ans seulement, continue à remporter une course sur deux, comme son glorieux aîné Michael Schumacher à l'époque de sa splendeur en rouge, chez Ferrari.

La victoire de dimanche soir à Singapour, troisième d'affilée et septième cette saison, a encore incité certains fans de F1, comme à Spa et Monza, à siffler «Baby Schumi» sur le podium.

«Ce n'est pas correct», a estimé l'ancien pilote britannique Martin Brundle. «Je m'en fiche, et plus on me siffle, plus je fais du bon travail», a répondu Vettel, toujours aussi souriant.

La critique sous-jacente

Personne ne peut reprocher à l'Allemand d'être un très bon pilote, ni à son écurie de faire un excellent travail. La critique sous-jacente, subliminale, c'est qu'il gagne parce qu'il a la meilleure voiture, dans la meilleure écurie, avec le plus gros budget grâce à Dietrich Mateschitz, le géant autrichien de la boisson énergétique.

Mark Webber aussi dispose de la meilleure voiture, mais il ne gagne pas aussi souvent que Vettel. «Si je gagne, ce n'est pas par chance ou par accident, c'est parce qu'on travaille beaucoup. On ne passe pas notre temps dans la piscine», a plaisanté Vettel dimanche soir, dans l'environnement très glamour et vacances de ce Grand Prix.

Les autres travaillent beaucoup, eux aussi, mais ils ne peuvent pas compter sur un ingénieur aussi génial, cet Adrian Newey que Ferrari a tenté de débaucher à prix d'or. Les autres ont désormais fait un trait sur la saison 2013 et pensent déjà à 2014, aux nouvelles monoplaces et aux futurs moteurs V6 turbo hybrides de 1,6 litre de cylindrée.

«Cette saison 2013 est la continuation de la précédente, alors qu'en 2014 tout le monde repartira d'une page blanche», a souligné Fernando Alonso dimanche soir, après son 8e podium de la saison. «C'est notre chance de réduire l'écart avec Red Bull, parce que pour le moment ils travaillent mieux que nous, ils sont meilleurs, et donc ils gagnent. C'est la loi du sport», a ajouté l'Espagnol.

Combien d'écuries en 2014?

Le seul gros problème de 2014, c'est qu'en dehors des trois écuries de pointe, Red Bull, Ferrari et Mercedes, dont le budget est assuré par des moyens extérieurs (vente de canettes ou de voitures), personne ne peut affirmer que les huit autres, quel que soit le niveau de fortune personnelle de leur actionnaire principal, seront toutes au rendez-vous de mars 2014, en Australie.

Certaines ont déjà du mal à payer leurs fournisseurs, leurs billets d'avion et leurs chambres d'hôtel pour finir 2013. D'autres se demandent comment elles vont financer les nouveaux moteurs (27,8 millions $ par saison), les pneus Pirelli (2,8 millions $), sans parler du salaire hypothétique d'un pilote de pointe, non-payant et capable de ramener des points dans une monoplace moins rapide.

Vendredi à Singapour, les cinq patrons d'écuries invités à la conférence de presse FIA ont tenté de donner le change, en rigolant et en souriant, mais Tony Fernandes, le patron de Caterham et des Queen's Park Rangers (2e division anglaise de soccer), riait moins que les autres.

«En Premier League, la répartition des revenus est moins inégale, il y a moins d'écart entre le premier et le dernier», a souligné l'homme d'affaires malaisien. «Avec les nouveaux Accords Concorde, nous avons raté une occasion merveilleuse de créer une répartition équitable, pour que la F1 soit viable. Nous avons tout foiré, faute d'accord entre nous», a-t-il regretté.