En remportant hier le Grand Prix de Grande-Bretagne sur le circuit de Silverstone, Sebastian Vettel a rejoint un groupe sélect de pilotes.

À quelques exceptions près, Silverstone a toujours couronné de grands champions. Schumacher, Senna, Prost, Lauda, Stewart, Clark, Moss, ils s'y sont tous imposés.

Ce n'est pas sans raison que Jenson Button, qui a complètement raté sa course hier, s'en voulait tant d'avoir laissé filer la dernière chance de réaliser l'un de ses plus précieux rêves de jeunesse.

En principe, on a disputé, hier, un dernier Grand Prix à Silverstone. Bernie Ecclestone, qui déteste le circuit et sa direction, a cédé les droits des 10 prochains GP de Grande-Bretagne au nouveau circuit de Donington.

C'est donc un autre pan de l'histoire de la F1 qui va disparaître.

Après la Deuxième Guerre mondiale, cet ancien aérodrome avait accueilli le premier GP de l'histoire du Championnat du monde, en 1950. À l'époque, le tracé était délimité par des barils d'huile et des bottes de foin, mais il avait déjà pratiquement les caractéristiques qui allaient faire sa réputation.

Très rapide, avec de grandes courbes et des enchaînements exigeants, Silverstone convenait dès sa naissance aux «gros coeurs», à ses pilotes qui savent garder la pédale au fond même lorsqu'ils ne sont pas sûrs de rester en piste.

Très vite, les noms de Copse, Woodcote, Becketts ou Stowe - autant de virages réputés de Silverstone -, sont devenus des références pour les amateurs de sport automobile. Les jeunes pilotes redoutaient toujours leur premier contact avec le circuit.

En 1977, c'est là que Gilles Villeneuve a disputé son premier Grand Prix au volant d'une vieille McLaren. Brillamment qualifié au neuvième rang, il s'était finalement classé 11e, malgré un long arrêt aux puits. Son cinquième temps en course lui avait valu des commentaires élogieux des spécialistes.

John Blunsden, le journaliste du Times, avait écrit le lendemain: «Si une équipe cherche un futur champion du monde, elle n'a pas à regarder plus loin que ce jeune homme tranquille mais sûr de lui.»

Le Finlandais Keke Rosberg, un autre pilote réputé pour son courage, y a signé une position de tête historique en 1985, à la moyenne fabuleuse de 259 km/h. Le record a tenu pendant 17 ans.

Autre héros de Silverstone, le Britannique Nigel Mansell, quatre fois vainqueur chez lui, a remporté la plus belle victoire de sa carrière en 1987, en comblant sur sa piste fétiche un retard de plus de 30 secondes sur son coéquipier Nelson Piquet.

Il faut aussi signaler que Jacques Villeneuve y a remporté la 100e victoire de l'équipe Williams, en 1997, l'année de son titre mondial.

Silverstone, c'était aussi le flegme du sport automobile britannique. En 1960, les organisateurs ayant eu l'idée de confier une flotte de Mini Cooper aux pilotes du Grand Prix pour une course de démonstration, Jim Clarke et ses copains ont disputé l'épreuve... en marche arrière!

D'autres circuits - Aintree et Brands Hatch - ont accueilli le GP de Grande-Bretagne à l'occasion, mais Silverstone avait retrouvé l'exclusivité en 1987. Malgré d'importantes modifications, l'introduction de chicanes notamment, le circuit a conservé jusqu'au bout son caractère et ce n'est pas pour rien que les meilleurs voulaient y briller.

À l'heure des autodromes standardisés, des tracés ennuyeux et des gradins de plus en plus dégarnis, la disparition de Silverstone serait un autre signe des dérives de la F1.