>>> Le reportage de Réjean Tremblay sur Gilles Villeneuve

>>> Le reportage de Réjean Tremblay sur Gilles Villeneuve

Triste souvenir que cette séance de qualification du Grand Prix de Belgique, à Zolder, où Gilles Villeneuve a perdu la vie. Comment oublier ces images de la Ferrari se cabrant après avoir touché l'arrière de la voiture de l'Allemand Jochen Mass. Projetée dans les airs, elle frappe un talus avant de tournoyer et de se désintégrer. Sous l'impact, le pilote est catapulté contre un grillage en bordure de piste.

Le vétéran journaliste Guy Robillard de la Presse Canadienne, témoin privilégié de la carrière de Villeneuve en Formule 1, se trouvait sur le circuit de Zolder ce jour-là et il se souvient de la commotion provoquée par cet accident.

«Gilles venait tout juste de passer devant la salle de presse, dans une ultime tentative pour améliorer son chrono. Quelques instants plus tard, quand nous avons vu l'image de l'accident sur les écrans, un silence de mort régnait dans la salle. Seulement à voir ce qui restait de la voiture, tout le monde était conscient de la gravité de l'accident», se rappelle Robillard, qui couvrait à l'époque les activités de la F1 en Europe à titre de pigiste pour plusieurs médias au Québec.

«Tout le monde était bouleversé. La mort d'un pilote en compétition, c'est toujours un choc. Mais dans le cas de Gilles Villeneuve, on était attaché autant à l'homme qu'au pilote. Il dégageait un tel charisme. C'est un grand nom de l'histoire de la course automobile. Sa mort se compare à celle d'Ayrton Senna», poursuit Robillard.

Si les circonstances de sa mort tragique ont alimenté la légende du personnage, il ne fait aucun doute pour ce journaliste d'expérience que le pilote originaire de Berthierville a contribué à la faire naître de son vivant.

«Il nous a fait vivre quelques-uns des plus grands moments de l'histoire de la F1, raconte encore Robillard. Son duel avec René Arnoux pour la deuxième place au Grand Prix de France en 1979 est passé à l'histoire. Les voir rouler côte à côte, leurs roues se touchant à quelques reprises, tout en gardant la maîtrise de leur bolide, c'était du jamais vu.»

Vingt-cinq plus tard, cette séquence demeure l'un des faits saillants les plus prisés de l'histoire de la F1.

«Et que dire de la fois où il a épaté la galerie au Grand Prix de Hollande (1979) quand son pneu arrière gauche a explosé. Impliqué alors dans un duel avec l'Australien Alan Jones, il a complété presque un tour sur trois roues avant de regagner les stands. Son style fougueux n'était pas toujours efficace mais c'était spectaculaire.»

Comme à son dernier Grand Prix du Canada à Montréal, en 1981, quand il est parvenu à compléter l'épreuve en troisième position même s'il n'avait plus d'aileron avant. À la suite d'un accrochage avec des retardataires, Villeneuve s'était retrouvé avec l'aileron avant dressé à la verticale, obstruant son champ de vision. À la faveur de quelques manoeuvres, il était parvenu à s'en défaire, évitant une sanction des commissaires de course.

«On dirait qu'il n'y avait que lui pour avoir l'audace de faire des choses comme ça», raconte Robillard.

En 67 Grands Prix, Gilles Villeneuve aura réussi à remporter six victoires mais jamais de façon banale. Ses deux dernières victoires acquises consécutivement en 1981 témoignent de son talent, de son adresse et de sa volonté de se surpasser.

Au volant d'une Ferrari qui n'était pourtant pas à son avantage dans les étroites rues de la Principauté de Monaco, Villeneuve réalise un dépassement audacieux aux dépens de Alan Jones grâce à un freinage tardif à Sainte-Dévote pour filer vers la victoire.

Trois semaines plus tard, il s'impose au Grand Prix d'Espagne après avoir résisté pendant plusieurs tours aux assauts des Jacques Laffite, John Watson, Carlos Reutemann et Elio de Angelis. Seulement 1,24 seconde séparait le vainqueur du cinquième.

Villeneuve n'a pas seulement vécu sa vie à fond de train sur les circuits. Son goût de la vitesse, du surpassement de soi était un mode de vie. Que ce soit au volant de sa voiture de ville, à bord de son bateau ou aux commandes de son hélicoptère, il repoussait toujours les limites.

«Les anecdotes ne manquent pas, mentionne Robillard. Une fois par exemple, alors qu'il se rendait à Zolder avec son hélicoptère pour un Grand Prix, il faisait mauvais temps au-dessus des Alpes et on dit qu'il est monté à une hauteur à la limite du raisonnable. Ça se parlait beaucoup dans les paddocks.»

Malgré une personnalité réservée, Villeneuve était aimé de tous pour sa gentillesse. Il a gagné le coeur des Tifosi, non seulement en raison de son style mais aussi en apprenant assez rapidement l'italien, ce qui le rendait encore plus sympathique auprès des Italiens.

Vingt-cinq ans ont passé mais le souvenir du «Petit Prince» est toujours bien vivant.