Imaginez décrocher un stage au sein de l’écurie championne du monde de Formule 1 et contribuer à créer sa voiture qui foulera les circuits mondiaux en 2024. Frédéric Vallée, lui, n’a pas à se l’imaginer ; c’est bien réel.

Frédéric étudie en génie mécanique à l’Université McGill, suivant les traces de son parrain, qui est ingénieur mécanique, et de son grand-père, qui est ingénieur civil. Les mathématiques et la physique, voilà ce qui allume le Lévisien. Depuis toujours, il aime construire, comprendre comment les choses fonctionnent.

Frédéric se qualifie comme un « faux fan » de F1, lui qui a commencé à suivre le sport « à cause de Netflix ». Ce qui l’intéresse, vous l’aurez deviné, c’est l’aspect technique derrière les performances de ces imposantes et puissantes monoplaces.

PHOTO JEWEL SAMAD, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le triple champion du monde Max Verstappen au volant de sa voiture Red Bull, sur le circuit d'Abou Dhabi, en novembre

Il a postulé pour un stage dans les différentes équipes en 2021, sans que ça fonctionne. Il a donc retenté le coup à l’automne 2022. Le processus est sensiblement le même pour toutes les équipes, nous explique-t-il : CV, lettre de motivation, tests techniques en ligne.

Frédéric a d’abord obtenu une entrevue avec l’écurie Mercedes, mais il n’a pas été sélectionné. Puis, une autre équipe s’est manifestée.

J’ai reçu un courriel [de Red Bull] un dimanche soir disant que le lundi, je passais une entrevue. C’était une entrevue de deux heures, c’était vraiment technique. Il n’y avait pas beaucoup de ‟parle-moi de toi” là-dedans.

Frédéric Vallée

En sortant de l’entrevue, le jeune homme de 23 ans ne pensait « crissement pas » – ses mots, pas les nôtres ! – obtenir le poste.

Deux jours plus tard, il recevait un appel. Sur l’afficheur, un numéro de Milton Keynes, lieu où est située l’usine de Red Bull, en Angleterre.

« Je vois le nom et je me dis : ils ne doivent pas m’appeler pour me dire que j’ai pas la job ! J’ai dit : t’es sûr que c’est moi que vous engagez ? lâche-t-il en riant. J’ai appelé mes parents. Après ça, je suis descendu à l’université voir mes potes. Tout le monde était comme : c’est quoi les chances que t’aies réussi à avoir ça ? »

C’était à la fin de novembre 2022. Sept mois plus tard, le 1er juillet 2023, il entamait son stage dans les contrées anglaises après avoir terminé un échange étudiant en Suisse.

PHOTO FOURNIE PAR RED BULL

Une photo d’équipe de l’écurie Red Bull avec ses deux pilotes, Sergio Pérez et Max Verstappen

Apport immédiat

Au moment de notre entretien, Frédéric Vallée se trouve chez ses parents, au Québec. Il bénéficie de deux semaines de congé pour le temps des Fêtes. Pour ceux que ça intéresserait : le party de Noël du personnel de Red Bull était « pas pire en mautadit ».

Dès son arrivée à Milton Keynes, en juillet dernier, le Québécois s’est senti utile et écouté.

« C’est assez clair que t’arrives là et t’es une personne de plus qui travaille. […] Ils essaient d’engager quelqu’un de sharp, qui peut faire une extra job, qui peut être formé assez rapidement et qui connaît déjà le technique. »

« Ça n’a pas été long que j’étais en train de dessiner des trucs, continue-t-il. […] Ç’a pris deux ou trois semaines et j’ai commencé à dire : on pourrait essayer ça et ça. Ils t’écoutent, te relancent. »

Frédéric fait son stage en aérodynamique. Le but, explique-t-il, « c’est toujours de faire coller le char à la route le plus possible pour prendre les virages le plus vite possible », tout en respectant les règles imposées par la Fédération internationale de l’automobile (FIA).

Ses tâches consistent en une « boucle » qui se répète. D’abord, il faut dessiner une pièce, puis discuter avec les collègues. Il passe ensuite à l’ordi, où il dessine ladite pièce dans des logiciels de dessin 3D. Suivent les processus de simulation. Une fois que le concept est prometteur, il est envoyé à la soufflerie, où une autre équipe en fera une « vraie pièce ».

« On prend la décision basée sur la soufflerie. On met tout ça sur l’auto et on sort des upgrades packages », résume Frédéric.

L’ingénieur en devenir n’a pas le droit de nous dire exactement sur quelles pièces il travaille, mais il confirme que certaines se trouveront sur la monoplace de 2024. « Je pense que la première [séance de] qualification [de la saison] va être un peu plus stressante », lâche-t-il.

PHOTO FOURNIE PAR RED BULL

Des membres de l’équipe Red Bull célèbrent après avoir remporté le titre des constructeurs de la saison 2023 de Formule 1.

Une structure à point

L’écurie Red Bull et son champion du monde Max Verstappen ont été absolument dominants tout au long de la saison 2023. Même en tant que stagiaire, Frédéric Vallée peine à expliquer l’énorme écart de performance entre Red Bull et les autres écuries.

« Au final, c’est comme un tout. […] Il y a du monde qui part, du monde qui vient. Mais je pense qu’il y a quand même une structure qui est là, bien organisée et qui doit faire que, même si tu as du personnel qui roule, les outils sont bien organisés. »

Pour ceux qui se demanderaient s’il côtoie les pilotes ; oui, il les croise à l’usine, mais ne force pas les interactions avec eux. Après tout, ce sont des collègues.

Après son stage, Frédéric reviendra au Québec afin de terminer la dernière année de son baccalauréat. À savoir s’il y aurait possibilité de retourner chez Red Bull à temps plein, le jeune homme acquiesce. « C’est sûr que la porte va être ouverte pour que je retourne là si ça me tente », dit-il.

Sa décision n’est pas encore prise, toutefois. Après tout, ça implique de déménager en Angleterre. « C’est un certain sacrifice, mais retourner le faire pour quelques années, ce serait dur de dire non… »