Ce ne sont plus que des passionnés de course automobile qui se lèvent tôt, le dimanche matin, pour suivre les Grands Prix de F1 en direct. Ces évènements attirent désormais un public plus large, plus jeune, plus diversifié, et Drive to Survive y a joué un « très grand rôle ».

Tournée depuis 2018, la série a connu un succès instantané grâce à son format qui flirte avec la téléréalité, où les spectateurs ont accès aux coulisses des écuries ainsi qu’aux confidences des directeurs et des pilotes devant la caméra.

Notamment produite par le Britannique James Gay-Rees, elle compte à présent quatre saisons de dix épisodes, qui résument chacune une saison complète de F1, et a récolté plusieurs citations pour différents prix. Des saisons 5 et 6 sont d’ailleurs prévues. Mais surtout, elle a créé un engouement hors du commun pour un sport qui aspirait déjà à toucher une clientèle différente.

Pierre Houde, descripteur officiel des courses de Formule 1 à l’antenne de RDS, en a remarqué les bienfaits.

Dans les deux dernières années, dont celle-ci, je me fais tellement dire souvent par des gens qui me croisent dans la rue ou des amis qu’ils avaient fui le navire de la F1 et qu’ils y sont revenus. […] En grande partie, la flamme a été rallumée par Drive to Survive. On me le dit très souvent.

Pierre Houde, descripteur des courses de F1 à RDS

En 2018, RDS recensait une moyenne de 146 000 téléspectateurs par Grand Prix présenté sur ses ondes. Depuis, l’audience s’est agrandie de manière constante chaque année. En 2022, après huit courses, ce nombre s’élève à 277 000 : une augmentation notoire de 90 % en quatre ans.

« La Formule 1 s’est beaucoup adaptée », fait valoir Frank Pons, directeur de l’Observatoire international en management du sport de l’Université Laval. « Il y a eu des changements énormes depuis l’achat par Liberty Media [en 2016]. »

« Leur rebranding vise un public plus jeune, et ils se démarquent par leur utilisation des médias sociaux, soutient-il. En fait, c’est le sport avec la plus grande croissance en termes de présence sur les médias sociaux dans les trois dernières années. »

Élargir son public

Le promoteur du Grand Prix du Canada, François Dumontier, peut aisément témoigner de cette montée en popularité, alors que la F1 est de passage à Montréal en fin de semaine.

Photo Olivier Jean, LA PRESSE

François Dumontier, promoteur du Grand Prix du Canada

« Il y a les deux pilotes canadiens, oui. Mais l’élément-clé, c’est la série sur Netflix. Tout le monde nous en parle, explique-t-il. Ça a créé de nouveaux adeptes de F1. Il y a des gens que je connais qui ne connaissaient rien à la Formule 1. Ça ne les intéressait pas. Ils ont regardé Drive to Survive et soudainement, ils sont devenus des amateurs. Et ce n’est pas juste à Montréal. C’est un phénomène que l’on voit dans tous les Grands Prix. »

Pierre Houde le reconnaît : passionné depuis des décennies, il ne fait pas partie du « public cible » de Drive to Survive. « Moi, ça ne m’apporte absolument rien d’écouter une conversation entre un pilote et son directeur d’écurie pendant qu’ils mangent un sandwich », ricane-t-il.

Par contre, le descripteur voit la chose comme un bon moyen pour la F1 de se rapprocher des partisans, après qu’elle s’est fait longtemps reprocher que son « gigantisme » l’empêchait d’établir un contact étroit avec ceux qui la suivent assidument. « Ça vise un public cible plus détaché, et qui a envie de s’attacher. »

Photo Olivier Jean, LA PRESSE

Populaire journée portes ouvertes au circuit Gilles-Villeneuve, jeudi dernier

Frank Pons salue également l’effort de la Formule 1 sur le plan des données recueillies à propos de son public, ce qui permet à Liberty Media de créer une « bonne fidélisation ».

« L’engagement cognitif, c’est la première manière d’aller chercher de l’engagement, illustre-t-il. Et la deuxième manière, c’est l’engagement affectif. Drive to Survive montre du contenu qui va aller chercher des émotions. Ce qu’on fait, c’est scénariser un contenu réel : comme une téléréalité bien présentée. C’est ce qui fait qu’on rentre dans l’histoire rapidement et qu’on se retrouve sur Netflix. »

Le seul défi pour Netflix, maintenant, sera de faire attention à la façon dont les conflits entre athlètes ou écuries sont présentés à l’écran. Certains pilotes se sont plaints de cet aspect, lors de la dernière saison.

Photo Olivier Jean, LA PRESSE

Le pilote monégasque Charles Leclerc (à droite) sur le circuit Gilles-Villeneuve

Pour la suite, Pierre Houde est enthousiaste. Les jeunes, comme Max Verstappen (Red Bull), Charles Leclerc (Ferrari) et George Russell (Mercedes), succèdent tranquillement aux vétérans champions du monde comme Lewis Hamilton (Mercedes), Sebastian Vettel (Aston Martin) et Fernando Alonso (Alpine).

« J’aime beaucoup la jeune génération de pilotes qui reprend le flambeau », avoue celui qui décrit la F1 depuis 1993.

Avec la collaboration de Katherine Harvey-Pinard, La Presse