Qu’ils soient concurrents, mécaniciens, journalistes, membres de l’organisation, la plupart des gens qui sont passés par le rallye Dakar s’entendent pour dire que cette expérience a laissé sur eux une marque indélébile. Ceux qui l’ont couru et ne sont pas arrivés au bout ne songent qu’à y retourner pour finir. Ceux qui l’ont réussi veulent faire mieux la prochaine fois ou défendre leur position. Ceux qui y ont travaillé s’y sont fait des amis qu’ils ont envie de retrouver. Il peut s’écouler des décennies avant que le projet aboutisse, mais tel un TOC, les initiés en veulent encore, du Dakar.

(Arabie saoudite) New York est un couvent comparativement au bivouac du Dakar. Le village itinérant qui s’ouvre et se plie suivant le parcours du rallye bourdonne 24 heures sur 24. Il y règne une activité perpétuelle que l’on doit aux efforts d’entretien mécanique, mais aussi à la gestion de la vie communautaire qui s’articule autour des déménagements consécutifs. Car le temps du Dakar, nous devenons une tribu nomade où chaque acteur est à pied d’œuvre pour accomplir sa mission.

La palme du noctambulisme revient aux mécanos qui s’affairent dès le retour des concurrents, et parfois la nuit durant. Avec la minutie d’un chirurgien, ils réparent le moteur, le radiateur, les amortisseurs, les freins, changent l’huile, les filtres, etc.

D’une étape à l’autre, beaucoup de pièces sont remplacées, et malgré les bons soins des mécaniciens, plusieurs véhicules finissent par avoir l’allure de zombies. Cela étant dit, la rigueur du protocole demeure : l’immense garage à ciel ouvert vrombit au rythme des tests, ce qui a un impact sur le cycle du sommeil des dormeurs.

Viennent ensuite ceux qui sont dépêchés sur le terrain pour assister les concurrents dont la machine ne peut plus avancer. Le Trifluvien Patrick Trahan conduit un des camions-balais qui récupèrent les motos et les quads brisés sur la route. Il est le premier Québécois à occuper cette fonction et c’est à titre d’habitué du désert et des courses – il en compte une quinzaine, dont trois au Dakar – qu’il a pu être admis. Son coéquipier et lui passent la majeure partie de leur temps sur la piste, ce qui les amène souvent à bivouaquer en plein désert.

Mais les clients se font rares sur cette édition. Ça manque d’action pour le motard habitué à l’adrénaline : « Je me demande si je vais être capable de me sortir du trouble parce que je n’ai pas encore été mis à l’épreuve. Je pense que oui, mais j’ai hâte d’être mis au défi ! » Ce qui l’amène à rêver d’un quatrième Dakar, en side by side (bord à bord) cette fois.

PHOTO FOURNIE PAR PATRICK TRAHAN

Patrick Trahan

À plus court terme, il espère pouvoir tenir le raid motoneige qu’il dirige depuis sept ans. Si l’état de la pandémie le permet, le Challenge Blanc sera disputé à La Tuque du 17 au 19 février.

Le service médical bien présent

Si les docteurs de la ferraille sont occupés, ceux de la machine humaine le sont tout autant.

Une journée normale, c’est 200 patients que voit l’équipe médicale, qui compte 77 urgentistes. Ils disposent de treize autos, de six hélicoptères et d’un avion sanitaire pour secourir les blessés.

Leur « Medical Center » est équipé pour coordonner chaque situation de la « bobologie », jusqu’aux anesthésies et petites interventions chirurgicales. Les blessés sévères sont quant à eux déplacés vers les hôpitaux locaux avant d’être rapatriés lorsque leur condition le permet.

Florence Pommerie, directrice du service médical du Dakar depuis 2006, raconte qu’il y a tout un travail qui est fait en amont. « On vient avant dans le pays pour vérifier les hôpitaux avec lesquels on veut travailler, après on recrute l’équipe médicale. » On les choisit des quatre coins du monde pour qu’ils puissent communiquer dans la langue des participants et pour faire partager une expérience médicale des différents continents.

PHOTO ANNE-MARIE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Florence Pommerie (au centre)

Avec une logistique en tiroirs, l’hôpital d’aujourd’hui roule à plein régime tandis que celui de demain est déjà prêt à recevoir des patients.

« On transporte ici 12 tonnes de matériel. Tout ce que vous voyez là, ce qu’il faut pour faire des radiographies, des échographies, les médicaments, nous avons la même chose qui nous attend sur la prochaine étape. Ce qui fait que l’équipe médicale fonctionne en continu pendant les 15 jours du rallye », explique le directeur logistique de l’équipe médicale, Gouram Assathiany.

C’est tout cela que la caravane du Dakar transporte depuis 44 ans et qui fait qu’on y revient, quel que soit le siège qu’on y occupe. Pour plusieurs, le rallye est une famille, un mode de vie. La version saoudienne est moins festive que celles d’Afrique et d’Amérique latine. Sobriété nationale oblige, les soirées se terminent plus tôt et les habitants n’accourent pas vers les participants.

Mais la passion ne faiblit pas parce que l’âme du Dakar, comme le sable qui nous colle à la peau, c’est de l’ordre de l’intime. C’est de l’intérieur que ça se vit.

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