En passant au cours de l'hiver de simple motoriste à constructeur, Renault a signé son grand retour en F1. Un retour qu'on ne doit pas uniquement au sport. L'objectif à long terme est le titre mondial mais, dès le départ, le chemin a été semé d'obstacles.

« Lorsque vous développez des moteurs, vous avez le privilège d'être oublié lorsque vous gagnez mais d'être mis en valeur lorsque vous perdez. » Agacé la saison dernière de voir Renault critiqué par Red Bull, Carlos Ghosn a pris le taureau par les cornes. Après de multiples consultations, le PDG de l'Alliance Renault-Nissan a pris sa décision : Renault sera de nouveau une équipe de F1. Pour gagner. Mais pas seulement.

Avec un patron comme lui, vous faites mieux de gagner. Carlos Ghosn veut que le succès en F1 amène des ventes à Renault. Photo : Reuters

Toute la direction était là

En ce 3 février 2016, il y a du monde, et du beau monde, au Technocentre de Renault, à Guyancourt, en banlieue de Paris.

Le constructeur dévoile sa RS16, toute de noir vêtue. Un symbole. Vingt ans après son dernier sacre mondial et celui de Fernando Alonso, la marque au losange concrétise son retour en F1 en dévoilant sa monoplace.

Aux côtés des 300 journalistes venus du monde entier, le conseil de direction de Renault se trouve presque au grand complet. Une présence importante et très significative. Qui témoigne d'une réelle et rare implication d'un constructeur automobile dans la Formule 1, interprètent des cadres de la nouvelle écurie.

Cela va de soi, rien n'a été laissé au hasard, et aucune décision n'a été prise sans une profonde réflexion et une stratégie bien pensée. À ceci près que la démarche de Renault ne concerne pas que la F1.

« Jusqu'ici en F1, Renault n'avait aucune maîtrise de l'image, aucune maîtrise de l'équipe et moins de retombées, car quel que soit le châssis ou le moteur, c'est Red Bull qui fait des résultats, pas Renault en tant que motoriste. On parle de vous un petit peu, uniquement quand il y a des mauvaises nouvelles. Et puis, vous n'avez pas la main sur la communication », nous confie quelques mois plus tard à Barcelone Frédéric Vasseur, nommé directeur de la Compétition Renault Sport Racing l'hiver dernier, chargé de prendre les rênes de la nouvelle écurie Renault.

Il y a déjà beaucoup de pression sur Frédéric Vasseur. Photo : Renault F1

La F1, outil de vente

La raison première de ce retour n'est pas d'ordre sportif, mais mercantile.

La vente de voitures de l'Alliance Renault-Nissan ira de pair avec la mise au point de la « nouvelle génération de systèmes de récupération d'énergie » des F1, avec l'objectif de favoriser « les transferts de technologie vers les voitures [des] clients ».

Mais « le chef », comme dit avec amusement Frédéric Vasseur, ne perd pas de vue que l'objectif sportif est de gagner en F1.

Un marché clef : Renault était écrit en chinois au GP de Chine. Photo: AFP

Le chef veut que Renault F1 soit No 1

Et c'est là que les choses se compliquent un peu, surtout depuis l'emballement de l'automne dernier lorsque Renault a définitivement racheté l'écurie Lotus le 19 décembre.

« Il y avait une heure de tombée pour la construction et le design des voitures pour Renault qui faisait que déjà, fin décembre, j'avais l'impression qu'on avait passé le panneau trop tard pour être en février à Barcelone [NDLR : aux essais d'avant-saison], témoigne Frédéric Vasseur. C'est sûr qu'à la fin, ça s'est un peu emballé, mais je pensais honnêtement qu'on était trop tard. On serait certainement plus performants aujourd'hui si on avait commencé deux ou trois mois plus tôt. On peut toujours regretter ça, mais en même temps, le projet aujourd'hui est un projet à moyen et long termes. »

Lorsque Renault met la main sur Lotus en décembre, elle découvre une équipe à l'agonie dans tous les domaines.

Il a dit No 1. Pas No 2. Photo : AP

« Les dernières années, il y a eu très, très peu d'investissements lourds, dit Vasseur. Et les derniers mois, il n'y avait plus de moyens de production. Je pense que la seule préoccupation était d'être présent en course et d'être capable de faire des courses. »

Course contre la montre

Dans l'usine de l'écurie Lotus à Enstone, une voiture avait été dessinée pour 2016. « C'était en cours, mais c'était la voiture de l'année 2015. Le dessin se limitait à essayer d'implanter un moteur Renault dedans. Avec les problématiques qu'il peut y avoir entre les deux », souffle Vasseur.

Renault se livre alors à une véritable course contre la montre pour être présente aux essais d'avant-saison à Barcelone en février. Il lui est impossible de dessiner un nouveau châssis en deux mois. Il faut avoir recours à celui qu'elle a sous la main.

« On savait au départ que le début de saison serait difficile, explique Frédéric Vasseur. On connaissait parfaitement la situation de Lotus l'année dernière. On savait parfaitement que l'on devait répondre aux attentes de Renault à court terme et en même temps travailler sur l'avenir. »

« C'était un peu compliqué au niveau de la gestion, mais on n'avait pas plus d'attentes que ce qu'on a fait jusqu'ici », ajoute Vasseur.

Et jusqu'ici, Vasseur et son équipe ont réussi à marquer six points, en Russie. Et à maintenir une certaine fiabilité avec un seul abandon pour bris mécanique à déplorer. Renault est pour l'instant dans la deuxième moitié du tableau. « Le chef » a évidemment demandé plus...

Essais hivernaux 2016 à Barcelone. Photo : Renault F1