Au-delà des espérances les plus folles de cette nouvelle équipe. Épanoui mais lucide, il sait qu'il y aura des lendemains plus difficiles; les dernières courses l'ont démontré. Confidences du Français recueillies à Barcelone.

Une adaptation rapide

« Quand Haas m'a recruté, ils voulaient absolument un pilote expérimenté, capable de sortir de bons résultats. Je me suis senti tout de suite très bien, le bienvenu, et j'ai vraiment été bien accueilli. À partir de là, les choses se sont faites naturellement, j'ai été très tôt intégré au projet, à essayer d'aider, à comprendre, à trouver les meilleures solutions pour que l'on ait une équipe compétitive. Il y a une superbe ambiance, on s'entend très, très bien dans l'équipe, on a des résultats que personne n'attendait, on va continuer à progresser et à travailler. »

Le pilote Esteban Gutierrez, le directeur d'écurie Guenther Steiner, Romain Grosjean et le propriétaire de l'équipe Gene Haas, lors de l'anniversaire de Grosjean, au Grand Prix de Chine. Photo : Haas F1

Revanche sur les sceptiques

« Les premiers résultats ont réglé assez rapidement le problème [des sceptiques au sujet de son choix]. Il y en a qui ont dit que Haas était un choix bizarre, on a écrit que c'était un suicide de carrière... Je pense qu'aujourd'hui, ils peuvent reprendre leur stylo ou venir me parler directement. Quand j'ai rejoint l'équipe, j'en avais entendu et lu assez pour comprendre que c'était quelque chose d'extrêmement bien que ce choix. C'est clairement un choix de carrière de rejoindre Haas. Je savais qu'il y avait une nouvelle direction à prendre et que, si je voulais être champion du monde un jour, la meilleure option pour moi était de changer, de quitter Lotus. J'ai passé un cap. Je me vois encore sept, huit ans en F1. Pour le moment, c'est sûr que ça paraît compliqué avec Haas [d'être un jour champion du monde]. Maintenant, il faut voir comment l'équipe va se développer. »

Romain Grosjean avant les essais libres du GP de Russie à Sotchi. Photo : AFP

Nouvelle image

« J'ai une image qui a changé aussi parce que je ne suis plus dans la même équipe, c'est important pour moi. Oui, mon image par rapport à mon comportement en piste a changé, dès 2013 en fait. J'ai été capable de montrer avec une Lotus qui n'était pas forcément la meilleure voiture que je pouvais faire des résultats et un podium en 2015. J'ai montré qu'avec la Haas, j'étais capable de prendre des super opportunités quand elles se présentaient à nous. Aujourd'hui, j'ai une image de pilote expérimenté qui va vite. Et qui sait mener une équipe là où elle doit aller. Une image, ça se façonne sur beaucoup de temps et ça se détruit très rapidement. Il faut continuer à faire du bon travail. »

Romain Grosjean. Photo : Haas F1

Le patron derrière la voiture

« L'écurie Haas est différente sur pas mal de points. Moi, ce que j'aime, c'est qu'on peut tout dire ouvertement, il n'y a pas de jugement, on a le droit à son opinion. Ce que j'aime aussi, c'est qu'on a un patron, Gene Haas, qui est passionné et impliqué mais qui en même temps ne va pas dire aux gens ce qu'il faut faire quand ce n'est pas de son domaine. Mais il aime comprendre, il aime être présent et encourager tout le monde. Pour tout ingénieur, mécanicien ou pilote, voir un patron qui arrive à 7 h le matin et qui, après 23 h le soir, se couche sous les voitures pour voir comment ça se passe, pose des questions et ne juge pas, ça donne un énorme boost. Est-ce que je n'ai pas vu ça avant ? C'était différent [sourire]. »

Romain Grosjean et Gene Haas, le propriétaire de Haas F1. Photo : Haas F1

Plus agressif en piste

« Si j'écoutais Gene, il faudrait qu'on soit calme et qu'on passe le premier virage [sourire]. Je ne suis pas plus agressif que d'autres. Ça dépend et ça dépendra des Grands Prix. Ça dépend comment je me sens le jour de la course, ça dépend de la voiture. Mais dans l'ensemble, je me sens bien dans la voiture, j'ai confiance en elle. Du coup, ça me permet d'aller vite. J'aime travailler fort, quand les choses vont bien. Et pour faire progresser tout le monde, à certains moments, il faut être un peu plus dur. Je me sens extrêmement bien dans l'équipe. J'évolue comme je veux. On peut vraiment se concentrer sur le travail qu'on aime faire. »

Romain Grosjean. Photo : Haas F1

Des débuts exceptionnels...

« On est plus haut que nos attentes. On savait depuis les essais hivernaux que l'on avait une bonne base de travail. On a une bonne voiture. Après, les deux premières courses ont été assez exceptionnelles en matière de résultats. La Chine [NDLR : il a fini 19e, son coéquipier Esteban Gutierrez, 14e] nous a rappelés à l'ordre, je pense que cela fait du bien. On continue à progresser, à apprendre et à travailler. Il y a beaucoup de choses à faire mais dans l'ensemble, on est en avance sur le plan de vol. On a eu un petit peu de réussite en Australie. À Bahreïn, la voiture a extrêmement bien marché. En Russie, on a un début de week-end compliqué mais une fin heureuse [NDLR : il a obtenu la huitième place], on a profité des faits des courses et des opportunités qui s'ouvraient à nous. »

Romain Grosjean au volant de sa Haas F1 lors du GP de Russie. Photo : Reuters

...rattrapés par des difficultés

« Il y a pas mal de choses qui expliquent les difficultés d'après. Il y a des circuits différents, il y a les premiers problèmes, il y a des choses que l'on n'a pas forcément comprises tout de suite. Les analyses prennent un peu plus de temps quand on a une nouvelle équipe parce que les outils ne sont pas forcément au point. On a souffert, mais c'est une bonne chose pour nous, ça nous a permis de poser les bonnes questions et de rebondir. Ce n'est jamais simple d'arriver en F1, de performer, de garder un bon niveau. Quand on voit Mercedes aujourd'hui au plus haut niveau, ce n'est pas simple d'y rester tout le temps. Je pense que si l'équipe Haas est en F1 aujourd'hui, c'est pour aller encore plus loin qu'elle ne l'est aujourd'hui. »

Romain Grosjean. Photo : Haas F1