(Los Angeles) Les chants s’élevaient de la plaza située en face du Staples Center. « Kobe ! » et « MVP ! MVP ! ». Ils venaient de centaines d’amateurs réunis pour pleurer la mort de Kobe Bryant.

Des chandelles avaient été allumées et posées près de messages écrits à la main sur des enseignes et sur la chaussée. De nombreux bouquets de fleurs étaient empilés, certains décorés de ballons pourpre et or.

Des hommes, des femmes et des enfants avaient été attirés vers le cœur du centre-ville de Los Angeles où, jadis, ils avaient célébré les cinq championnats de la NBA que Bryant et les Lakers ont gagnés.

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Cette fois, ils étaient envahis par de la consternation et de la tristesse plusieurs heures après que Bryant, sa fille Gianna et sept autres personnes eurent perdu la vie dans l’écrasement d’un hélicoptère au nord-ouest de la ville, dimanche.

Comme bien d’autres qui vivent dans la métropole californienne, Bryant n’était pas un enfant de Los Angeles. Né à Philadelphie, il avait passé quelques-unes des premières années de sa vie en Italie, où il a appris la langue pendant que son père y jouait au basketball professionnel.

Il est plus tard retourné dans la région de Philadelphie et est devenu une vedette de l’équipe de basketball de l’école secondaire Lower Merian, au point d’être considéré comme l’un des meilleurs joueurs de son niveau au pays.

Il est toutefois davantage identifié à Los Angeles, où celui qui en est devenu le fils adoptif a emballé les amateurs grâce à de spectaculaires pièces de jeu avec les Lakers pendant 20 saisons.

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Bryant est arrivé dans la NBA directement de l’école secondaire, un adolescent discret de 17 ans dont les parents ont dû cosigner le contrat jusqu’à ce qu’il ait le droit d’apposer lui-même sa signature une fois qu’il eut atteint l’âge de 18 ans. Il était tellement jeune que le personnel médical des Lakers devait demander la permission à sa mère pour lui donner des médicaments.

À l’époque, peu de gens à Los Angeles voyaient se poindre un successeur à Magic Johnson, le leader des « Showtime » Lakers au sourire lumineux.

En fait, Bryant a toujours été plus Michael Jordan que Johnson. Son instinct du tueur, son infatigable éthique de travail et son intolérance face aux demi-mesures lors des entraînements et des matchs s’apparentaient davantage à l’attitude de Jordan, son idole.

Pourtant, l’audace de Bryant a plu aux Angelins, habituellement décontractés. Parfois, elle a provoqué des accrochages avec Shaquille O’Neal, qui a partagé d’inconfortables réflecteurs avec Bryant tout en gagnant trois championnats consécutifs de la NBA entre 2000 et 2002.

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Photo datée de 1999. Shaquille O’Neal (34), Elden Campbell (41), Kobe Bryant (8) et Eddie Jones (6)

Ce n’est que lorsqu’O’Neal a été échangé en 2004 que Bryant a pris la relève à titre de pierre angulaire des Lakers, et que Johnson l’a appuyé à titre de valeureux successeur. Pour les autres joueurs, Bryant est devenu le Jordan de son époque, et une idole adorée et chérie par tous dans sa ville adoptive.

« Il a grandi là-bas, a déclaré le directeur général Bob Myers, des Warriors de Golden State. Il a grandi, il a acquis de la maturité, il a changé et évolué. Je suis certain qu’ils (les citoyens de Los Angeles) avaient l’impression de grandir avec lui. »

À l’extérieur du court, Bryant est brièvement tombé en disgrâce, en 2003, après avoir été accusé d’agression sexuelle dans un hôtel du Colorado. Il a perdu des commanditaires et des fans, et sa réputation a été entachée. L’affaire a éventuellement été abandonnée, et Bryant et son accusatrice ont réglé la poursuite déposée contre lui au civil.

Il y a eu d’autres ennuis personnels. Vanessa, l’épouse de Bryant, a demandé le divorce en 2011, mais ils se sont réconciliés un an plus tard. Il y a eu, aussi, des désaccords avec ses parents. À l’origine, ils s’étaient opposés à son mariage et n’ont pas assisté à la cérémonie. En 2013, sa mère a tenté de vendre aux enchères des articles commémoratifs lui appartenant, une manœuvre qu’il a contestée avec succès.

Ces embûches n’ont fait que rendre Bryant plus humain parmi ses partisans. S’ils pouvaient avoir des ennuis personnels et familiaux, lui aussi.

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Quelques-uns des plus grands moments de Bryant ont eu lieu au Staples Center, où il a marqué 81 points le 22 janvier 2006, le deuxième plus haut total lors d’un même match dans l’histoire de la ligue. Il a mené les Lakers à deux autres titres en 2009 et en 2010.

Moins de 24 heures avant sa mort tragique, Bryant avait fait les manchettes. LeBron James, actuel porte-couleurs des Lakers, l’avait doublé au troisième rang de la liste des meilleurs pointeurs dans l’histoire de la NBA, lors d’un match à Philadelphie. Jadis extrêmement compétitif, Bryant était devenu confortable dans le rôle de « doyen » et son dernier gazouillis a servi à féliciter James pour son exploit.

Bien avant qu’il ne prenne sa retraite, Bryant et son épouse ont lancé une fondation dont l’objectif était d’aider les familles et les enfants. Bryant disait avoir eu envie d’agir après avoir vu des sans-abri dans les rues à l’extérieur de l’aréna alors qu’il retournait vers sa résidence du comté Orange après les matchs.

« Il n’était pas seulement un athlète, a déclaré Jason Ackerman, un amateur, à l’extérieur du Staples Center. Il a donné de l’espoir à la ville. »

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« Le décès de Kobe est encore plus douloureux quand on sait ce qu’il était capable de faire et ce qu’il aurait peut-être accompli dans sa vie post-NBA », a affirmé Arn Tellem, un ancien agent de longue date de Bryant.

« Il était déjà sur la bonne voie. »

Leonardo DiCaprio est peut-être celui qui a offert le meilleur résumé.

« L. A. ne sera plus jamais la même », a écrit l’acteur sur Twitter.