(Las Vegas) Des Montréalais qui visiteraient Las Vegas, ces jours-ci, ne seraient pas dépaysés.

Personne ne confondra bien sûr les fontaines du Bellagio avec le lac aux Castors. Mais il y a en ce moment, dans la ville du vice, une grogne contre les travaux routiers qui n’a rien à envier à celle observée à l’heure de pointe à l’approche du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Cette colère ne tombe pas du ciel. Vegas sera l’hôte, du 16 au 18 novembre, d’un Grand Prix de Formule 1, le premier présenté dans la capitale des casinos fumeurs en plus de 40 ans.

Le projet, on s’étonnerait du contraire, est ambitieux. Le circuit urbain de 6,2 km prend forme sur les artères les plus en vue de la ville. Une longue ligne droite verra les pilotes filer sur la « Strip » devant le Bellagio, le Caesars Palace et le Mirage, notamment. Un virage vers l’est transporte la piste près de la toute nouvelle (et spectaculaire) Sphère, après quoi, la boucle se termine en empruntant des boulevards moins fréquentés.

Comme on peut s’en douter, l’aménagement de la piste, avec les réfections routières et la construction des gradins qui l’accompagnent, ne se fait pas sans heurt. Un autre souvenir, tiens, pour les résidants de l’arrondissement de Ville-Marie qui, en 2017, ont pesté contre l’unique course de Formule E tenue dans la métropole.

À Vegas, les conséquences sur le trafic autoroutier sont un cauchemar.

À petite échelle, le représentant de La Presse a pu le constater, dimanche soir dernier, alors qu’un déplacement en Uber qui aurait dû prendre 10 minutes s’est étiré sur près d’une demi-heure. En dehors des heures de pointe, importe-t-il de souligner.

« Tout arrive en même temps, a expliqué Kyle, notre sympathique conducteur. Plusieurs autres travaux étaient nécessaires et sont faits simultanément. La Ville ne s’est pas souciée d’étaler les chantiers dans le temps. »

Un thème qui nous semblait là aussi familier, mais nous ne l’avons pas relevé.

Un coup d’œil dans les journaux locaux donne le même son de cloche. Les articles, lettres ouvertes et chroniques sur ce thème se comptent par dizaines. Les travaux en vue du Grand Prix ont commencé en avril : six mois plus tard, on tape sérieusement du pied.

Les commerçants établis au cœur des chantiers se plaignent de voir leur fréquentation et leurs revenus fondre. L’avenue Sands et l’allée Koval, tout près de la Sphère, ressemblent parfois à des stationnements.

PHOTO SIMON-OLIVIER LORANGE, LA PRESSE

Dans l’allée Koval, à l’est de la « Strip », les voitures longent la piste flambant neuve que surplombent d’immenses gradins encore en cours d’assemblage.

Dans l’allée Koval, près d’un bar karaoké peu prestigieux où se sont peut-être rendus des journalistes affectés à la couverture du Canadien de Montréal dimanche, les voitures longeaient lentement un immense chantier qui accaparait la moitié de la voie circulable. La scène était surprenante alors qu’à quelques mètres de là, la piste de F1 et son asphalte flambant neuf ne semblaient demander qu’à être utilisés.

Une journaliste du Las Vegas Review-Journal a récemment décrit une scène autrefois impensable. « Dix-sept voitures, un camion et un autobus de la Ville étaient alignés, immobiles, dans le boulevard Flamingo, tentant de tourner à droite sur la « Strip » à 14 h 47 un mardi. Et le feu était vert. »

Échaudés

Les travailleurs de l’industrie du tourisme, poumon économique de Vegas, sont aussi échaudés. Se rendre au boulot leur prend désormais beaucoup, beaucoup de temps. Et ils se demandent à quoi ça ressemblera pendant les quelques jours que durera l’évènement.

La ville a même installé un pont temporaire pour offrir une rare soupape d’échappement aux automobilistes coincés dans le quadrilatère touristique. Ironiquement, la mise en place de ce pont a causé ses propres bouchons. Le voilà toutefois fonctionnel.

Un autre hic, soulève-t-on encore localement : les transports en commun ne sont pas suffisamment efficaces pour devenir une solution de rechange fiable.

Et quiconque est déjà passé par Vegas sait que de parcourir la « Strip » à pied peut être très long. Les points d’intérêt sont éloignés les uns des autres et le large boulevard ne peut être traversé qu’à des endroits bien précis.

« Ce sera sans doute mieux l’an prochain », a supposé Cindy, autre conductrice Uber visiblement affectée par ce dossier. C’est à souhaiter, car le championnat de Formule 1 s’arrêtera dans le désert du Nevada au cours des 10 prochaines années. Les résidants et les visiteurs devront donc prendre leur mal en patience.

Au fait, pour les personnes tentées par un voyage de dernière minute, il semble que quelques forfaits affichés à plusieurs milliers de dollars soient encore disponibles pour assister aux festivités.

Le plus alléchant, rapporte le site Motorsport, inclut 12 billets donnant accès aux paddocks et cinq nuitées dans la villa Nobu Sky du Caesars Palace, dont la terrasse, surplombant la piste, peut accueillir 75 personnes. Le tout pour la coquette somme de 5 millions de dollars. « Quand on y pense, c’est “seulement” 66 000 $ par invité », écrit le magazine spécialisé.

C’est une manière de voir les choses.

Rectificatif
Une version précédente de ce texte indiquait, à tort, que c’était le premier passage de la Formule 1 à Vegas. Des Grands Prix y ont toutefois été présentés en 1981 et 1982.