En cinq ans seulement, le Montréalais Mathieu Blanchard est devenu un des meilleurs coureurs professionnels d’ultra-trail au monde. Il raconte son parcours dans Vivre d’aventures, écrit en collaboration avec le journaliste Franck Berteau. Pour lui, il s’agit d’aller plus loin que ce qu’il présente sur les réseaux sociaux, en conférence ou lors de rencontres avec les uns et les autres en marge des courses.

« Souvent, je reçois des questions un peu plus techniques, un peu plus intimes aussi, des questions sur mon histoire : est-ce qu’il y a eu des moments plus difficiles dans ma vie ? indique Mathieu Blanchard en entrevue. Sur les réseaux sociaux, on a tendance à toujours partager les beaux moments, les sourires. Il manquait un morceau de mon histoire et pour moi, le livre était le seul canal de communication pour le partager. »

Français d’origine, il s’établit à Montréal à l’hiver 2014 pour occuper un poste d’ingénieur. Il est fasciné par les coureurs qui affrontent le mont Royal à -25 ℃, la barbe et les sourcils couverts de givre. Il décide de s’y mettre. Il vise le marathon de Montréal, rien de moins.

« En bon ingénieur, je décortique un tas de livres et de sites internet spécialisés afin de me concocter un programme d’entraînement. »

Ça fonctionne. En septembre 2014, il parcourt le marathon en 3 heures 46 secondes.

Il fait sa première grande course en sentier en 2016, l’Utra-Trail Harricana du Canada, 80 kilomètres le long de la rivière Malbaie, dans Charlevoix. Sans vraiment s’en rendre compte, il mène la course de bout en bout et finit par la remporter. C’est l’illumination.

Au cours de mes jeunes années, j’ai touché à plein de sports différents, sans jamais vraiment exceller dans aucun d’entre eux. Et voilà que je termine mon premier trail enthousiaste et en vainqueur.

Mathieu Blanchard, dans Vivre d’aventures

Il participe à un camp d’entraînement de Salomon, se fait recruter comme représentant de marque. Et ça démarre pour de bon. Au point de laisser son emploi d’ingénieur, une décision difficile. Si sa famille et ses amis de France montrent peu d’enthousiasme, ses amis et collègues du Québec l’encouragent à faire le saut.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Mathieu Blanchard à Montréal en 2019, peu après qu’il a quitté son emploi d’ingénieur pour devenir coureur professionnel.

« En France, ils étaient beaucoup moins favorables à l’idée que je quitte cette belle carrière d’ingénieur où j’avais une stabilité d’emploi, un contrat à temps plein, un super salaire, des avantages sociaux, raconte-t-il en entrevue. L’ouverture d’esprit pour la réorientation professionnelle était beaucoup plus favorable au Québec. »

Monstrueux UTMB

Mathieu Blanchard raconte en détail certaines courses mémorables, comme l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB). En 2022, il arrive deuxième, tout juste derrière l’un des plus grands noms du sport, Kilian Jornet. En fait, les deux se mènent une lutte tellement épique qu’ils terminent l’épreuve de 172 kilomètres en moins de 20 heures. Du jamais-vu.

Entre ces grandes courses, il connaît d’autres aventures : en contexte pandémique, il parcourt le sentier international des Appalaches, un trajet de 650 kilomètres en Gaspésie, en sept jours et demi. Il fait le tour du lac Manicouagan en plein hiver. Il participe même à l’équivalent français de l’émission de téléréalité Survivor, Koh Lanta.

Le coureur se montre honnête lorsqu’il fait état de décisions qu’il trouve lui-même discutables, comme le fait de renoncer à une course mythique, la Diagonale des fous dans l’île de la Réunion. Il vient de faire une excellente performance à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, il craint de la ternir avec une contre-performance à la Réunion.

« Toutes ces manœuvres me perturbent, m’interrogent, écrit-il. Elles me font des nœuds au cerveau et au bide. Est-ce donc ça, l’exigence du haut niveau ? Sacrifier ses envies pour ne plus devenir une machine à gagner des courses ? »

Et il y a les blessures, les drames familiaux, les peines d’amour. Ce sont probablement les pages les plus émouvantes du livre. Tout semble arriver en même temps, l’horizon est désespérément noir. Tous les sportifs, y compris les sportifs du dimanche, connaissent ce sentiment.

Vivre d’aventures connaît déjà un bon succès en France et beaucoup de réactions portent justement sur cet aspect du livre.

« Beaucoup de personnes s’identifient à cela, elles ont vécu aussi des moments difficiles », raconte Mathieu Blanchard en entrevue.

J’ai des réactions qui disent que ce livre, finalement, montre que je ne suis pas un superhéros, comme pourraient laisser penser les images qu’on peut voir dans les médias ou les réseaux sociaux.

Mathieu Blanchard

Il y a un bémol à apporter au livre : les chapitres se suivent aléatoirement, sans ordre chronologique. Il est très difficile de s’y retrouver, à moins de tracer soi-même sa ligne du temps sur un bout de papier.

Il faudra éventuellement ajouter d’autres chapitres : Mathieu Blanchard se prépare pour la Western States Endurance Run, à la fin de juin, et garde le cap pour conquérir enfin la Diagonale des fous.

Vivre d’aventures

Vivre d’aventures

Flammarion

247 pages