La route a été longue, les adversaires sont tombées et le triomphe a été franc. D’une équipe inspirée à une équipe championne en quelques mois seulement, les joueuses de rugby du Rouge et Or de l’Université Laval s’étaient investies d’une mission qu’elles ont remplie sans broncher.

En théorie, l’équipe devait faire trois escales entre Victoria et Montréal en revenant du championnat canadien. Après des correspondances à Calgary et à Toronto, la brigade devait prendre l’autobus à Montréal pour rentrer à Québec. Sauf qu’en arrivant à Calgary, son avion était déjà parti. Neuf heures plus tard, les joueuses ont quitté l’Alberta en direction d’Ottawa où un autobus les attendait pour les ramener dans la capitale provinciale.

Ces inconvénients n’ont pas sapé leur moral, car elles traînaient dans leurs bagages une médaille d’or et une immense bannière sur laquelle était inscrit « Championnes 2022 ».

La meilleure équipe de rugby universitaire au Canada était toujours sur un nuage. Lorsque les artisanes de ce succès se sont entretenues avec La Presse, elles étaient encore secouées. Envoûtées par un mélange de fatigue et d’émerveillement. « C’est indescriptible », lance sans détour Alice Théberge.

Il s’agissait d’un premier titre national depuis 2019 pour Laval. « À l’époque, on avait pris un peu tout le monde par surprise », se souvient la capitaine Laurence Chabot.

Cette année, on savait qu’on pouvait le faire. On savait ce que ça prenait pour gagner.

Laurence Chabot, capitaine de l’équipe

Plusieurs vétéranes étaient de retour cette saison, et ce titre, elles y pensent sans relâche depuis leur dernier triomphe. « Oui, ça arrive cette saison, mais ça fait plusieurs années qu’on travaille pour le championnat canadien », précise Audrey Champagne, joueuse par excellence du tournoi.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

La bannière des championnes du rugby universitaire féminin au Canada

Une défense gagnante

Depuis septembre, c’est la défense qui s’illustre et qui procure autant de victoires à la troupe de François Vachon-Marceau. Un vieil adage prétend que c’est la défense qui gagne des championnats et ça ne peut être plus vrai qu’avec le Rouge et Or. « La défense, c’est notre ADN », se targue l’entraîneur-chef.

Ses joueuses ont survolé le championnat québécois. Elles ont commencé leur saison avec cinq blanchissages consécutifs. La véritable question était de savoir si leur principal atout allait tenir le coup face aux meilleures équipes du Canada.

C’est un défi qu’on attendait depuis le début de la saison et on a su le relever avec brio.

Marie-Pier Fauteux, joueuse de dernière année

En lever de rideau du Championnat canadien, en Colombie-Britannique, les Québécoises ont gagné 68-0 contre les Axewomen d’Acadia. Puis elles ont pulvérisé les Gryphons de Guelph 30-8 en demi-finale.

En finale, dimanche dernier, elles retrouvaient celles qui les avaient éliminées en demi-finale l’année dernière, les Gaels de Queen’s. Un duel au sommet entre deux équipes qui n’avaient pas goûté à la défaite en 2022.

Comme le Rouge et Or est allergique à l’échec, l’affrontement anticipé n’a jamais eu lieu : victoire de 22-5. Les joueuses ont conclu leur saison avec un dossier parfait de 11 victoires et aucune défaite.

« À un moment, les joueuses de Queen’s étaient juste tannées. Elles ne perçaient jamais notre ligne défensive. Elles restaient longtemps au sol. Je pense qu’elles n’étaient pas habituées à se faire frapper autant », précise Chabot.

Ce qui ravit Théberge plus que tout, c’est que même si leur gabarit était moins imposant, elles ont été en mesure de régner.

Toutes les équipes au Canada ont des joueuses grandes, bâties et musclées. Nous, on est toutes petites et ç’a toujours été ça, mais c’est ce qui fait la beauté de notre équipe.

Alice Théberge

En incluant les matchs de saison « régulière », les éliminatoires du RSEQ et le championnat canadien, elles ont marqué un total de 605 points et en ont accordé seulement 49.

PHOTO FOURNIE PAR U SPORTS

Les joueuses du Rouge et Or de l’Université Laval célèbrent après avoir remporté le championnat canadien.

Jouer pour plus que soi-même

En arrivant à Victoria invaincu et fort de statistiques exceptionnelles, le Rouge et Or faisait certainement partie des favoris.

Néanmoins, Chabot explique que les joueuses ont ressenti ce devoir de réussir comme une motivation plutôt qu’un facteur de stress. « On savait qu’on avait le groupe pour y aller, donc la pression venait plus de l’intérieur », renchérit Vachon-Marceau.

À l’interne, tout le monde y a mis du sien. Des joueuses qui se savaient écartées de la formation ont tout de même fait le voyage dans l’ouest du pays pour épauler leurs coéquipières dans leur ruée vers l’or. Elles y ont fait le lavage, les repas et la logistique pour s’assurer que les joueuses en uniforme restent concentrées sur l’objectif.

Le genre de geste qui n’est pas passé inaperçu et qui fait aussi partie des fondements de cette formation.

Ça nous a encore plus rapprochés qu’on l’était déjà. On a fait tout ça ensemble. Ça a rendu la chimie d’équipe encore plus forte.

Audrey Champagne, joueuse par excellence du tournoi

Pour une joueuse comme Fauteux, qui disputait sa dernière campagne dans les rangs universitaires, ce qu’elle laisse derrière elle est beaucoup plus grand qu’une simple bannière.

« On dit toujours qu’on joue pour plus grand que nous. On joue pour le programme, pour les joueuses qui l’ont bâti avant nous, pour les filles qui vont y être après nous. On joue aussi pour le Québec. On joue pour les universités francophones. »