Anthony Battah a un objectif ambitieux : en août prochain, il compte courir un « ultramarathon » de 4500 kilomètres, entre le Québec et le Mexique, sur le trajet migratoire des papillons monarques, afin d’attirer l’attention sur la menace pesant sur cette espèce emblématique. Il espère ainsi amasser 4,5 millions de dollars.

« C’est un projet de fou, je le sais. Mais c’est possible. Et surtout, c’est une cause tellement importante », lance le principal intéressé en entrevue avec La Presse.

L’idée derrière « l’Ultra-Monarque » lui est venue il y a quelques mois, en constatant comme tout le monde le déclin rapide des populations de papillon monarque partout au pays. Le célèbre insecte aux ailes orange et noir a d’ailleurs été placé sur la liste des espèces en danger de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en juillet dernier, vu la gravité de la situation. Selon l’UICN, la population du papillon en Amérique du Nord s’est effondrée de 22 % à 72 % depuis 10 ans.

En juillet, des élus québécois avaient aussi fait part de leurs préoccupations quant aux explications d’Aéroports de Montréal, qui a récemment fauché le « Champ des monarques », un immense milieu naturel servant d’habitat à l’animal et grand comme 10 terrains de football, riche en biodiversité. La zone de 19 hectares fauchée fait partie d’une immense zone verte de 200 hectares qui jouxte l’aéroport Trudeau, de la superficie du parc du Mont-Royal.

Quelque chose de « significatif »

Avocat de formation, M. Battah est un passionné de course, mais aussi fier militant environnemental. « Avec ma conjointe, on cherchait dans les dernières années à faire quelque chose de significatif. Parce que dans nos quotidiens, nos métiers, c’est difficile d’en faire plus que par nos petites actions », évoque-t-il.

Ce projet-là, c’est un moyen pour moi de m’adresser à la prochaine génération, de lui dire qu’on est conscients qu’on l’a échappé et qu’il faut essayer de se rattraper, de faire bouger les choses.

Anthony Battah

Il veut d’ailleurs ajouter tout un volet « éducatif » à son périple, en établissant des partenariats avec des écoles tout au long du parcours, pour faire bouger les jeunes et les impliquer à la cause.

Il dit d’ailleurs avoir entamé des discussions avec l’école Saint-Joseph, sur le Plateau Mont-Royal, où étudie sa fille. « Ce qu’on veut, c’est tenir un minimarathon avant la fin des classes, pour financer le projet, mais aussi parler de la cause. C’est un modèle que je souhaite reproduire tout au long du corridor que je vais courir », illustre M. Battah.

De 50 à 75 km… par jour !

Si tout se passe bien, Anthony Battah partira le 1er août 2023 de l’Insectarium de Montréal, pour se rendre jusque dans la région de Michoacán, sur la côte pacifique du Mexique. C’est grosso modo dans cette trajectoire que chaque année, des milliers de papillons monarques migrent vers le sud, pour culminer dans la réserve de biosphère du papillon monarque, à approximativement 100 km au nord-ouest de Mexico.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Anthony Battah

« Mon objectif le plus ambitieux, c’est de parcourir environ 75 kilomètres par jour. Ça m’emmènerait à bon port en deux mois. Le scénario plus prudent, ça serait autour de 50 kilomètres par jour, ce qui m’amène à trois mois », confie celui qui se prépare déjà pour ce défi de taille depuis des mois.

Coureur aguerri et marathonien habitué, il s’est néanmoins entouré de professionnels pour assurer sa préparation physique. Parmi eux : son coach de course, Éric Deshaies, qui a récemment participé au Backyard Ultra, en Colombie-Britannique, où il a couru 440 kilomètres en 66 heures, sans dormir. « C’est une légende, Éric, et je suis très content de l’avoir à mes côtés », lance M. Battah, qui sera aussi suivi par le nutrionniste Nicolas Leduc-Savard dans son aventure.

Son programme d’entraînement sera quotidien et graduel, jusqu’à une moyenne de 250 kilomètres de course par semaine.

« Ça veut dire de courir tous les jours jusqu’au départ. Ça demande énormément de discipline, et d’investissement », poursuit le principal intéressé, qui demeure persuadé d’y arriver.

Dans les prochains jours, Anthony Battah et son entourage devraient lancer un organisme à but non lucratif qui permettra de recueillir les dons du public, tout au long de sa course. Un site web sera créé pour l’occasion. Chaque don sera important, et l’accent sera d’ailleurs mis sur le « micro-don ».

« Notre philosophie, c’est vraiment de dire aux gens de donner un seul dollar, mais d’en parler à leur entourage. J’aime mieux avoir cinq personnes qui me donnent un peu qu’un gros don d’un coup. Je veux que ça soit participatif, que ça engage la communauté envers la cause », conclut l’avocat de formation.