Un beau et grand défi attend l’entraîneur québécois Ryan Mallette en prévision des Jeux olympiques de Paris, en 2024

La Canadienne la plus médaillée aux Jeux olympiques. La championne du 100 m papillon à Tokyo. La double médaillée d’argent olympique de dos. Le plus beau talent masculin depuis Brent Hayden. Et potentiellement celle qui pourrait devenir la meilleure nageuse canadienne de l’histoire.

Voilà de quoi l’entraîneur québécois Ryan Mallette a hérité en prenant les commandes du Centre de haute performance de l’Ontario de Natation Canada, le mois dernier.

À la surprise générale, le mandat de l’architecte de presque tous les succès canadiens en piscine aux deux derniers Jeux olympiques, Ben Titley, n’a pas été renouvelé. En poste à Toronto depuis 2012, le Britannique d’origine part coacher au centre national espagnol à Barcelone.

Peu a filtré sur les raisons de ce départ étonnant. Le contrat de Titley avait été prolongé d’un an à la suite du report des JO de Tokyo, où son groupe de nageuses a remporté les six médailles canadiennes.

« Je n’ai aucun plan immédiat d’aller ailleurs, avait dit Titley à La Presse après la quinzaine japonaise. Bien sûr, il y a des pays qui s’informent, se demandent ce qu’on fera, comme c’est le cas pour plusieurs des meilleurs coachs au monde après les Jeux olympiques. Mais pour le moment, je suis heureux au Canada et j’ai encore sept mois de contrat. »

Selon une source, la question monétaire n’avait pas fait l’objet de discussions quand Titley a appris qu’il ne serait pas retenu.

« Je suis désolé de les quitter, car ils sont comme une famille et je n’aurais rien aimé de mieux que de rester toute cette saison pour les aider à atteindre leurs objectifs, a-t-il affirmé au site Swimswam après son départ. Mais parfois dans la vie, comme pour les contrats de travail, ce que nous voulons et ce que nous obtenons sont deux choses différentes. »

Natation Canada, qui n’a publié aucun communiqué au sujet de ce changement, s’est contenté d’une déclaration sibylline à CBC durant les sélections de Victoria la semaine dernière : « Comme dans tout, nous avons des choses qui vont là où les gens ne s’attendaient pas à ce que ça aille, a indiqué le directeur haute performance John Atkinson. C’est comme ça que je le formulerais. »

L’adjoint promu

Adjoint de Titley depuis 2019, après un passage au centre national de Victoria, Ryan Mallette a été nommé entraîneur-chef par intérim.

« On a eu une petite réunion et le lendemain, j’ai rencontré tous les nageurs pour qu’on puisse parler ensemble, a-t-il relaté mercredi dernier. C’est sûr que ç’a été une surprise, alors je voulais donner la chance à chacun de parler et de dire ce qu’il en pensait. »

Mallette a d’abord songé aux athlètes et à leurs besoins. Personnellement, il y voit une occasion.

« Je suis super à l’aise dans le job. J’ai déjà fait ça, conduire des nageurs sur le podium aux Championnats du monde. J’ai une relation avec tous les nageurs depuis quelques années maintenant. On travaille ensemble quotidiennement. »

Je n’ai pas à changer grand-chose. Je cherche à continuer sur le super momentum qu’on a depuis les Olympiques. Je pense qu’on y a été le meilleur groupe, tous sports confondus, dans le monde. On vise à maintenir ça.

Ryan Mallette, entraîneur-chef par intérim du Centre de haute performance de l’Ontario de Natation Canada

Le lendemain de cette première rencontre, la jeune Summer McIntosh a battu le record mondial junior au 400 m quatre nages individuel dans une compétition à Toronto. La nageuse de 15 ans s’est ainsi installée au troisième rang de l’histoire sur la distance. L’Ontarienne a récidivé le jour suivant, faisant tomber la marque du 200 m papillon et effaçant au passage le record national senior que détenait Audrey Lacroix depuis 2009.

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Summer McIntosh

Le groupe de Toronto a ensuite passé deux semaines et demie en stage à Fort Lauderdale, une occasion pour Mallette d’huiler les relations.

« OK, il manque maintenant un membre de l’équipe, mais tous les autres sont encore là. Les nageurs, moi, [le gestionnaire de la performance physique] Johnny Fuller, qui est d’après moi le meilleur au monde dans son domaine. Chaque jour, tout le monde pousse pour être le meilleur au monde. […] C’est quelque chose qu’on a déjà fait dans le groupe, alors tout le monde est à l’aise de poursuivre dans la même veine. »

L’ex-entraîneur-chef du club de Pointe-Claire a déjà dû succéder à un coach en chef de renom. En 2015 à Victoria, son patron Randy Bennett était mort d’un cancer. Un an plus tard, Mallette avait mené Hilary Caldwell au bronze aux JO de Rio.

Un entraîneur prêt

Avec l’expérience de Tokyo, l’homme de 42 ans se sent mieux outillé cette fois-ci pour prendre le relais.

Je voulais gagner une médaille olympique ou mondiale, mais je ne l’avais jamais fait. Maintenant, ce qu’on essaie de faire, on l’a déjà vécu et réussi. Je reviens donc avec les mêmes mots : je suis plus à l’aise.

Ryan Mallette, entraîneur-chef par intérim du Centre de haute performance de l’Ontario de Natation Canada

À Victoria, tout son groupe s’est qualifié comme prévu pour les Championnats du monde de Budapest et les Jeux du Commonwealth de Birmingham. Sans surprise, Kylie Masse a dominé les épreuves de dos, mais Penny Oleksiak s’est fait coiffer au crawl, devancée par ses coéquipières Kayla Sanchez au 100 m et McIntosh au 200 m.

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Penny Oleksiak

Oleksiak n’a pas terminé le 100 m papillon, se contentant de franchir une longueur avant de sortir de l’eau. Il s’agissait d’un simple test sur 50 m, épreuve qu’elle aurait eu à doubler le lendemain avec le 200 m libre, a expliqué Mallette.

« C’était sa première course depuis Tokyo. On voulait briser la glace avec un bon 50 mètres papillon. Ç’a super bien été. Aux Championnats du monde, Penny a nagé plus souvent le 50 m papillon que le 100. On n’a pas encore décidé ce qu’elle fera aux Mondiaux. »

Gagnante du 100 m papillon, la championne olympique Maggie Mac Neil a annoncé qu’elle ne s’alignerait qu’aux relais à Budapest. Elle a expliqué à CBC que la dernière année avait été difficile. Elle a souffert d’anxiété et de la pression de performer. Avec l’accord de Natation Canada, elle a donc choisi de prioriser sa santé mentale.

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Maggie Mac Neil

« Elle n’a pas perdu une course depuis 2019, ce n’est pas toujours facile, a rappelé Mallette. Pour une nageuse comme elle, ma priorité reste les Jeux olympiques de Paris en 2024. L’idée est de trouver une façon pour qu’elle y arrive le plus prête possible. »

Du côté masculin, Josh Liendo a poursuivi sur sa lancée des Mondiaux en petit bassin de décembre, où il a remporté trois médailles, dont deux individuelles. Le sprinteur de 19 ans a fait tomber le vieux record de Brent Hayden au 50 m libre à Victoria.

McIntosh a été un peu moins rapide que trois semaines plus tôt, mais s’est néanmoins imposée à ses quatre épreuves (200, 400 libre, 400 QNI, 200 papillon, les mêmes qu’elle nagera en Hongrie).

« Summer est une athlète facile pour un coach, a encensé le natif de Pierrefonds. Elle est super talentueuse, mais elle travaille très fort. Son approche du sport est très professionnelle. Il s’agit simplement de lui trouver de nouveaux défis. Chaque jour, elle est prête à les relever. »

Quatrième du 400 m libre à Tokyo à l’âge de 14 ans, McIntosh a un potentiel vertigineux.

« C’est évident qu’elle a beaucoup de potentiel, mais j’essaie d’aborder ça une étape à la fois, a tempéré Mallette. À part les Mondiaux en petit bassin, elle n’a jamais gagné une médaille [individuelle] dans une compétition internationale. Elle a des chances dans chacune de ses épreuves à Budapest. On va tâcher de réussir cette étape, et ça va peut-être lui ouvrir d’autres portes. On trouvera ensuite le prochain défi. »

Celui de Mallette est assez clair : rééditer à Paris les succès de Tokyo.