(Washington) Au cours d’un témoignage rempli d’émotion, la médaillée d’or olympique de gymnastique Simone Biles a déclaré mercredi au Congrès américain que « assez, c’est assez » au sujet des agressions sexuelles dont elle a été victime aux mains du médecin de l’équipe américaine, le DLarry Nassar.

Biles et d’autres gymnastes ont témoigné mercredi devant le Congrès américain.

L’Américaine blâme non seulement la fédération nationale, mais également les autorités policières fédérales qui « ont détourné le regard » de ces crimes, tandis que des centaines de jeunes athlètes ont subi ces abus.

« Je blâme Larry Nassar, mais je jette aussi le blâme sur un système tout entier qui a permis ces abus, a-t-elle dit en pleurs devant le Comité judiciaire du Sénat. [USA Gymnastics et les comités olympique et paralympique américains] savaient que j’étais victime d’abus de la part de leur médecin en chef bien avant que je sache qu’ils étaient au courant. »

McKayla Maroney, une autre médaillée d’or, a déclaré aux sénateurs qu’un soir, alors qu’elle n’était âgée que de 15 ans, elle a trouvé Nassar couché sur elle alors qu’elle était nue, l’une des nombreuses fois où elle a été victime d’abus. Elle dit avoir cru qu’elle allait mourir ce soir-là.

PHOTO REUTERS

McKayla Maroney

Maroney a ajouté que le FBI a « minimisé [son témoignage] et l’a ignorée » après qu’elle eut rapporté les gestes commis par Nassar et que l’agence a retardé l’enquête sur le médecin « tandis que d’autres subissaient ses abus ».

« S’ils ne me protègent pas, je veux savoir qui tentent-ils de protéger », a demandé Maroney.

« Nous avons remis en doute, remis en question ce qui nous arrivait vraiment pendant si longtemps parce que personne ne validait ce que nous vivions. Je crois que c’est ce qui fait que le processus de guérison prend autant de temps », a-t-elle ajouté.

Ces audiences font partie d’un effort du Congrès américain de rendre responsable le FBI après plusieurs faux pas dans l’enquête dans cette affaire, dont les délais qui ont permis à Nassar d’agresser d’autres gymnastes.

Une enquête interne du département de la Justice publiée en juillet a statué que le FBI avait commis des erreurs fondamentales dans son enquête et n’avait pas traité cette affaire avec tout le sérieux exigé après que la fédération américaine de gymnastique eut rapporté les allégations au bureau d’Indianapolis, en 2015.

Le FBI a admis que sa conduite était inexcusable alors qu’au moins 40 femmes et jeunes filles ont été agressées pendant que l’agence fédérale était au courant du problème.

Biles et Maroney étaient accompagnées d’une autre médaillée d’or olympique, Aly Raisman, et de Maggie Nicols. Raisman s’est dite « dégoûtée qu’on cherche toujours des réponses six ans après les premières allégations ».

PHOTO SAUL LOEB, ASSOCIATED PRESS

Aly Raisman

« Nous ne pouvons pas régler un problème que nous ne comprenons pas et nous ne pouvons comprendre un problème avant d’en connaître tous les faits », a dit Raisman.

Les sénateurs démocrates et républicains se sont aussi dits dégoûtés par cette affaire et ont promis de poursuivre leur enquête. Le président du Comité judiciaire du Sénat, le démocrate Richard Durbin, a dit qu’il s’agissait du témoignage le plus déchirant qu’il avait entendu.

Nous avons un travail à faire et nous le savons.

Richard Durbin, sénateur de l’Illinois

Le sénateur républicain du Texas John Cornyn a dit que le Congrès « devait exiger un réel changement et une réelle responsabilisation » et que ses collègues et lui « ne seront pas satisfaits par des platitudes et de vagues promesses de performances améliorées ». Son collègue républicain du Kansas a traité Nassar de monstre et s’est demandé comment plusieurs autres agresseurs avaient pu échapper à la justice, considérant que même des athlètes de classe mondiale ont été ignorés dans cette affaire.

Le directeur du FBI, Christopher Wray, et l’inspecteur général du département de la Justice, Michael Horowitz, qui ont produit le rapport de juillet, témoigneront après les gymnastes.

L’enquête d’Horowitz a été incitée par les allégations faisant état que le FBI avait failli à traiter rapidement les plaintes déposées en 2015 contre Nassar. USA Gymnastics avait aussi mené sa propre enquête et le président de l’époque de la fédération, Stephen Penny, a lui-même rapporté les allégations au bureau d’Indianapolis du FBI.

Des mois ont passé avant que le FBI n’ouvre officiellement une enquête.

Le Bureau de l’inspecteur général a découvert que « malgré la nature extrêmement sérieuse » des allégations contre Nassar, les dirigeants du FBI à Indianapolis n’ont pas répondu à celles-ci avec « tout le sérieux qu’elles méritaient ».

PHOTO RENA LAVERTY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Larry Nassar

Quand le FBI a fini par les prendre au sérieux, ses enquêteurs ont commis de « nombreuses erreurs fondamentales » et contrevenu aux politiques de l’organisation. Parmi les erreurs notées, il y a le fait de ne pas avoir lancé d’enquête avant plus d’un mois après avoir été rencontrés par des dirigeants de la fédération nationale de gymnastique.

L’enquête sur le FBI a également convenu que le travail des agents du bureau d’Indianapolis a été examiné de près, que les dirigeants du bureau n’ont pas pris quelque responsabilité que ce soit pour les faux pas commis au cours de l’enquête et ont donné des informations incorrectes et incomplètes aux enquêteurs internes du FBI afin de laisser croire que l’enquête menée à Indianapolis avait été faite de façon diligente.

Le FBI a réprimandé les employés ayant mal agi dans cette affaire et a admis que cela n’aurait « jamais dû se produire ».

Le rapport fait aussi état des démarches du directeur du bureau d’Indianapolis du FBI, W. Jay Abbott, pour obtenir un poste au sein du Comité olympique des États-Unis pendant que le FBI enquêtait sur Nassar. Abbott a posé sa candidature, mais n’a pas obtenu le poste. Il a ensuite pris sa retraite.

Nassar a été accusé en 2016, au Michigan, de pornographie juvénile et d’agressions sexuelles. Il purge actuellement une peine de plusieurs dizaines d’années d’emprisonnement après que des centaines de femmes et de jeunes filles eurent déclaré qu’il avait profité de traitements médicaux pour les agresser sexuellement alors qu’il travaillait pour l’Université de l’État du Michigan et USA Gymnastics, dont les bureaux sont à Indianapolis.

Will Graves a contribué à cet article de Pittsburgh.