Douze attaquants, trois défenseurs et un gardien.

Avec seulement 16 de ses représentants qui ont disputé au moins un match dans la LNH à ce jour, le Danemark n’est pas, à proprement parler, une usine à joueurs professionnels.

Devant le filet, seul Frederik Andersen, des Maple Leafs de Toronto, défend les couleurs du pays de Kierkegaard. Mais la confrérie pourrait bien doubler, voire tripler au cours des prochaines années.

Au repêchage de 2019, deux jeunes gardiens danois ont trouvé preneur. Mads Søgaard a été sélectionné par les Sénateurs d’Ottawa au 2e tour et, un peu plus tard, le Canadien de Montréal a fait de son compatriote Frederik Dichow son choix de 5e tour (138e au total).

En Dichow (prononcez Dick-Howe), le Tricolore a fait un pari audacieux : le jeune homme n’apparaissait même pas sur la liste des 12 meilleurs gardiens européens établie par la centrale de recrutement de la LNH.

Cité par le Journal de Montréal au terme du repêchage, en juin 2019, le responsable du recrutement amateur chez le Canadien, Trevor Timmins, avait dit ceci : « Un grand gardien (6 pi 5 po), il attrape la rondelle de la main droite. Très calme. » Rien de bien concret pour amorcer une page Wikipédia, disons.

Plus tôt cette semaine, Stéphane Waite, entraîneur des gardiens de but du Canadien, a été autrement plus loquace, sans pour autant se perdre en éloges. Mais on le sent intrigué, même optimiste.

« On le voit comme un projet », a-t-il dit d’emblée lorsqu’interrogé sur les plans de l’équipe à l’égard du Danois.

Il a rapidement souligné son gabarit et a fait remarquer qu’il y a « beaucoup de choses à travailler » dans son cas. « J’aime ses habiletés de base », a-t-il toutefois précisé.

« Je dis souvent aux dépisteurs : amène-moi un jeune qui veut travailler, qui a un bon body language, qui a faim et qui a un bon [gabarit] ; on va lui enseigner le reste », a poursuivi Waite, ajoutant qu’avec les recruteurs Sean Burke et Vincent Riendeau ainsi qu’avec Marco Marciano, entraîneur des gardiens du Rocket de Laval, « on a une belle équipe pour les gardiens ».

« C’est un beau projet pour tout le monde », a-t-il répété.

Près des pros

En entrevue avec La Presse, Dichow se montre autrement plus guilleret.

« Je sens que je m’améliore chaque jour », a-t-il dit depuis son pays natal.

En attendant la reprise du jeu en Amérique du Nord, où il doit faire ses débuts avec les Wolves de Sudbury, dans la Ligue junior de l’Ontario, au début de 2021, il a été prêté au Seier Capital de Rungsted, qui évolue dans la Metalligaen, principal championnat de hockey danois. Le calibre est loin d’être le plus relevé d’Europe, mais Dichow en profite pour faire bonne figure. En témoignent ses trois buts accordés en autant de matchs et son taux d’efficacité de ,957.

J’apprends à devenir un professionnel. Je suis plus près que jamais d’être un vrai pro, c’est un sentiment formidable.

Frederik Dichow

En réalité, le gardien de 19 ans a eu un avant-goût des ligues majeures la saison dernière. Il a passé une dizaine de matchs dans l’entourage du club principal des Redhawks de Malmö, en ligue élite suédoise, mais une commotion cérébrale a mis fin à sa saison peu avant que la pandémie de COVID-19 ne provoque l’annulation des derniers matchs et des séries éliminatoires. Il avait auparavant passé toute la campagne avec l’équipe junior de Malmö.

Il attend maintenant impatiemment ses débuts à Sudbury, où il vise le poste de partant. Il se dit curieux de vivre sa première expérience sur une patinoire nord-américaine, plus petite que le standard international.

Depuis le début de la pandémie, et encore aujourd’hui à Rungsted, il est en communication « quasi quotidienne » avec l’organisation du Canadien. Rob Ramage, directeur du développement des joueurs, et Patrick Delisle-Houde, coordonnateur à la préparation physique, sont ses principaux interlocuteurs.

« Ils veulent savoir où en sont ma progression et mon développement », résume-t-il.

Pendant l’été, il a suivi à la lettre le programme d’entraînement que lui a préparé Delisle-Houde, et il dit aujourd’hui se sentir « plus fort et plus rapide que jamais ».

« Je n’attends que ma chance de jouer au hockey à temps plein ! »

Gentil géant

Bien conscient qu’il a encore beaucoup de chemin à parcourir s’il désire atteindre la LNH, Frederik Dichow fait valoir que le système de développement danois s’améliore, et avec lui la qualité des joueurs et des gardiens qui en émergent. « Je suis optimiste », dit-il au sujet de son propre sort et de celui de ses jeunes compatriotes qui visent, comme lui, la LNH.

Dichow se décrit comme un gardien ayant « une bonne technique », mais qui peut aussi réaliser « les arrêts qui se retrouvent à la télévision ». « Je tente de garder les choses simples », ajoute-t-il, rejoignant en ce sens l’évaluation qu’en fait Stéphane Waite.

En tous les cas, le Canadien a tout le temps voulu pour suivre sa progression, car malgré son transfert en Ontario, il conserve son statut de joueur européen : le Tricolore peut donc garder ses droits sur lui jusqu’à la fin de son stage junior avant de lui offrir un contrat, nous a confirmé l’équipe.

En réalité, son principal atout est son gabarit. À 6 pi 5 po et un peu plus de 200 lbs, il remplit un critère cher au cœur de Waite.

Si tu n’es pas gros, il faut que tu aies quelque chose de vraiment spécial pour compenser. Il faut que tu sois plus agressif ou plus patient que la normale.

Stéphane Waite, entraîneur

« Mais encore là, si tu es plus agressif, ça veut dire que tes déplacements latéraux seront plus longs et que tu es moins en contrôle. Ou si tu veux jouer plus profondément, les lancers sont maintenant tellement incroyables que la rondelle ne te frappera pas. »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Dichow a tout ce qu’il faut pour que la rondelle le frappe. Quoiqu’on disait la même chose de Jason Missiaen, 6 pi 8 po, lorsque le Canadien l’a repêché en 2008. Et l’histoire l’a un peu (beaucoup) oublié.

À notre connaissance, personne n’avait toutefois dit de lui qu’il était un « beau projet ».

Avantage Dichow. La suite dans quelques années.