Le 1er juin prochain, jour de ses 34 ans, Keven Martel s'embarquera dans l'aventure d'une vie : la traversée du Canada du point le plus à l'est au point le plus à l'ouest. Au menu, 10 000 km répartis sur sept provinces et deux territoires, l'utilisation de cinq modes de déplacement et trois grandes craintes. L'une d'elles ? « Les moustiques. Je vais être dans des zones où ils vont être assez voraces », blague à peine l'aventurier pour illustrer un parcours qui le conduira dans des endroits particulièrement isolés.

Martel, un ancien militaire, démarrera son parcours au cap d'Espoir, dans l'île de Terre-Neuve, pour arriver dans le parc national Ivvavik, au point de jonction de la frontière Alaska-Yukon et de l'océan Arctique. 

Il a tablé sur une aventure de huit mois sans interruption, même si le parcours choisi, avec son profil sauvage, brouille les prédictions. Nonobstant le tout début de l'expédition, il ne descendra pas sous le 50e parallèle. 

« J'ai voulu augmenter le niveau de difficulté, précise Martel. La majorité des gens qui ont traversé le Canada partent de Vancouver et vont à Montréal. Moi, je voulais vraiment faire une traversée des points est-ouest. »

« En me fixant le 50e parallèle, je n'ai pas le choix de quitter les routes et de marcher à travers la forêt. Cela dit, je ne le fais vraiment pas pour les paysages. J'aime le côté humain à travers les rencontres que je fais durant mes expéditions. »

- Keven Martel

Il utilisera cinq modes de déplacement au cours des 10 000 km, soit la marche, le vélo, le kayak de mer, le ski de fond et la raquette. Ces multiples modes de déplacement ont d'ailleurs été la source d'un casse-tête logistique pour Martel.

Durant l'aventure, son équipe expédiera l'équipement adéquat à certains points de ravitaillement. Il a dû tester le tout lors de son entraînement. Il a ainsi réalisé le tour des îles de la Madeleine en quatre jours de marche, pédalé pendant 1800 km dans les Maritimes, ainsi qu'au Québec, puis fait du packraft [une embarcation gonflable] et de la randonnée en Colombie-Britannique. Finalement, il a fait de longues sorties en ski de fond sur la route blanche (Basse-Côte-Nord). Ces défis ont aussi été l'occasion de tester son rapport à la solitude.

« L'expédition que je vais faire est plus mentale que physique. J'aime sortir de ma zone de confort et, si l'on veut, chercher à souffrir un petit peu plus. C'est pour ça que je fais presque tout en solitaire. Je veux apprendre à surmonter les épreuves en étant seul. Aujourd'hui, on compte un peu trop sur les autres pour arriver à nos fins. Si on veut grandir dans la vie, il faut souffrir un peu », raconte-t-il.

« Dans une longue expédition à travers le Canada, la solitude est ce qui va être difficile pour moi. Ma conjointe va venir me ravitailler à certains endroits afin que je puisse la voir. Mentalement, ça va devenir des objectifs. » - Keven Martel

Avec la solitude et les moustiques, son autre crainte est le kayak, pour lequel il promet d'être prudent (« Je connais mes forces et mes faiblesses »). 

Lors de la portion marche, par contre, le trentenaire pourra s'appuyer sur un entraînement quotidien qui comprend de 12 à 15 km de course à pied.

Pour la cause

Outre le défi personnel et l'enrichissement humain, Martel traversera le pays afin d'amasser des fonds pour le programme « Sans limites » des Forces armées canadiennes. L'objectif est de venir en aide aux vétérans et aux membres encore actifs qui ont été blessés mentalement ou physiquement.

PHOTO FOURNIE PAR PAUL BOUCHER

Cette cause, pour laquelle il avait couru 360 km - de la base de Saint-Jean-sur-Richelieu à Valcartier - en six jours, le touche personnellement. En 2009, lors d'une mission en Afghanistan, il a miraculeusement survécu à l'explosion d'une mine. « J'ai été vraiment chanceux parce que je roulais vite et la mine n'a frappé que l'arrière du véhicule », dit-il. Quelques semaines plus tôt, son amie, la caporale Karine Blais, n'avait pas eu cette chance. C'est lui qui a servi d'escorte lors du rapatriement de la dépouille au Canada.

Après 15 ans au sein des Forces armées canadiennes, il a finalement obtenu sa libération en 2018. « J'ai remarqué que les gens qui s'en sont moins bien sortis [moralement] étaient ceux qui étaient dans leur zone de confort, qui ont eu une jeunesse bien entourée et qui n'ont jamais vécu de grandes difficultés. Quand la vie frappe de cette manière, c'est là que le choc peut être un peu plus fort pour certains. »

« Moi, mon adolescence a été un peu rock'n'roll. Je me suis pas mal promené à gauche et à droite. J'ai habité chez mon père, chez ma mère, et j'ai souvent changé d'école. Je ne voulais d'ailleurs pas continuer l'école. Ça n'a pas été un parcours trop commun. »

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À travers ces épreuves, le sport est devenu une source de motivation et de bien-être, ajoute-t-il.

Dernière ligne droite

Martel ne manquera pas de travail d'ici le 1er juin. Il devra faire un ultime tour d'horizon de son équipement et continuer à préparer ses rations alimentaires pour les 60 premiers jours. 

Il donnera quelques conférences et des entrevues avant de quitter sa maison, en Nouvelle-Écosse, le 28 mai. Quatre jours plus tard, il s'élancera finalement pour l'aventure qu'il prépare depuis tant d'années. Avec du chasse-moustiques dans son sac...

> Consultez la carte de l'itinéraire.

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