(Rafah) Israël et le Hamas, qui se livrent de violents combats dans la bande de Gaza menacée de famine, dénoncent chacun les mandats d’arrêt réclamés à la Cour pénale internationale (CPI) contre leurs dirigeants pour crimes de guerre présumés.

Le procureur de la CPI, Karim Khan, a déclaré lundi avoir demandé des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et son ministre de la Défense Yoav Gallant pour des crimes tels que « le fait d’affamer délibérément des civils », « homicide intentionnel » et « extermination et/ou meurtre ».

Les accusations portées contre des dirigeants du Hamas également visés par cette demande de mandats d’arrêt, notamment son chef à Gaza Yahya Sinouar, incluent « l’extermination », « le viol et d’autres formes de violence sexuelle » et « la prise d’otages en tant que crime de guerre ».

Le premier ministre israélien a « rejeté avec dégoût la comparaison du procureur de La Haye entre Israël », pays « démocratique », et « les meurtriers de masse du Hamas ».

Son ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, a fustigé une « décision scandaleuse » et « un déshonneur historique » pour la cour de La Haye.

Le mouvement islamiste palestinien a dénoncé de son côté « les tentatives du procureur […] d’assimiler la victime au bourreau ».

Le président américain, Joe Biden, principal allié d’Israël, a jugé « scandaleux » le mandat d’arrêt réclamé contre M. Nétanyahou, estimant qu’« il n’y a pas d’équivalence » entre Israël et le Hamas. Il a « rejeté » le terme de « génocide » pour qualifier l’offensive israélienne à Gaza, lors d’une réception pour la communauté juive à la Maison-Blanche.

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a également qualifié ces mandats de « honteux », prévenant que ceux-ci « pourraient compromettre » les négociations sur un cessez-le-feu à Gaza, et ajoutant que la CPI n’a pas « juridiction » sur Israël.

La France « soutient » la CPI et son « indépendance », a indiqué dans un communiqué le Quai d’Orsay en disant à la fois condamner les « massacres antisémites perpétrés par le Hamas » et dénoncer « le caractère inacceptable des pertes civiles dans la bande de Gaza ».

La guerre a été déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, qui a entraîné la mort de plus de 1170  personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Sur les 252 personnes alors emmenées comme otages, 124 sont toujours détenues à Gaza, dont 37 sont mortes selon l’armée.

Les corps de quatre otages, retrouvés la semaine dernière à Gaza, l’ont été dans des tunnels de Jabalia (nord), a précisé lundi soir l’armée, selon laquelle Ron Benjamin, Shani Louk, Amit Buskila et Itzhak Gelerente avaient été tués dès le 7 octobre sur le sol israélien et leurs dépouilles transportées à Gaza.

Israël a juré de détruire le Hamas qui avait pris le pouvoir à Gaza en 2007 et qu’il qualifie de terroriste, tout comme les États-Unis et l’Union européenne.

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Des Palestiniens inspectent le site d’une frappe israélienne sur une maison Beit Lahia, le 20 mai 2024.

Son armée a lancé une offensive dévastatrice dans la bande de Gaza qu’elle a assiégée, entraînant la mort d’au moins 35 562 personnes, pour la plupart des civils dont 106 ces dernières 24 heures, selon des données lundi du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Les opérations militaires ont aussi provoqué une catastrophe humanitaire. La majorité des quelque 2,4 millions d’habitants sont menacés de famine et plus de la moitié déplacés, d’après l’ONU.

« Tués dans notre sommeil »

Des avions et des hélicoptères militaires israéliens ont mené de nouvelles frappes lundi sur la bande de Gaza, où des combats au sol ont également lieu entre soldats et groupes armés palestiniens.

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Une maison familiale a été touchée pendant la nuit par des bombardements israéliens dans le quartier Tal al-Sultan de Rafah, le 20 mai.

Dans le nord du territoire palestinien, l’armée de l’air a bombardé la ville de Gaza et le camp de réfugiés de Jabalia, où l’armée a fait état des combats « peut-être les plus acharnés » depuis octobre.

Dans le sud, une frappe a touché une maison du quartier de Tal al-Sultan, dans l’ouest de la ville de Rafah, faisant trois morts et huit blessés, selon des sources hospitalières.  

« Nous sommes tués chez nous dans notre sommeil, des civils y compris des enfants et des femmes, meurent et personne ne se soucie de nous », déplore Obeid Khafaja, un habitant de Tal al-Sultan.

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Des Palestiniens sont assis près des décombres d’une maison familiale qui a été touchée pendant la nuit par un bombardement israélien dans le quartier Tal al-Sultan de Rafah.

« Le devoir »

Malgré l’opposition de nombreuses capitales et organisations humanitaires à une opération majeure terrestre à Rafah, le ministre israélien de la Défense a insisté sur « le devoir d’Israël d’étendre l’opération terrestre à Rafah, de démanteler le Hamas et de faire revenir les otages », en recevant ce week-end le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan.

Depuis le 7 mai, quand Israël a pris le contrôle côté palestinien du poste-frontière de Rafah avec l’Égypte, l’acheminement de l’aide humanitaire est quasiment à l’arrêt. Ce passage est crucial pour les aides dont le carburant, indispensable aux hôpitaux et à la logistique humanitaire.

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Des enfants palestiniens transportent leurs affaires en arrivant à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, pour chercher refuge, le 18 mai.

Pour pallier aux restrictions imposées par Israël, les États-Unis ont planché sur un projet de jetée provisoire qui a reçu ce week-end ces premiers chargements d’aide humanitaire par voie maritime.

Selon le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (CENTCOM), 569 tonnes d’aides ont été jusqu’à présent acheminées à Gaza par cette jetée.

« Plan d’action »

Alors qu’aucune perspective d’une fin des hostilités n’est en vue, M. Nétanyahou est sous pression pour préparer une stratégie concernant l’avenir de Gaza.

Dimanche à Jérusalem, M. Sullivan l’a appelé à accompagner les opérations militaires d’une « stratégie politique » pour l’avenir du territoire palestinien.

Benny Gantz, ex-chef de l’armée et actuel membre du cabinet de guerre, a menacé de démissionner si un « plan d’action » pour l’après-guerre n’était pas adopté rapidement. M. Gallant a sommé M. Nétanyahou de « préparer immédiatement » une « alternative gouvernementale au Hamas ».

De son côté, l’émissaire de l’ONU pour le Proche-Orient, Tor Wennesland, a appelé les parties à « retourner immédiatement et de bonne foi à la table des négociations » afin de parvenir à un cessez-le-feu après l’échec des derniers pourparlers début mai.