Israël « va faire payer le prix » à l’Iran, a annoncé dimanche un ministre israélien du cabinet de guerre, au lendemain d’une attaque largement déjouée menée par son ennemi régional. Explications et survol des scénarios possibles pour la suite.

Quelle forme la riposte d’Israël prendra-t-elle ?

C’est la question sur toutes les lèvres. Dimanche, le ministre israélien Benny Gantz, membre du cabinet de guerre, a déclaré qu’Israël ferait « payer le prix à l’Iran de la manière et au moment qui nous conviendront ».

Professeur au département d’histoire du Moyen-Orient de l’Université de Tel-Aviv, Meir Litvak imagine trois scénarios possibles.

Dans le premier, Israël riposterait massivement à l’attaque iranienne, risquant une escalade avec Téhéran, qui a prévenu dimanche que toute réplique provoquerait une réponse militaire beaucoup « plus forte ».

Un scénario que veulent éviter à tout prix les États-Unis, principal allié d’Israël. « Il sera difficile de le faire sans un soutien américain clair, ce qui n’est pas le cas actuellement », remarque M. Litvak.

PHOTO ARASH KHAMOOSHI, THE NEW YORK TIMES

Un rassemblement a eu lieu dimanche, place de la Palestine, à Téhéran, en soutien à l’offensive de la République islamique contre Israël.

Moins probable, Israël pourrait décider de s’abstenir de représailles, d’autant plus que l’attaque iranienne n’a fait aucune victime.

« Certains Israéliens pensent que ce n’est pas le moment de se lancer sur de nouveaux fronts », observe Raz Zimmt, chercheur à l’Institut d’études sur la sécurité nationale à l’Université de Tel-Aviv.

Ce scénario comporte toutefois des risques. « Israël compromettrait sa force de dissuasion à l’égard de l’Iran », dit-il.

Finalement, l’État hébreu pourrait riposter « de façon modérée », ce qui lui permettrait de punir l’attaque iranienne sans nécessairement provoquer une escalade du conflit.

« Indépendamment de ce qui va se passer dans les prochains jours, nous sommes entrés dans une nouvelle phase très dangereuse de la confrontation entre l’Iran et Israël », souligne M. Zimmt.

La frappe iranienne a été majoritairement déjouée par l’armée israélienne et ses alliés. Peut-on parler d’une attaque ratée ?

Ça dépend qui parle. Il est vrai qu’Israël a été en mesure d’intercepter la quasi-totalité des drones et des missiles envoyés dans la nuit de samedi à dimanche vers son territoire.

Au lendemain de l’attaque, l’État hébreu faisait état de dégâts minimaux, notamment à une base militaire qui demeure opérationnelle.

Pourtant, le chef des forces armées iraniennes s’est félicité dimanche d’une attaque qui « a atteint tous ses objectifs ».

« Si vous interrogez les Iraniens, ils vous diront que c’est une réussite », affirme Raz Zimmt.

C’est que l’Iran se livre depuis des années à une guerre par procuration avec Israël, sans affrontement direct. « L’Iran a réussi à changer les règles du jeu », note-t-il.

Spécialiste américain de l’histoire du Moyen-Orient, James Gelvin fait remarquer que Téhéran avait signalé à l’avance son intention d’attaquer Israël, en plus d’utiliser des drones qui se déplacent lentement.

« Des experts militaires estiment que l’Iran a fait preuve de retenue », rapporte le professeur à l’Université de Californie à Los Angeles.

N’empêche, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, sort gagnant de cette attaque, estime le directeur de la sécurité régionale à l’Institut international d’études stratégiques, Emile Hokayem, dans un texte publié dans le Financial Times.

« L’attaque iranienne a galvanisé le soutien occidental [envers Israël] après des semaines de critiques croissantes sur sa campagne brutale menée à Gaza », écrit-il.

Justement, quels seront les impacts de l’attaque iranienne sur le conflit dans la bande de Gaza ?

Il est encore tôt pour le dire, jugent les experts interrogés. « Je doute que l’histoire de l’attaque iranienne contre Israël supplante la préoccupation internationale concernant la campagne israélienne à Gaza », avance James Gelvin.

À court terme, la communauté internationale continuera de dénoncer la crise humanitaire dans l’enclave palestinienne, croit-il.

Or, l’attention pourrait être détournée si la situation devait s’aggraver entre Israël et l’Iran.

« L’attaque de l’Iran pourrait bien reléguer la guerre dans cette région [entre Israël et le Hamas, et ses ravages dans la bande de Gaza] au second plan de l’agenda mondial, au moment même où les appels à un cessez-le-feu immédiat et à un meilleur accès de l’aide humanitaire prenaient de l’ampleur. Les négociations sur les otages israéliens, déjà dans l’impasse, risquent d’être suspendues pendant un certain temps », écrit Emile Hokayem dans le Financial Times.

Israël s’en prendra-t-il au nucléaire iranien ?

L’Iran a frappé Israël « d’une manière contrôlée », notamment « pour ne pas subir une réponse aussi substantielle de la part d’Israël qui compromettrait son programme nucléaire », a observé Hasni Abidi, du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, en entrevue à l’AFP.

« Si Israël riposte, ce sera selon les mêmes paramètres : sur des sites militaires, pas sur la partie civile et probablement pas sur la partie économique », a dit à l’AFP Sima Shine, chercheuse à l’Institut d’études sur la sécurité nationale, à Tel-Aviv.

Le programme nucléaire iranien est depuis des années au cœur des tensions entre Téhéran et Israël, qui accuse la République islamique de chercher à acquérir l’arme atomique, ce qu’elle nie.

Avec l’Agence France-Presse