(Jérusalem) Ils sont noirs, gris, roses, et on peut les voir de très loin : les parachutes de vivres tombent depuis plus d’un mois sur le nord de Gaza dévasté, une aide humanitaire ardemment attendue, mais controversée, en particulier depuis la mort de 18 Palestiniens au sol.

Les autorités du Hamas ont appelé à « cesser immédiatement ces opérations » et à ouvrir les accès terrestres à l’aide, après avoir annoncé la mort lundi de 18 personnes, dont 12 noyées en tentant de récupérer des provisions larguées par avion.

La mer était agitée, ils ne savaient pas nager, ont raconté des témoins : « quand les parachutes sont tombés à l’eau, de jeunes hommes et de jeunes garçons ont commencé à patauger dans leur direction. Et malheureusement certains ne sont pas revenus », a relaté à l’AFP Ouday Nassar, de retour le lendemain sur la même plage d’al-Soudanyia, au nord de la ville de Gaza, pour tenter à nouveau sa chance.

Lundi, outre les 12 personnes noyées, six autres sont mortes dans des bousculades liées également à l’arrivée de ces aides venues du ciel, selon les autorités.

Le 8 mars, cinq personnes avaient été tuées et dix blessées par la chute de colis, tombés « comme des roquettes » sur le camp de réfugiés d’al-Chati, quand le parachute ne s’est pas ouvert, ont raconté des témoins et des sources hospitalières.

« Nous avons toujours prévenu les pays conduisant ces opérations du danger, car une partie tombe à la mer, une partie sur les territoires palestiniens et une partie dans des zones dangereuses, mettant en péril la vie de civils affamés », selon le bureau de presse du gouvernement du Hamas.

« Une préoccupation première est la sécurité des destinataires », a expliqué récemment à l’AFP Jeremy Anderson, lieutenant-colonel de l’armée de l’Air américaine, lors d’une mission : « On s’assure que si le parachute ne s’ouvre pas, il finisse en mer et de ce fait ne blesse personne. »

Montrer qu’on agit

La communauté internationale, faute d’approvisionnement suffisant par la route, s’est lancée en février dans le parachutage, tout en admettant que cela ne suffisait pas, au moment où la famine menace dans la bande de Gaza.

Israël y a déclaré la guerre au Hamas en représailles à l’attaque menée le 7 octobre par le mouvement islamiste palestinien ayant entraîné la mort de plus de 1160 personnes côté israélien, selon un décompte de l’AFP à partir de chiffres officiels.

La campagne militaire israélienne sur Gaza a fait elle près de 32 500 morts, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas à Gaza.

Convoyées par des avions jordaniens, égyptiens, français ou américains, les palettes sont marquées de petits drapeaux des donateurs : Émirats arabes unis, France, Belgique, Allemagne, États-Unis… Dedans, il y avait par exemple lundi 46 000 rations militaires, selon l’armée américaine. Destination : 300 000 personnes restées dans le nord, là où les camions, venus du point d’entrée sud, arrivent le plus difficilement.

Au total, l’organisme gouvernemental israélien Cogat a recensé 44 parachutages, soit 2000 chargements.

Mais cela ne peut remplacer la route, de l’avis général.

« L’idée est que la situation est si désespérée que toute aide est bienvenue, à condition qu’elle arrive de manière sûre », a souligné mardi James Elder, porte-parole de l’UNICEF depuis Rafah (sud).

« Mais ce ne doit pas être une diversion : une aide alimentaire est habituellement parachutée quand les personnes sont isolées, à des centaines de kilomètres de tout. Ici, l’aide dont on a besoin est à peine à quelques kilomètres : il faut utiliser les routes ! »

Les appels se multiplient pour qu’Israël ouvre des points de passage routier et réduise les restrictions, l’intéressé blâmant pour sa part une désorganisation de la distribution à l’intérieur. Selon l’ONU, avant la guerre, au moins 500 camions entraient quotidiennement, contre 150 aujourd’hui.

Les largages, « cela ressemble à une mesure temporaire facile… Mais ce n’est pas la solution », dit Shira Efron, chercheuse au centre de réflexion américain Israel Policy Forum. Pour elle, « c’est aussi un moyen pour les pays de montrer qu’ils font quelque chose ».

Une source d’une ONG internationale présente à Gaza ne dit pas autre chose : « C’est un petit moyen de pression indirecte sur Israël, et de la publicité pour les pays qui font ça, notamment les États-Unis, sachant que cela ne sert à rien ou presque. »

Washington a dit mardi son intention de continuer, tout en « travaillant pour augmenter l’arrivée d’assistance par voie terrestre ».

Selon l’armée américaine, un navire parti de Virginie est aussi en route pour installer une jetée flottante à Gaza.

À ce jour, un seul bateau est venu, le 15 mars, de Chypre, remorquant 200 tonnes de nourriture.

Ce « bateau transportait l’équivalent de 12 camions », souligne M. Elder, de l’UNICEF, quand « des centaines de camions attendent sur la route, de l’autre côté de la frontière de Gaza ! »