L’écho des bombardements a continué de résonner dans la bande de Gaza vendredi, au moment où des milliers de Gazaouis tentaient de fuir vers le sud après qu’Israël leur eut enjoint d’évacuer le nord de l’enclave. Dans le monde, les appels au respect du droit humanitaire se sont faits plus pressants. Et la tension monte aussi au nord d’Israël, à la frontière avec le Liban.

Cette sixième nuit depuis l’attaque sanglante du Hamas en Israël – les pires depuis sa fondation en 1948 – s’est déroulée dans l’attente d’une offensive terrestre de l’armée israélienne dans la bande de Gaza.

Les résidants de l’enclave palestinienne ont appris au petit matin vendredi qu’ils avaient 24 heures pour évacuer le nord de la bande de Gaza vers le sud. Une mission impossible aux conséquences « dévastatrices », a prévenu le porte-parole du secrétaire général des Nations unies, Stéphane Dujarric.

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Des gens se rassemblent près des décombres d’un bâtiment à la suite d’une frappe aérienne israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 13 octobre.

Les civils devront « se rendre dans le secteur au sud de Wadi Gaza », un ruisseau au sud de la ville de Gaza, a précisé l’armée israélienne. L’échéance de 24 heures a ensuite été revue, Israël admettant que l’évacuation « prendra du temps ».

Toute la journée, vendredi, des images de familles et d’enfants fuyant au milieu des gravats d’immeubles en ruine, en voiture, en charrette ou à pied, sac au dos et matelas en main, ont défilé dans les médias.

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Des centaines de Palestiniens fuient leurs maisons et se déplacent vers le sud avant une offensive terrestre attendue d’Israël, le 13 octobre dans la ville de Gaza.

Des dizaines de milliers de personnes ont pris la route vers le sud, ont annoncé les Nations unies en soirée. Cet exode s’amorce alors que le conflit dans la bande de Gaza avait déjà fait 400 000 déplacés.

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Des Palestiniens fuient vers des zones plus sûres de la ville de Gaza après les frappes aériennes israéliennes, le 13 octobre.

« C’est la première fois que je vois quelque chose comme ça. Ça n’a jamais été aussi grave », a indiqué à La Presse Mustafa Tamaizeh, un travailleur d’Oxfam qui se trouvait à Ramallah, en Cisjordanie, au moment de l’entrevue, vendredi.

Le bilan des victimes s’élève à 1900 du côté palestinien et à 1300 du côté israélien. Des deux côtés : des civils, des femmes, des aînés, des enfants.

« Ce n’est que le début » des opérations israéliennes à Gaza, a prévenu vendredi le premier ministre Benyamin Nétanyahou.

Vingt-quatre heures plus tard, le soleil s’est levé sur Gaza, toujours sous les bombes. Toujours dans l’attente de ce qui va suivre.

Boucliers humains ?

À ces vies perdues s’ajoutent les quelque 150 otages du Hamas, dont plusieurs ont une double nationalité. Le Hamas, qui a exhorté les Gazaouis à tenir leur position, a annoncé vendredi que 13 otages, « dont des étrangers », avaient été tués dans des frappes israéliennes.

La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, en visite vendredi à Jérusalem, a affirmé que le Hamas utilisait la population comme « bouclier ».

Mais le déplacement d’un tel nombre de civils, 1,1 million de personnes – le double de la population de la ville de Québec –, aura des répercussions graves et risque d’entraîner une catastrophe humanitaire, ont prévenu plusieurs organisations. Les pays arabes se sont unis vendredi pour dénoncer l’ultimatum d’Israël.

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Un obusier de l’armée israélienne tire des obus en direction de la bande de Gaza, dans le sud d’Israël, le 13 octobre.

La bande de Gaza, une étroite bande de terre plus petite que l’île de Montréal, est l’un des lieux les plus densément peuplés au monde. Contrôlée par le Hamas, une organisation déclarée terroriste par le Canada, les États-Unis et l’Union européenne, notamment, elle fait l’objet d’un blocus depuis plus de 15 ans. La population ne peut pas quitter le territoire.

L’enclave s’est transformée en piège depuis qu’un siège a été lancé par Israël lundi, empêchant le passage de l’eau, de la nourriture, du carburant et des médicaments, en violation du droit humanitaire, selon les Nations unies. Depuis, les bombes rasent des immeubles entiers et les hôpitaux et morgues ne peuvent plus répondre à la demande. « Les gens n’ont nulle part où fuir, nulle part où se mettre à l’abri. Chaque minute, des vies humaines se perdent », a insisté M. Tamaizeh au bout du fil.

Vendredi, le secrétaire général des Nations unies António Guterres a affirmé que le conflit avait atteint un nouveau palier, plaidant pour permettre l’acheminement de biens essentiels. « Même les guerres ont des règles », a-t-il affirmé. « Les civils doivent être protégés, et jamais utilisés comme boucliers humains. »

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Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres

« La situation est catastrophique »

Le président américain Joe Biden, tout en maintenant son appui à Israël, a aussi assuré que la « crise humanitaire » à Gaza était « une priorité ». « On ne doit pas oublier le fait que la majorité des Palestiniens n’ont rien à voir avec le Hamas », a-t-il déclaré.

« La situation sur place est catastrophique, et je pense que si la communauté internationale n’intervient pas maintenant, Gaza va disparaître », a aussi insisté Mustafa Tamaizeh. Plusieurs de ses collègues à Gaza ont été déplacés ou ont perdu leurs maisons, a-t-il ajouté, affirmant que le travail y est maintenant impossible.

Selon l’agence de presse officielle émiratie WAM, les Émirats arabes unis ont envoyé vendredi un avion transportant de l’aide médicale d’urgence à El-Arich en Égypte, qui doit être acheminée vers Gaza en passant par le poste-frontière de Rafah. C’est par ce même passage que les Canadiens pris à Gaza pourraient être évacués samedi, selon Affaires mondiales Canada.

La tension est vive aussi à la frontière nord du pays. L’armée israélienne a affirmé dans la nuit de vendredi à samedi avoir frappé une cible du Hezbollah dans le sud du Liban en réponse « à l’infiltration d’objets aériens non identifiés » et à « des tirs sur un drone de l’armée de l’air ».

Le Hezbollah est un mouvement pro-iranien allié du Hamas. Il s’est dit vendredi « entièrement préparé » à intervenir contre Israël « au moment propice ».

Dans le sud du Liban, un journaliste vidéo de l’agence Reuters a été tué et six autres journalistes de l’AFP, de Reuters et d’Al-Jazeera ont été blessés dans des bombardements vendredi.

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Un obus israélien est tombé sur un rassemblement de journalistes internationaux couvrant les affrontements à la frontière dans le sud du Liban, tuant une personne et en blessant six autres.

En Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, au moins 16 Palestiniens ont été tués dans des affrontements avec les forces israéliennes pendant des rassemblements en solidarité avec la bande de Gaza, selon le ministère palestinien de la Santé.

Des milliers de personnes ont aussi manifesté vendredi à Beyrouth, en Irak, en Iran, en Jordanie, à Bahreïn, en Europe et en Amérique du Nord en soutien aux Palestiniens. Les services de police de nombreux pays ont accentué leur présence auprès des communautés juives pour les protéger.

Avec l’Agence France-Presse