Des milliers de civils désespérés ont continué de fuir vers le sud de la bande de Gaza, samedi, profitant d’un sursis de l’armée israélienne qui s’apprête à lancer une offensive terrestre d’envergure. Et la crise humanitaire s’accentue jour après jour dans la petite enclave coupée du monde.

Ce qu’il faut savoir

L’évacuation des habitants se poursuit à Gaza dans l’attente d’une offensive israélienne imminente.

La situation humanitaire dans l’enclave privée d’eau et d’électricité se détériore de plus en plus.

Les États-Unis enverront un deuxième porte-avions en Méditerranée orientale.

Un court sursis

En voiture, en charrette, à pied : l’évacuation par tous les moyens de civils gazaouis se poursuivait samedi sous le spectre d’une escalade de la violence.

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Des Palestiniens doivent fuir leurs maisons en direction de la partie sud de la bande de Gaza.

Vendredi, Israël avait ordonné aux habitants du nord de Gaza, soit 1,1 million de personnes, de gagner le sud de l’enclave dans les 24 heures.

Or, un porte-parole de l’armée israélienne a annoncé samedi soir un sursis aux Palestiniens, assurant que l’offensive terrestre ne serait pas lancée ce dimanche, pour des raisons humanitaires.

Tsahal a confirmé que ses troupes se préparaient à « une opération terrestre importante », dans le cadre d’une « attaque intégrée et coordonnée depuis l’air, la mer et la terre ».

Selon trois officiers de haut rang cités par le New York Times, l’assaut devrait être donné « dans les prochains jours ».

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Des chars de l’armée israélienne se déplacent dans le sud d’Israël, près de la frontière de la bande de Gaza.

Samedi, le premier ministre d’Israël, Benyamin Nétanyahou, a rendu visite à des soldats massés à l’extérieur de la bande de Gaza. « La prochaine étape arrive », a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée par son cabinet.

Au moins 1300 Israéliens ont été tués depuis l’attaque du Hamas en Israël il y a une semaine jour pour jour, et 2200 Palestiniens.

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Des Palestiniens portent un homme blessé lors de frappes israéliennes à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 14 octobre.

Samedi dernier, des centaines de militants du Hamas ont bombardé et infiltré le territoire israélien, massacrant civils et soldats dans des kibboutz, des camps militaires et sur les lieux d’un festival de musique, et capturant des otages dans un chaos sanglant.

Des civils en fuite tués

Obéissant aux ordres israéliens, au moins 70 civils, dont des enfants, ont été tués alors qu’ils fuyaient le nord du territoire, a indiqué le ministère palestinien de la Santé samedi.

Selon des informations vérifiées par le Guardian, un convoi de véhicules circulait sur l’une des deux routes désignées par l’armée israélienne pour l’évacuation (la route Salah ad-Din, voir carte), lorsqu’il a été la cible d’une frappe aérienne meurtrière.

LA PRESSE

Des photos de l’attaque – que le Hamas a imputée à Israël – montrent une douzaine de cadavres, pour la plupart des femmes et des enfants.

Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a exhorté les habitants à ne pas fuir, accusant Israël de « crimes de guerre ».

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Des Palestiniens fuient le nord de Gaza après que l’armée israélienne ait lancé un avertissement d’évacuation sans précédent, le 13 octobre.

De son côté, l’armée israélienne a annoncé avoir retrouvé dans l’enclave palestinienne « des cadavres » d’otages israéliens enlevés par des militants du Hamas lors de l’attaque du 7 octobre.

Crise humanitaire

Jour après jour, la crise humanitaire s’accentue dans la petite enclave coupée du monde. L’accès bloqué à l’eau est devenu « une question de vie ou de mort », a déclaré samedi un porte-parole de l’ONU.

Des centaines de milliers de Gazouis ont été déplacés en l’espace de 12 heures, et près d’un million depuis le début du conflit il y a une semaine.

L’évacuation forcée de milliers de patients du nord de Gaza vers les établissements débordés du sud du territoire pourrait être « l’équivalent d’une peine de mort », a averti l’Organisation mondiale de la santé.

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Des Palestiniens se sont réfugiés dans une école gérée par l’ONU dans le camp de réfugiés de Nuiserat, le 14 octobre.

« Il y a des gens qui dorment à même le sol partout, même à l’intérieur de l’hôpital. La promiscuité va entraîner une épidémie de maladies infectieuses », a déclaré au Guardian le DGhassan Abu-Sittah, chirurgien à l’hôpital Shifa de la ville de Gaza.

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Des Palestiniens fuyant le nord de la bande de Gaza ont trouvé refuge dans une école des Nations unies, à Rafah.

L’Union européenne a annoncé samedi qu’elle triplait l’aide humanitaire destinée à la population de la bande de Gaza, à 75 millions d’euros.

Or, acheminer l’aide aux millions de civils gazaouis pris au piège constitue un défi : la seule ouverture qui ne soit pas sous contrôle israélien, le point de passage de Rafah en Égypte, est actuellement fermée.

Le président des États-Unis, Joe Biden, s’est entretenu samedi avec le président palestinien Mahmoud Abbas et le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, les exhortant à autoriser l’acheminement de l’aide humanitaire dans la région.

« La crise humanitaire » à Gaza est « une priorité », a déclaré M. Biden, tandis que plusieurs ONG ont demandé l’ouverture de couloirs humanitaires.

Un second porte-avions américain

Les États-Unis enverront un second porte-avions en Méditerranée orientale « pour dissuader les actions hostiles contre Israël ou tout effort visant à élargir cette guerre après l’attaque du Hamas ».

L’USS Dwight D. Eisenhower et ses navires d’escorte rejoindront un premier porte-avions – l’USS Gerald R. Ford – déployé dans la région après l’attaque sanglante du Hamas.

Ce déploiement montre « l’engagement sans faille de Washington en faveur de la sécurité d’Israël et notre détermination à dissuader tout acteur étatique ou non étatique cherchant à intensifier cette guerre », a déclaré le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin.

Des frappes en Syrie

La tension est également vive au nord d’Israël. Le mouvement armé Hezbollah a déclaré samedi que l’un de ses combattants avait été tué dans le sud du Liban par Tsahal.

Le sud du Liban est le théâtre de tirs entre le Hezbollah libanais et l’armée israélienne depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.

Une frappe aérienne israélienne a également visé samedi l’aéroport d’Alep, ville du nord de la Syrie, faisant cinq blessés.

Le ministère syrien de la Défense a confirmé les frappes dans la nuit de samedi à dimanche, accusant Israël de « crimes contre le peuple palestinien » en référence à sa riposte contre l’attaque du Hamas.

Des raids israéliens avaient déjà visé jeudi les aéroports de la capitale syrienne, Damas, et d’Alep.

Effet domino

Le conflit entre Israël et le Hamas pourrait-il s’étendre à d’autres régions du Moyen-Orient ? Selon le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amirabdollahian, c’est une possibilité.

Il a fait part de ce scénario vendredi lors d’une rencontre avec le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui s’est déroulée devant des journalistes, au Liban.

Samedi, M. Amirabdollahian a également rencontré le plus haut responsable politique du Hamas, Ismaël Haniyeh, dont l’organisation reçoit un soutien financier et politique de l’Iran.

Avec l’Agence France-Presse, l’Associated Press, le Guardian et le New York Times