(Khan Younès) Depuis que l’armée israélienne leur a ordonné de quitter le nord de la bande de Gaza, des milliers de Palestiniens s’entassent dans le sud de l’enclave proche de l’Égypte, où ils manquent de tout.  

À Khan Younès, l’une des deux grandes villes du sud, les écoles de l’UNRWA, l’agence de l’ONU responsable des réfugiés palestiniens, ont été vite débordées par l’afflux de familles.  

C’est toujours vers cette agence qu’on se tourne à Gaza, où plus de 80 % des habitants sont des descendants de réfugiés, chassés de leur terre à la création d’Israël en 1948.

Avec les écoles pleines à craquer, la cour et les couloirs de l’hôpital Nasser se remplissent désormais de milliers de déplacés.  

Aux alentours, les rayons des magasins sont vides, car ils ne peuvent plus s’approvisionner après qu’Israël a décrété le siège total de Gaza, ne laissant plus y entrer ni biens, ni carburant ni eau ni électricité pour les 2,4 millions d’habitants.

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Vue sur une file d’attente pour acheter du pain dans une boulangerie de Khan Younès, le 14 octobre

« C’est un désastre, il n’y a rien à manger, nous ne savons pas où dormir, et nous ne savons pas quoi faire ni où aller », se lamente Jouma Nasser, un quadragénaire accompagné de sa mère, de sa femme et de leurs sept enfants.

Devant l’hôpital, assises à même le sol, des familles entières sont livrées à elles-mêmes, certains pleurent, d’autres affichent des visages effrayés et choqués.  

À l’intérieur, les équipes médicales épuisées travaillent sans relâche tant la zone a été le théâtre, ces dernières heures, d’intenses bombardements israéliens.  

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Un policier palestinien tient un bébé amené à l’hôpital à la suite d’une frappe israélienne à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 14 octobre.

Depuis que l’armée israélienne a largué vendredi des tracts ordonnant aux habitants du nord de Gaza de fuir « immédiatement » vers le sud, tous redoutent une offensive terrestre.  

Déjà, en réponse, à l’attaque surprise du Hamas qui a fait le 7 octobre au moins 1300 morts, l’armée israélienne pilonne sans répit l’enclave de 362 km2, bordée au nord et à l’est par Israël, à l’ouest par la Méditerranée et au sud par l’Égypte.

Plus de 2200 Palestiniens, la plupart des civils, dont 724 enfants, selon les autorités locales, sont morts dans la bande de Gaza.  

Ce territoire exigu est soumis à un blocus israélien terrestre, aérien et maritime depuis que le Hamas y a pris le pouvoir il y a 16 ans.  

« Nourrir les enfants »

À Khan Younès, en face de l’hôpital Nasser, des dizaines de familles de déplacés gazaouis ont investi une école de l’UNRWA, entassant linge, matelas et paquets dans les classes et la cour de récréation.  

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Vue sur la cour d’une école gérée de Khan Younès par l’ONU qui accueille des réfugiés palestiniens, le 14 octobre

« Notre situation est tragique, il n’y a pas assez de nourriture ni d’eau. Nous ne savons pas si nous allons mourir ici ou s’ils nous forceront à aller en Égypte ou à retourner dans nos logements, qui ont peut-être été détruits », affirme à l’AFP Ahmed Abu Shaar, père de 13 enfants.  

À Rafah, moins d’une dizaine de kilomètres plus au sud, des familles entières errent dans les rues à la recherche d’un logement, ont constaté des journalistes de l’AFP sur place.

Dans le camp de réfugiés de cette petite ville frontalière de l’Égypte, un restaurant a servi des falafels sans discontinuer vendredi jusqu’à ce qu’il épuise ses stocks tard dans la nuit.

Devant un point de distribution d’eau, des dizaines de personnes attendent leur tour pour pouvoir remplir leurs gallons du précieux liquide.   

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Des Palestiniens font la queue pour remplir des conteneurs d’eau à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 14 octobre.

L’ordre d’évacuation qui concerne environ 1,1 million d’habitants du nord de la bande de Gaza aura des conséquences « dévastatrices », prévient l’ONU.  

L’armée a accusé le Hamas, qui a rejeté l’appel à l’évacuation, de tenter de bloquer les départs.  

Plus de 423 000 Palestiniens ont déjà quitté leur foyer, et 5540 maisons détruites, selon l’ONU.  

Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a assimilé un tel « déplacement » à une « deuxième Nakba » (« Catastrophe », en arabe), en référence à l’exode de quelque 760 000 Palestiniens à la création de l’État d’Israël.