La contre-offensive d’Israël après l’attaque surprise du Hamas a ravivé les craintes d’une guerre prolongée au Moyen-Orient. Retour sur l’un des conflits les plus anciens et les plus controversés du monde avec Yakov M. Rabkin, professeur émérite au département d’histoire de l’Université de Montréal.

Les origines du conflit israélo-palestinien

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Des soldats israéliens patrouillent pendant la guerre d’indépendance de 1948-1949.

À la fin du XIXe siècle, le sionisme, un mouvement politique visant à créer un État juif en Palestine, entraîne l’immigration massive de Juifs européens en Palestine. Au fil des ans, les tensions s’intensifient entre les communautés juive et arabe, chacune revendiquant la région. « La population autochtone palestinienne a été éliminée par plusieurs vagues, d’abord en 1948, puis en 1967. Beaucoup de ces réfugiés palestiniens sont les ancêtres de ceux qui sont aujourd’hui entassés dans la bande de Gaza », explique Yakov M. Rabkin, professeur émérite au département d’histoire de l’Université de Montréal.

La situation à Gaza

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Gaza souffre d’une pénurie chronique d’eau et d’électricité depuis des années.

La bande de Gaza est aujourd’hui entièrement isolée du reste du monde. Délimitée au nord et à l’est par le territoire israélien, bordée à l’ouest par la Méditerranée et au sud par l’Égypte, la bande de Gaza est un territoire étroit qui abrite une population de plus de deux millions de Palestiniens. En juin 2006, Israël a imposé un blocus complet, à la fois terrestre, aérien et maritime, sur Gaza en réponse à l’enlèvement d’un soldat israélien. Plus de 15 ans plus tard, Gaza souffre toujours d’une pénurie chronique d’eau et d’électricité. « Actuellement, 60 % de la population est au chômage. Il n’y a aucun espoir. L’action des Palestiniens est un signe, entre autres choses, de désespoir », dit M. Rabkin.

Les principaux groupes

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Des soldats israéliens montent la garde à Sderot.

Du côté israélien, on a l’État, « assez puissant, avec une armée redoutable », dit le spécialiste. De l’autre côté, il y a des groupes palestiniens, dont le Hamas à Gaza, l’Autorité palestinienne sur la rive occidentale du Jourdain (fleuve du Moyen-Orient) et le mouvement Hezbollah au nord d’Israël, soit au Liban. L’attaque du Hamas survenue samedi ne semble pas avoir été coordonnée avec le Hezbollah. « Sinon, ils auraient attaqué ensemble. Ça demeure des mouvements autonomes assez différents », dit-il.

Les alliés

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Joe Biden, président des États-Unis

Les États-Unis sont entièrement du côté d’Israël. « Pour les Américains, Israël constitue une présence importante au Moyen-Orient. Des entrepôts d’armes américaines se trouvent d’ailleurs sur son territoire », dit M. Rabkin. Israël est également très habile dans sa politique extérieure ; il a de bonnes relations avec la Chine, l’Inde, la Russie. De leur côté, les Palestiniens ont l’appui de l’Iran et de certains États arabes. « Ils les appuient au niveau rhétorique, plutôt que pratique, précise le professeur. Les Palestiniens se sentent largement abandonnés par leurs frères arabes, si on peut dire ainsi, et c’est aussi ce qui explique leur désespoir dans cette attaque. »

Une offensive unique

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Roquette tirée de la ville de Gaza en direction d’Israël, samedi

C’est la première attaque terrestre de la bande de Gaza, dit M. Rabkin. « Auparavant, il y avait des roquettes qui étaient envoyées par Gaza, mais elles étaient fabriquées dans les sous-sols, donc ce n’était pas sérieux. Cette fois-ci, c’était une attaque ordonnée avec des roquettes, mais aussi avec la pénétration sur le territoire israélien, avec des otages et des victimes. C’est sans précédent dans l’histoire de l’État d’Israël », dit-il. Les autorités de renseignement et militaires israéliennes éprouvent possiblement un profond regret d’avoir manqué cette attaque, malgré leur système de renseignement hautement sophistiqué, estime M. Rabkin. Cette attaque survient alors que la société israélienne est très divisée à l’intérieur du pays. Depuis plusieurs mois, il y a d’importantes manifestations contre le gouvernement actuel.