L’escalade de violences entre Israéliens et Palestiniens a mené à un nouvel échange de tirs aériens entre Gaza et Israël jeudi matin. Jérusalem et ses sites religieux se trouvent encore une fois au cœur des tensions, alors que les calendriers font coïncider cette année le mois sacré du ramadan chez les musulmans et la semaine de la Pâque juive.

Roquettes et ripostes

Dans la nuit de mercredi à jeudi, six roquettes ont été tirées de la bande de Gaza vers Israël, selon l’armée israélienne, qui a ensuite lancé une série de frappes dans l’enclave palestinienne. Les deux côtés ne rapportent aucune victime. Les échanges de tirs rappellent la guerre de 11 jours en mai dernier entre Israël et le Hamas, groupe islamiste à la tête du territoire. « Je pense que les parties, en particulier le gouvernement israélien et le Hamas, ne veulent pas d’une escalade, estime Khaled Elgindy, chercheur senior du groupe de réflexion Middle East Institute. Mais avec une mentalité du coup pour coup, on ne sait jamais, ça finit par prendre sa propre lancée. » Selon les données de l’ONU, 261 Palestiniens et 10 Israéliens avaient été tués dans les hostilités, qui avaient fait des milliers de blessés. Tova Norlén, professeure au George C. Marshall European Center for Security Studies, mais qui s’exprime en son nom personnel en qualité de chercheuse, croit aussi une reprise peu probable. « Mais le Hamas espère probablement inciter les gens de Jérusalem et de la Cisjordanie à des émeutes et des soulèvements », ajoute-t-elle.

PHOTO AMMAR AWAD, REUTERS

Des affrontements ont eu lieu entre des manifestants palestiniens et les forces de l'ordre israéliennes à Jérusalem, jeudi.

Religions et tensions

Le cœur des tensions se situe à des kilomètres de la bande de Gaza, à Jérusalem. Comme l’an dernier durant le mois du ramadan, des heurts ont éclaté entre Palestiniens et policiers israéliens sur l’esplanade des Mosquées – aussi appelée mont du Temple par les Juifs. Le lieu, sacré à la fois pour les musulmans et pour les juifs, est particulièrement tendu, surtout durant les fêtes religieuses. Son accès pour les non-musulmans est restreint, et des fidèles juifs s’y rendent sous forte escorte policière. Or, le lieu étant contesté, les Palestiniens voient d’un mauvais œil les revendications de certains groupes juifs particulièrement fervents – qui, eux, dénoncent les restrictions. Les policiers israéliens ont arrêté cette semaine au moins 17 personnes, qui auraient tenté de faire entrer des chèvres sur l’esplanade pour reproduire le sacrifice de la Pâque juive, ce qui est interdit pour préserver le statu quo. « Dans un conflit où la religion n’est vraiment pas une blague, surtout du point de vue des Palestiniens, qui vivent très près des colons les plus religieux [dans les territoires palestiniens], qui ont l’expérience de la façon dont la religion dicte la vie des colons et dont une pratique peut devenir un fait établi, je pense qu’ils prennent la chose au sérieux », explique Mme Norlén.

Une guerre à éviter

Le vendredi, début du week-end et jour des grands rassemblements dans les mosquées, est souvent synonyme d’affrontements entre jeunes manifestants palestiniens et forces israéliennes. La journée pourrait donc être décisive pour la suite. Les experts croient qu’Israël comme le Hamas ont peu intérêt à se relancer dans des hostilités soutenues. La bande de Gaza, sous blocus depuis 2007, ne s’est pas encore relevée des raids de l’an dernier. La situation économique est difficile. D’autres groupes djihadistes à l’intérieur du territoire pourraient vouloir provoquer une escalade, souligne M. Elgindy, même si la dynamique en place n’est pas la même qu’en 2021. « C’est comme Le jour de la marmotte, c’est le même évènement qui se reproduit encore et encore, dit-il. De toute évidence, il y a des pathologies qui ne sont pas abordées. » De son côté, le gouvernement israélien est dirigé par une coalition fragile, avec l’aide d’un parti arabe, et espère probablement éviter une cinquième élection en deux ans.

Violences ailleurs

Même si le Hamas et le gouvernement israélien souhaitaient mettre fin à l’escalade, les violences à l’intérieur même des villes préoccupent les observateurs. Depuis un mois, les médias israéliens ont rapporté quatre attaques palestiniennes commises en Israël, ayant tué 14 personnes. Elles ne semblaient pas avoir été orchestrées par des groupes armés. « C’est une tendance mondiale, note Mme Norlén. La catégorie de terrorisme qui a le plus augmenté est celle des acteurs solitaires, poussés davantage par des griefs individuels que par une idéologie. » Au moins un des attaquants provenait d’un village près de Jénine, en Cisjordanie occupée. L’armée israélienne a lancé une opération dans la ville, qui a mené à des affrontements avec des militants. Au moins 26 Palestiniens ont été tués dans la foulée, selon un décompte de l’Associated Press, qui précise avoir répertorié un grand nombre de participants aux affrontements parmi les morts, mais aussi des victimes vraisemblablement sans lien avec les affrontements. La violence n’est pas nouvelle, rappelle M. Elgindy. « La violence est continuelle », s’insurge-t-il, dénonçant une couverture médiatique accrue des morts israéliens par rapport aux morts palestiniens. « C’est assez constant », dit-il.

Avec l’Agence France-Presse, l’Associated Press et Haaretz