Cinquante milliards de dollars pour un fonds international de développement économique. Une quinzaine de routes et de tunnels pour relier les parcelles éparpillées d’un État palestinien doté d’une souveraineté limitée.

Le gel de la colonisation israélienne au-delà des implantations juives qui seraient annexées à l’État hébreu. Et la perspective d’accueillir un jour une ambassade des États-Unis dans une capitale palestinienne située en banlieue de Jérusalem, laquelle serait consacrée capitale indivisible de l’État hébreu.

Voilà les incitatifs offerts aux Palestiniens pour les convaincre d’accepter le plan de paix annoncé hier, en grande pompe, par le président des États-Unis, Donald Trump, et le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. En échange, les dirigeants palestiniens devraient abandonner toutes leurs revendications historiques et renoncer à près du tiers du territoire de la Cisjordanie occupée par Israël.

Fait marquant : les Palestiniens n’ont pas été consultés lors de l’élaboration de ce plan, et aucun représentant palestinien n’accompagnait MM. Trump et Nétanyahou lors de l’annonce faite à la Maison-Blanche, hier midi.

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Donald Trump et Benyamin Nétanyahou

En fait, tout dialogue entre les dirigeants palestiniens et la Maison-Blanche est rompu depuis que le président américain a reconnu Jérusalem comme capitale de l’État hébreu et y a déménagé son ambassade, il y a plus de deux ans.

Donald Trump n’en a pas moins présenté ce plan, promis depuis le début de son mandat présidentiel, comme une avancée « historique », annonciatrice d’une « nouvelle aube au Proche-Orient ».

« Je n’ai pas été élu pour réaliser de petites choses, je n’ai pas peur des grands problèmes », s’est-il vanté.

En réalité, ce plan consiste en grande partie en une tentative d’acheter la paix avec les Palestiniens, tout en répondant aux demandes et aspirations de la droite israélienne.

Délai de quatre ans

Le scénario proposé accorde quatre ans aux Palestiniens pour réfléchir à cette offre – période au cours de laquelle l’expansion territoriale israélienne sera suspendue.

En principe, il s’agit d’une base pour une négociation future. Mais cette négociation impose une série de conditions à sens unique, à la partie palestinienne seulement – notamment celles de respecter les droits de la personne et de mettre un terme à la corruption.

Ironiquement, cette exigence de probité est imposée aux Palestiniens à un moment où Benyamin Nétanyahou est poursuivi pour corruption, tandis que Donald Trump fait face à un procès en destitution pour abus de pouvoir…

Dans son annonce, hier, Donald Trump a aussi placé la responsabilité du succès de son plan sur les épaules des Palestiniens. S’ils répondent aux exigences, le plan fonctionnera, a-t-il souligné.

« Si les Palestiniens acceptent nos conditions, nous serons avec eux », a renchéri le premier ministre Benyamin Nétanyahou.

Le problème, c’est que les principaux points du plan sont difficilement acceptables pour les Palestiniens. Ces derniers devraient accepter de renoncer au « droit de retour », même symbolique, de réfugiés palestiniens sur le territoire israélien, ils devraient accepter que l’accès aux lieux saints de l’islam, dans la Vieille Ville de Jérusalem, soit contrôlé par Israël, et il leur faudrait dire adieu au rêve d’établir la capitale de leur futur État dans la Ville sainte.

« Le plan de Trump ne passera pas », a tranché hier le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à l’issue d’une réunion avec des factions palestiniennes rivales, dont le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, et qui étaient exceptionnellement unies face à l’annonce d’hier.

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« Le plan de Trump ne passera pas », a tranché hier le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Deal du siècle ?

Le plan décrit comme le « deal du siècle » prévoit aussi que : 

– Toutes les grandes implantations juives en Cisjordanie, considérées comme illégales en vertu du droit international, seront presque immédiatement annexées et soumises aux lois israéliennes. Benyamin Nétanyahou a d’ailleurs annoncé dès hier qu’une première phase de cette annexion pourrait être lancée dès dimanche prochain.

– Israël gardera le contrôle exclusif de la vallée du Jourdain.

– Le Hamas sera désarmé, la bande de Gaza sera démilitarisée et toutes les factions palestiniennes reconnaîtront le droit à l’existence de l’État juif.

– L’accord prévoit aussi, à terme, la libération de prisonniers palestiniens, l’accès aux ports israéliens et la construction éventuelle d’un port et d’un aéroport dans la bande de Gaza.

– Le futur État palestinien sera démilitarisé et Israël aura un mot à dire sur l’aménagement des zones frontalières.

Cartes

Le plan de paix, détaillé sur 80 pages, inclut des cartes dessinant la frontière entre les deux États – et les nombreux ponts et tunnels qui permettront aux Palestiniens de circuler sur un territoire en forme de gruyère.

Ces cartes constituent une première dans l’histoire du processus de paix israélo-palestinien, se réjouit Herb Keinon, journaliste au Jerusalem Post, dans un texte publié dans la foulée de l’annonce. « Elle montre le territoire essentiel à Israël pour pouvoir coexister avec un État palestinien », écrit-il.

En vertu de ce plan, « Israël n’aura pas à démanteler ses colonies, les Palestiniens devront renoncer au droit de retour des réfugiés, ils auront peu accès à Jérusalem et Israël sera autorisé, défiant ainsi les lois internationales, à annexer des parties de la Cisjordanie », s’indigne Diana Buttu, ancienne conseillère du président palestinien Mahmoud Abbas, dans une chronique publiée par le quotidien israélien Haaretz.

L’organisation israélienne B’tselem, qui documente l’impact de la politique de colonisation israélienne, constate pour sa part qu’en réalité, Israël contrôle déjà le territoire qui s’étend entre la vallée du Jourdain et la Méditerranée (qui comprend Israël et les territoires palestiniens).

« Cette réalité est déjà celle d’un État profondément non démocratique, poursuit B’tselem. Le principal changement survenu aujourd’hui, c’est que Donald Trump et Israël ont fait un pas de plus pour montrer leur intention de perpétuer cette réalité. »