Au nom de la lutte contre le terrorisme, le Koweït vient d'adopter une loi imposant un test d'ADN à ses 4,2 millions de citoyens et résidents étrangers qui entraînera la création d'une vaste banque de données génétiques.

Les personnes qui refuseront de se soumettre au test le paieront au prix fort: elles s'exposent à une peine d'un an de prison et à une amende pouvant atteindre 33 000$ US. Celles qui fourniront de faux échantillons pourraient être emprisonnées pour sept ans.

Cette loi est une réponse à l'attentat commis contre une mosquée chiite de la ville de Koweït, qui a fait 26 morts et 227 blessés il y a un mois. Les autorités koweïtiennes espèrent que cette banque de données facilitera la traque et les arrestations de terroristes et elles ont déjà débloqué 400 millions pour lancer le programme.

«Les empreintes digitales étaient déjà obligatoires au Koweït. Pour nous, c'est une suite logique de créer cette banque génétique», a déclaré cette semaine à la chaîne Al-Jazira le ministre koweïtien pour les Affaires du cabinet Mohammed al-Abdullah al-Sabah, ajoutant que le contenu de cette banque ne pourrait être dévoilé qu'à la suite d'une ordonnance du tribunal.



Une mesure critiquée

Sans surprise, les groupes de défense des droits de la personne n'ont pas tardé à exprimer leur opposition. Car si certains pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis, la Suède ou le Canada possèdent des banques de données génétiques de criminels, c'est bien la première fois qu'un État rend le test d'ADN obligatoire pour tous ses citoyens, criminels et innocents confondus.

«Ce qui nous dérange avec cette loi, c'est qu'elle est beaucoup trop vaste, explique Ahmed Benchemsi, de l'organisme Human Rights Watch. En principe, recueillir l'ADN de quelqu'un dans le cadre d'une investigation criminelle n'est pas contre la loi. Mais le problème dans le cas du Koweït, c'est que tout le monde est touché! Le champ d'application de cette loi est quand même invraisemblable.»

«Diverses mesures peuvent être utiles pour se prémunir contre les attaques terroristes, ajoute Sarah Leah Witson, directrice de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient, dans un communiqué paru lundi. Je suppose que filmer tous les utilisateurs de toilettes publiques pourrait aussi être utile. Mais de telles intrusions ne sont ni nécessaires ni proportionnées, pas plus qu'un test d'ADN obligatoire.»

Les risques de dérapages sont réels, estiment les spécialistes de l'éthique. Dans l'absolu, rien ne peut garantir l'étanchéité des banques de données d'ADN universelles, qui pourraient techniquement être cédées à des intérêts privés. Certains spécialistes relèvent par ailleurs que ces données ne sont pas infaillibles, ce qui pourrait conduire à d'éventuelles erreurs judiciaires.