Un Irakien ancien haut responsable d'Al-Qaïda et leader militaire des talibans, détenu de «grande valeur» de Guantanamo, a été officiellement accusé de crimes de guerre mercredi, trois semaines après la libération controversée de cinq prisonniers talibans.

Longue barbe grise sur un visage émacié, Abd al-Hadi al-Iraqi, 53 ans, encourt la prison à vie, pour avoir appartenu au commandement militaire d'Al-Qaïda aux côtés d'Oussama ben Laden et avoir à ce titre commandité des attentats meurtriers visant les Américains et leurs alliés en Afghanistan et au Pakistan.

Le juge militaire John Kirk Waits l'a accusé d'«attaque de propriétés protégées», «déni de grâce», «trahison», «tentative de trahison» et de «complot avec Oussama ben Laden et d'autres de commettre des actes de terrorisme», dans la salle quasi-vide du tribunal de Guantanamo, lors d'une audience de moins d'une heure retransmise sur la base militaire de Fort Meade, près de Washington.

Cette accusation a une résonance particulière dans le contexte de la libération le 31 mai de cinq talibans de Guantanamo contre le sergent américain Bowe Bergdahl, alors que le ministère américain de la Justice suspectait Abd al-Hadi al-Iraqi d'appartenir aussi au commandement militaire des talibans.

Selon un document judiciaire du 30 novembre 2009, il était, «avant sa capture et sa détention, l'un des responsables d'Al Qaïda les plus gradés et expérimentés et travaillait en tant que dirigeant militaire pour les talibans».

Interrogé par l'AFP, le procureur militaire Mark Martins n'a pas voulu confirmer si le nom de M. al-Hadi avait été cité lors des négociations qui ont conduit à l'échange entre le sergent Bergdahl et les cinq cadres talibans enfermés à Guantanamo.

L'avocat de l'Irakien, Chris Callen, s'est toutefois refusé à voir «une simple coïncidence» entre l'inculpation de son client et l'annonce, deux jours plus tôt, de la libération du sergent Bergdahl par le président Barack Obama. Il a précisé ne pas savoir «pourquoi les cinq talibans avaient été libérés et pas M. al-Hadi».

A l'audience, l'accusé, interrogé sur la composition de son équipe de défense, s'est contenté de dire qu'il voulait un autre avocat civil «en raison de ce qui se passe en Afghanistan et en Irak».

Vêtu d'une tunique et d'un turban blancs sur un long corps maigre, l'accusé, incarcéré parmi les «pires des pires» au camp 7 ultra-secret de Guantanamo, a reporté à plus tard son droit de plaider coupable ou non coupable.

Les Bouddhas de Bâmiyân

Selon les seize pages de l'acte d'accusation, qui n'ont pas été lues à l'audience, l'Irakien était un proche de Ben Laden mais aussi de l'actuel chef d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, du pirate de l'air Mohammed Ataf ou encore de Khaled Cheikh Mohammed, le cerveau autoproclamé du 11-Septembre qui encourt la peine de mort devant la justice de Guantanamo.

Il n'est pas accusé de meurtres mais, au fil des ans, il serait responsable d'avoir fait des victimes canadiennes, britanniques, norvégiennes et américaines parmi les militaires.

Sur une liste de 63 événements qui lui sont reprochés, il aurait notamment fomenté une tentative d'assassinat en 2002 contre le président pakistanais d'alors Pervez Musharraf, et assisté le kamikaze responsable d'un attentat suicide ayant fait de nombreuses victimes allemandes à Kaboul en 2003.

En mars 2001, il aurait aidé les talibans dans leur entreprise de destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, classés au patrimoine mondial de l'Unesco et aujourd'hui disparus.

C'est le dixième détenu de Guantanamo à être renvoyé devant un tribunal militaire par l'administration Obama, dont trois ont plaidé coupable. Khaled Cheikh Mohammed et ses quatre co-accusés des attentats du 11-Septembre encourent la peine de mort, ainsi que le Saoudien Abd al-Rahim al-Nachiri pour l'attentat contre l'USS Cole.

Depuis l'ouverture de la prison en janvier 2002, huit ont été jugés et condamnés, dont six par un plaider coupable, sur les 779 hommes passés par ses geôles. Il reste aujourd'hui 149 détenus à Guantanamo.