(Madrid) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en visite à Madrid, a appelé l’Occident à « user de tous les moyens » pour contraindre la Russie à la paix.

À Kyiv, après avoir dans un premier temps annoncé l’arrivée prochaine en Ukraine d’instructeurs militaires français, les autorités militaires ont précisé que la question était à l’étude, mais pas encore tranchée.  

Lors d’une conférence de presse à Madrid aux côtés du premier ministre espagnol Pedro Sánchez, le chef de l’État ukrainien a déclaré : « Nous devons intensifier notre travail commun avec nos partenaires pour obtenir davantage : la sécurité et une coercition tangible de la Russie à la paix par tous les moyens ».  

Il faut « faire pression non seulement sur la Russie, mais aussi sur nos partenaires pour qu’ils nous donnent la possibilité de nous défendre », a-t-il ajouté, exigeant de nouveau des systèmes de défense antiaérienne pour pouvoir intercepter les plus de 3000 bombes aériennes guidées lancées par la Russie sur son pays chaque mois.

« Tout bloquer »

À un peu moins de trois semaines d’un sommet pour la paix en Ukraine prévu en Suisse, M. Zelensky a rejeté la proposition de la Chine et du Brésil d’inviter la Russie, estimant que celle-ci allait « tout bloquer ».

En difficulté sur les fronts Est et Nord-est, l’Ukraine réclame depuis des mois de pouvoir frapper les positions et les bases-arrières russes en territoire russe avec des armements occidentaux. Mais Américains et Européens ont refusé jusqu’ici par crainte d’une escalade, conférant un avantage certain aux forces du Kremlin.

Cette question commence cependant à faire débat parmi les alliés.

Lors d’une réunion de l’OTAN à Sofia, son secrétaire général Jens Stoltenberg a estimé lundi qu’il était « temps de reconsidérer » les restrictions sur l’usage des armes fournies à l’Ukraine qui lui lient « les mains dans le dos ».

Dimanche, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a dit pour sa part s’opposer à une telle utilisation des armes fournies à l’Ukraine contre des cibles en territoire russe. « Il faut être très prudent », a-t-elle jugé.

Le chef de la diplomatie britannique, David Cameron, avait en revanche estimé, lors d’un déplacement à Kyiv début mai, que Kyiv pouvait utiliser les armes britanniques comme bon lui semblait, évoquant son « droit » de frapper le territoire de la Russie.

Interrogé lundi sur le sujet, Pedro Sánchez a déclaré, de façon évasive, ne pas avoir « cette volonté ».  

PHOTO OSCAR DEL POZO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le premier ministre espagnol Pedro Sánchez

« Nous serons aux côtés de l’Ukraine tout le temps qu’il faudra », a cependant répété le premier ministre.  

Il a annoncé « un engagement d’aide militaire pour 2024 d’un milliard d’euros » de la part de Madrid, qui avait apporté jusqu’ici un soutien limité à Kyiv.  

L’Ukraine réclame notamment des systèmes antimissiles et antiaériens Patriot américains, arguant n’avoir à l’heure actuelle qu’un quart des moyens dont elle a besoin.

Deux villages perdus

M. Zelensky a ainsi précisé à Madrid avoir besoin de « sept systèmes Patriot supplémentaires », dont « au moins deux pour Kharkiv », ville située à une quarantaine de kilomètres de la frontière et pilonnée par l’armée russe.

PHOTO FINBARR O'REILLY, THE NEW YORK TIMES

Des secouristes s’activent sur les lieux d’une quincaillerie touchée samedi par une attaque russe dans la région de Kharkiv.

Mardi matin, il est attendu à Bruxelles où il doit signer avec le premier ministre belge Alexander De Croo un accord bilatéral de sécurité, et rencontrer le roi Philippe.

M. Zelensky doit ensuite gagner Lisbonne pour y rencontrer le premier ministre Luis Montenegro et le président Marcelo Rebelo de Sousa

À Kyiv, le ministère de la Défense a précisé lundi soir que l’envoi en Ukraine d’instructeurs militaires français était « toujours en discussion » avec Paris, après que le commandant en chef de l’armée ukrainienne se soit davantage avancé, affirmant que la France allait en envoyer « prochainement ».  

« Depuis février 2024, l’Ukraine a exprimé son intérêt pour la perspective de recevoir des instructeurs étrangers en Ukraine », a indiqué un communiqué du ministère de la Défense. « Pour l’instant, nous sommes toujours en discussions avec la France et d’autres pays sur cette question ».

À Paris, le ministère français de la Défense s’est borné à indiquer que « la formation sur le sol ukrainien fait partie des chantiers discutés depuis la conférence sur le soutien à l’Ukraine réunie par le Président de la République [Emmanuel Macron] le 26 février dernier », sans confirmer l’envoi d’instructeurs.  

Sur le terrain, les forces russes ont continué à progresser, revendiquant la prise de deux nouvelles localités dans l’est de l’Ukraine.  

Une nouvelle frappe sur une zone industrielle de Kharkiv a tué une femme lundi, selon le gouverneur de la région.

Au sud, au moins trois personnes ont été tuées et six autres blessées dans une frappe russe sur Snigourivka, un village de la région méridionale de Mykolaïv, a annoncé son gouverneur.

La Russie ne cesse depuis le début du mois de mai de grignoter du terrain en Ukraine. Elle a pour cela recruté à tour de bras en proposant des soldes attractives et mobilisé l’industrie militaire pour soutenir son effort de guerre.