(Moscou) Les régions russes frontalières de l’Ukraine ont subi de nouvelles frappes samedi en plein scrutin présidentiel, des attaques qui ont fait au moins deux morts et auxquelles Vladimir Poutine, promis à une réélection triomphale, a juré de répliquer.

À Belgorod, une ville très proche de l’Ukraine et souvent prise pour cible, « deux personnes sont mortes, un homme et une femme », a déclaré le gouverneur de la région du même nom, Viatcheslav Gladkov, ajoutant que huit roquettes avaient été abattues.

Selon lui, l’homme a péri lorsque son camion a été touché et la femme a été tuée sur un parking. Le fils de cette dernière a été grièvement blessé et les médecins « se battent pour sa vie ». Deux autres personnes ont été blessées.

Une vidéo, diffusée sur les réseaux sociaux, montre une forte explosion sur un lieu de stationnement, une des voitures garées étant projetée par la force du souffle.

En raison de ces attaques, les centres commerciaux de Belgorod resteront fermés pendant deux jours, comme les écoles de la ville et de plusieurs districts.

Le gouverneur a annoncé dans l’après-midi que quinze autres roquettes avaient encore été abattues par la défense antiaérienne à leur approche de cette cité.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TELEGRAM DU GOUVERNEUR DE LA RÉGION DE BELGOROD VIA REUTERS

Un appartement endommagé à la suite d’une attaque de missile ukrainien à Belgorod, le 16 mars.

Vendredi, le président Poutine avait assuré que les attaques ukrainiennes sur le territoire russe ne resteraient pas « impunies ».

L’Ukraine promet depuis des mois de porter le conflit de l’autre côté de la frontière, en réponse à l’offensive et aux bombardements qui lui sont infligés depuis plus de deux ans.

Ces dernières semaines, les raids aériens se sont intensifiés et des combattants, se présentant comme des Russes opposés à Vladimir Poutine, disent effectuer des incursions armées.

L’armée russe a dit samedi avoir repoussé des tentatives d’infiltration de groupes en provenance d’Ukraine dans la région de Belgorod.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a souligné samedi que M. Poutine était « constamment informé » par les responsables militaires de la situation à la frontière et affirmé que de nouvelles tentatives d’infiltration de « groupes ukrainiens de sabotage et de reconnaissance » avaient été mises en échec dans la nuit.

« Nos régions souffrent »

Ces assauts se produisent à un moment où le Kremlin veut, avec la présidentielle qui a commencé vendredi et s’achèvera dimanche, afficher l’image d’une Russie unie derrière son chef.  

Dans un bureau de vote de Saint-Pétersbourg, la ville natale de Vladimir Poutine, la grande majorité des électeurs rencontrés par l’AFP exprimaient leur soutien au président sortant.  

PHOTO MIKHAIL METZEL, ASSOCIATED PRESS

Le président russe Vladimir Poutine a voté vendredi par voie électronique.

« Personne ne peut encore le remplacer. C’est pour ça que je le choisis », a déclaré Konstantin, 46 ans.

Pour Lioubov Piankova, une retraitée de 70 ans, « les actions que l’Occident nous inflige ne font qu’unir davantage le peuple russe ».

Le résultat du scrutin ne fait aucun doute, l’opposition ayant été éradiquée.

Mais le processus électoral a été émaillé d’un certain nombre de dégradations dans des bureaux de vote.

IMAGE TIRÉE D’UNE VIDÉO OBTENUE PAR REUTERS

Un feu a été allumé dans un isoloir, le 15 mars à Moscou.

Dès vendredi, une quinzaine de personnes avaient été interpellées dans plusieurs régions pour avoir versé du colorant dans des urnes, lancé un cocktail Molotov sur un bureau de vote ou mis le feu à un isoloir.

Certaines d’entre elles risquent jusqu’à cinq ans de prison pour obstruction du processus électoral, selon les autorités.

Samedi, une femme a été appréhendée pour avoir versé un liquide vert dans une urne à Kaliningrad, ont fait savoir les autorités de ce territoire russe enclavé dans l’Union européenne. Une autre a été arrêtée pendant qu’elle « tentait d’introduire » de la peinture verte dans un bureau de vote d’Ekaterinbourg, dans l’Oural, selon l’agence de presse Tass.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Un homme a voté à Simferopol, la capitale de la Crimée, le 16 mars.

La substance injectée dans des urnes ressemble à la « zelionka », un antiseptique chirurgical qui a été utilisé au cours d’agressions contre des opposants russes, dont Alexeï Navalny, ces dernières années.

Les mobiles précis de ces actes ne sont pas connus. La présidente de la commission électorale, Ella Pamfilova, a affirmé que leurs auteurs agissaient pour de l’argent promis par « des salauds, de l’étranger ».

Ces incidents ont en tout cas conduit à un renforcement des mesures de sécurité dans les bureaux de vote en Crimée, ont précisé les autorités de cette péninsule annexée, à l’agence de presse Ria Novosti.  

Le scrutin se déroule en effet dans les territoires ukrainiens occupés, ce que Kyiv dénonce.  

Des médias d’État ont à cet égard diffusé des images du vote à Avdiïvka, une ville de l’est de l’Ukraine récemment conquise par les Russes.

« On est tous habitués à l’idée que tout est déjà décidé pour nous, on ne peut rien y faire », a commenté, dans un bureau de vote de Moscou, Nadejda, 23 ans.

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Elle a expliqué qu’elle était allée voter car, sinon, elle aurait eu « des problèmes » avec son employeur.

À chaque élection en Russie, les administrations et les entreprises publiques sont accusées par les ONG spécialisées, l’opposition et des médias, d’orchestrer le vote de leur personnel, sous peine de sanctions.

Selon le média indépendant russe The Bell, classé « agent de l’étranger », la compagnie aérienne russe Aeroflot a ainsi forcé son personnel à se rendre aux urnes.