(Ryki) Les agriculteurs polonais ont ouvert mardi deux wagons de marchandises ukrainiens à la frontière et déversé des céréales sur les rails, selon la police, ce qui a provoqué la colère de Kyiv.

Les agriculteurs empêchent les camions ukrainiens d’entrer en Pologne pour protester contre ce qu’ils considèrent une « concurrence déloyale », créant des tensions entre les deux voisins.

Les agriculteurs polonais ont lancé ce nouveau mouvement de protestation en bloquant une centaine de routes et les points de passage frontaliers, pour dénoncer notamment les importations agroalimentaires ukrainiennes jugées « incontrôlées » et réclamer une révision des règles européennes.

Ces actions s’inscrivent dans un large mouvement de protestations d’agriculteurs à travers le continent européen à l’égard d’importation de produits moins chers.

« Un groupe d’agriculteurs s’est engagé sur la voie ferrée qui longe la route bloquée et est resté […] quelques minutes. Il n’y a pas eu de recours à la force. On a constaté le déversement d’une petite quantité de céréales sur les voies », a indiqué à l’AFP la porte-parole de la police de Przemysl.  

La Pologne soutient fermement l’Ukraine dans sa lutte contre l’invasion russe, mais les protestations des agriculteurs polonais mécontents ont suscité la colère des autorités ukrainiennes.

PHOTO JAKUN ORZECHOWSKI/AGENCJA WYBORC, FOURNIE PAR REUTERS

Réagissant à l’incident à Medyka (localité polonaise à la frontière avec l’Ukraine), le ministre ukrainien de l’Agriculture, Mykola Solsky, a déclaré que Kyiv « condamnait fermement de telles formes de protestation », ajoutant que le wagon de marchandises transportait du maïs à destination de l’Allemagne.  

« Entraver le commerce de l’Ukraine avec d’autres pays du monde est inacceptable et va à l’encontre des objectifs communs ukraino-polonais », a déclaré M. Solsky dans un communiqué.  

Le secteur agricole de l’Ukraine a été bouleversé par l’invasion russe, avec de nombreux sites d’exportation par la mer Noire bloqués et des terres agricoles rendues inutilisables par la guerre.  

Le ministre ukrainien des Infrastructures, Olexandre Koubrakov, a qualifié l’incident céréalier de « provocation politique visant à diviser nos nations ».  

« Depuis deux ans, les agriculteurs ukrainiens récoltent des céréales vêtus de gilets pare-balles, sous les tirs de roquettes et la menace des mines », a déclaré M. Koubrakov sur X, ajoutant que la sécurité alimentaire mondiale « dépend des céréales ukrainiennes ».  

Mardi, le groupe des chemins de fer ukrainiens a aussi dénoncé cette action, se déclarant, dans un communiqué, « scandalisé par les actions des manifestants polonais », appelant à la « fin des actions illégales ».

La veille, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé que le blocus de la frontière polonaise par des camionneurs et des agriculteurs polonais témoignait de « l’érosion de la solidarité » envers son pays.  

 « Échec total »

Des dizaines de tracteurs ont afflué à Ryki, à 100 kilomètres au sud-est de Varsovie, d’où ils sont partis pour bloquer la voie rapide S17 menant vers la ville de Lublin et plus loin vers la frontière avec l’Ukraine.  

Arrivés sur la S17, ils ont rejoint des centaines d’autres agriculteurs et leurs tracteurs, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Les agriculteurs ont arboré sur leurs véhicules des drapeaux blanc et rouge de la Pologne, avec des pancartes sur lesquelles on pouvait notamment lire : « Stop à l’afflux incontrôlé de marchandises ukrainiennes » ou « l’agriculture meurt lentement ».

« Je suis là pour qu’on abandonne les restrictions introduites par l’Union européenne sur la mise en jachère, et le Pacte vert, et surtout pour que ces produits ukrainiens cessent d’affluer », déclare à l’AFP Tomasz Golak, propriétaire d’une quinzaine d’hectares abritant une ferme animale et des champs de céréales.

« Cette année, le blé se vend la moitié du prix de l’année dernière », insiste-t-il.

Selon un autre agriculteur, Michal Magnuszewski, il s’agit d’un « échec total » des politiques européennes.

« Comment peut-on ouvrir la frontière à quelque chose qui n’est nullement contrôlé ? Nous, quand on transporte quelque chose à l’étranger on passe des centaines de contrôles différents alors que là, rien du tout, ça arrive ici et c’est tout », se plaint-il.

Le trafic routier avec la Pologne a été depuis le début de cette guerre crucial pour permettre aux entreprises ukrainiennes de continuer à exporter. Mais cette situation a provoqué la colère des agriculteurs et des entreprises de transport polonais, qui se plaignent des tarifs ukrainiens, avec lesquels ils ne peuvent rivaliser.