(Nanterre) Les violences se sont poursuivies dans la nuit de mercredi à jeudi en France, surtout en région parisienne, où Nahel, 17 ans, a été tué par un policier après un refus d’obtempérer.

Ce qu’il faut savoir

  • Un adolescent de 17 ans a été tué par un policier mardi lors d’un contrôle routier près de Paris ;
  • Dans un premier temps, des sources policières avaient affirmé que le véhicule avait foncé sur les deux motards ;
  • Une vidéo virale sur l’internet a montré qu’un des deux policiers tenait le conducteur en joue, puis qu’il a tiré à bout portant lorsque la voiture a redémarré ;
  • Les circonstances de sa mort ont suscité émotion et colère à Nanterre, ville où résidait l’adolescent ;
  • Le président français Emmanuel Macron a jugé mercredi « inexplicable » et « inexcusable » le décès de Nahel ;
  • Des affrontements avec la police se sont poursuivis dans la nuit de mercredi à jeudi ;
  • La mère de la victime a appelé à une marche blanche jeudi après-midi à Nanterre.

La situation a commencé à se tendre une fois 23 h (17 h heure de l’Est) passées à Nanterre, à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Paris dans le département des Hauts-de-Seine, où l’adolescent a été tué par balle mardi.

PHOTO GEOFFROY VAN DER HASSELT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un résidant de Nanterre observe les manifestations nocturnes à distance.

Plus d’une dizaine de voitures et des poubelles ont été incendiés et des barrières placées sur la route, selon des journalistes de l’AFP sur place. Les mots « Justice pour Nahel » et « Police tue » ont été tagués sur la façade d’un immeuble.

Des affrontements avec la police étaient en cours vers 1 h (19 h [heure de l’Est] mercredi) dans une cité de la ville, déjà théâtre de heurts entre habitants et forces de l’ordre la veille. Des tirs de gaz lacrymogènes répondaient à des jets de pavés.

Dans le même département, à Clamart, une rame de tramway a été incendiée, selon une source policière.  

Une vingtaine de communes de Seine–Saint-Denis, département au nord-est de Paris, ont recensé des incidents, a indiqué une source policière selon laquelle des groupes de moins d’une centaine de personnes très mobiles sont à chaque fois actifs sur place. Des villes plutôt tranquilles sont concernées.  

PHOTO GEOFFROY VAN DER HASSELT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des policiers tentent de contrôler les manifestants à Nanterre.

La préfecture de police a fait état de 77 interpellations peu avant 2 h (20 h heure de l’Est).

Dans l’Essonne, au sud de la capitale, un groupe de personnes a mis le feu à un bus vidé de ses passagers vers 21 h (15 h heure de l’Est), a-t-on appris de source policière.

Des heurts ont aussi éclaté dans un quartier animé de Toulouse (sud-ouest). D’épaisses fumées noires se dégageaient du secteur, en raison notamment d’un fourgon en feu, a constaté un journaliste de l’AFP.

Des tensions ont été rapportées dans d’autres régions des quatre coins du pays, comme à Lyon (est), où les forces de l’ordre ont été visées par des mortiers d’artifices.

Parfois, comme à Saint-Etienne (est), Lille (nord) et Rennes (nord-ouest), les incidents ont eu lieu en marge de rassemblements de soutien à un mouvement écologiste récemment dissous par le gouvernement.

« Images choquantes »

La mort de Nahel a suscité une forte émotion en France, du chef de l’État Emmanuel Macron au capitaine de l’équipe de France de football Kylian Mbappé.

Députés et membres du gouvernement ont observé en début d’après-midi une minute de silence à l’Assemblée nationale, en hommage à l’adolescent.  

Dans un premier temps, des sources policières avaient affirmé qu’un policier avait tiré lorsqu’un véhicule avait foncé sur deux motards de police mardi.

PHOTO GONZALO FUENTES, REUTERS

Mais selon une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux et authentifiée par l’AFP, un des deux policiers tenait le conducteur en joue et a tiré à bout portant quand la voiture a redémarré. On y entend « tu vas te prendre une balle dans la tête », sans que l’on puisse identifier l’auteur de cette phrase.

Atteint au thorax, Nahel M. est décédé peu après.

« Les images choquantes […] montrent une intervention qui n’est manifestement pas conforme aux règles d’engagement de nos forces de l’ordre », a estimé la première ministre Elisabeth Borne, tandis que le président Macron a dénoncé un acte « inexplicable » et « inexcusable ».

Les principaux syndicats de police ont fustigé les déclarations de l’exécutif, en mettant l’accent sur la « présomption d’innocence ».

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a, lui, annoncé la mobilisation dans la soirée de 2000 membres des forces de l’ordre à Paris et en proche banlieue, 800 de plus que la nuit précédente.

« Mal à ma France »

La mère de Nahel a appelé à une marche blanche jeudi à 14 h (12 h) devant la préfecture des Hauts-de-Seine.

Cette affaire a relancé la controverse sur l’action des forces de l’ordre en France, où un nombre record de 13 décès a été enregistré en 2022 après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers.  

« J’ai mal à ma France. Une situation inacceptable », a notamment écrit le joueur de soccer vedette du Paris–Saint-Germain (PSG) Kylian Mbappé, sur Twitter.

« Qu’une justice digne de ce nom honore la mémoire de cet enfant », a aussi tweeté l’acteur Omar Sy.

Le policier soupçonné du tir mortel, âgé de 38 ans, est interrogé par l’Inspection générale de la police nationale dans le cadre d’une enquête ouverte pour homicide volontaire. Sa garde à vue a été prolongée, a-t-on appris mercredi auprès du parquet de Nanterre.  

Le drame a également provoqué de nombreuses réactions de responsables politiques.

« Assez ! Ces meurtres engagent l’autorité de l’État ! Cette police doit être entièrement refondée, ses meurtriers punis », a tweeté le leader de La France insoumise (gauche radicale) Jean-Luc Mélenchon.  

Les représentants du Rassemblement National (extrême droite) Jordan Bardella et Sébastien Chenu ont invoqué une « tragédie » et demandé à respecter « le temps de l’enquête », ainsi que « la présomption d’innocence ».