(Paris) Hassan Diab, sociologue canado-libanais, sera bientôt fixé sur son sort. Entre le 3 et le 21 avril, il sera jugé pour un attentat commis à Paris le 3 octobre 1980. Il clame son innocence et ne sera pas présent à son procès, plus de quatre décennies après les faits.

Absent. Alors qu’il encourt la réclusion criminelle à perpétuité, Hassan Diab ne viendra pas répondre aux questions de la cour d’assises, à Paris.

Le docteur en sociologie canado-libanais, longtemps professeur à l’Université Carleton, à Ottawa, est accusé d’être l’auteur d’un attentat à la bombe ayant fait 4 morts et 46 blessés, le 3 octobre 1980, à Paris. Quarante-trois ans après cette attaque terroriste, Hassan Diab est le seul suspect que les autorités françaises ont décidé de poursuivre. L’enquête qui entoure cet attentat n’a pas été facile à mener.

Le vendredi 3 octobre 1980 était jour de fête. À la synagogue de l’Union libérale israélite de France, au 24, rue Copernic, dans le 16e arrondissement de Paris, on fête la Simha Torah. Les fidèles chantent et dansent autour du livre sacré.

À 18 h 38, un souffle et un bruit sourd. Une explosion. Trois personnes meurent sur le coup. Une autre succombe deux jours plus tard à l’hôpital. Dans la sacoche d’une moto garée en face de la synagogue, quelqu’un a placé une bombe. Le cerveau derrière cet explosif semble, sur le moment, n’avoir laissé aucune trace.

Très vite, l’aspect antisémite de l’attaque est montré du doigt. Quelques mois plus tôt, le 27 juillet 1980, c’est à Anvers, en Belgique, que cette haine s’est exprimée. Un homme avait lancé deux grenades sur un groupe d’écoliers juifs. Un jeune garçon avait trouvé la mort. Le Parlement israélien, la Knesset, s’apprêtait alors à adopter une loi faisant de Jérusalem « une et indivisible », la capitale d’Israël.

PHOTO LARS HAGBERG, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le procès d’Hassan Diab aura lieu du 3 au 21 avril 2023.

À Anvers comme à Paris, la piste d’une attaque menée par un commando palestinien s’est donc vite imposée. C’est le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) qui est au centre des attentions. Ni le FPLP ni aucune autre organisation armée palestinienne n’a jamais revendiqué l’attaque de la rue Copernic.

Un passeport et une moto

En décembre 1980, les Allemands font savoir aux services français que « l’individu qui a procédé à l’achat de la moto sur laquelle ont été placés les explosifs est un Libanais connu à Beyrouth sous le nom d’emprunt de AMER, mais qui se nomme en réalité HASSAN ».

En 1981, un homme est arrêté à l’aéroport de Rome. Soupçonné d’être un membre du FPLP, il voyage avec un passeport qui ne lui appartient pas et qui porte le nom d’Hassan Naim Diab, né en 1953 à Beyrouth.

À l’intérieur du passeport : plusieurs visas et un tampon d’entrée sur le territoire espagnol, le 18 septembre 1980. La date de sortie est notée au 7 octobre de la même année. Cette présence supposée d’Hassan Diab en Europe constitue, pour la France, l’une des preuves de son implication dans l’attentat.

Pendant 18 ans, l’enquête avance à peine. En 1999, un nouveau juge d’instruction, Marc Trévidic, hérite du dossier. Ce magistrat apprend qu’Hassan Diab a fait une demande de passeport auprès des autorités libanaises en mai 1983, déclarant alors son ancien document perdu en avril 1981.

Petit à petit, le nom de cet universitaire, émigré aux États-Unis, puis au Canada – dont il obtient la nationalité en 1993 – s’installe dans le dossier. Mais il n’est pas entendu ni mis en examen.

En 2007, Hassan Diab donne une interview au journal français Le Figaro. Il assure : « Je suis victime d’une nouvelle homonymie sans fondement. […] J’ai dit aux autorités : si vous voulez chercher quelque chose, faites-le ouvertement. »

Les enquêteurs français amassent des éléments qui mènent vers le sociologue. Ils repartent de l’achat de la moto dans laquelle était cachée la bombe. Celle-ci a été vendue à un certain Alexander Panadriyu, le 23 septembre 1980. Le même homme a dormi dans un hôtel non loin de la rue Copernic. Là, il a signé une fiche d’inscription.

Dans les portraits-robots de cet homme, les enquêteurs croient reconnaître les traits d’Hassan Diab. Surtout, ils misent sur une analyse de la fiche d’hôtel pour comparer cette écriture avec celle de leur suspect numéro 1.

Une expertise est menée. Elle conclut à une similitude entre les deux écrits. Hassan Diab, lui, soutient fermement qu’il était au Liban le jour de l’attentat.

Un non-lieu, puis un nouveau procès

Sur la base de cette expertise, entre autres, la France demande officiellement au Canada l’extradition d’Hassan Diab. Le ressortissant canadien est confié à la France le 14 novembre 2014.

Dans sa décision d’extradition, le juge Robert Maranger écrit : « L’absence d’éléments de preuve convaincants dans le dossier d’extradition me permet de dire que le dossier monté par la République de la France contre M. Diab est faible ; la perspective d’une condamnation dans le contexte d’un procès équitable semble peu probable. »

Après plus de trois ans – et alors qu’Hassan Diab est en détention provisoire –, les juges d’instruction rendent une ordonnance de non-lieu, en janvier 2018. Libre, Hassan Diab s’empresse de retourner au Canada.

En France, la cour d’appel de Paris a finalement décidé de rejeter le non-lieu et de juger Hassan Diab. Une décision confirmée par la Cour de cassation, plus haute juridiction française, le 19 mai 2021.

« C’est très remarquable, cela prouve que la justice française n’a jamais abandonné pour trouver les coupables de cet attentat », note MBernard Cahen, avocat de la synagogue et de familles de victimes. Ses clients « espèrent une condamnation, mais n’ont pas un esprit de vengeance », souligne-t-il.

À la veille de ce procès qui durera trois semaines, par la voix de son avocat français, MWilliam Bourdon, l’accusé « proteste de son innocence avec force, depuis le premier jour ». Devant « un enjeu énorme », il aborde cette audience à la fois « anxieux et confiant ».

Côté canadien, l’avocat qui le conseille, MDon Bayne, estime que « les preuves, comme le notent les juges d’instruction, montrent qu’[Hassan] Diab est innocent ». Il détaille : « Des témoins et des documents démontrent qu’il était à Beyrouth pour passer des examens entre le 22 septembre et le 3 octobre 1980. […] La recherche d’un coupable pour cet attentat ne justifie pas la création d’un bouc émissaire pour satisfaire les victimes. »

L’affaire de la rue Copernic en quelques dates

3 octobre 1980 : Une bombe explose en face de la synagogue de la rue Copernic, dans le 16e arrondissement parisien. Quatre personnes meurent et une quarantaine sont blessées.

1999 : Le juge d’instruction Marc Trévidic reprend le dossier et accélère l’enquête. Hassan Diab, docteur en sociologie canado-libanais, est suspecté.

7 novembre 2008 : La France demande officiellement au Canada l’extradition d’Hassan Diab.

14 novembre 2014 : Hassan Diab est extradé vers la France à la suite d’un long processus judiciaire. Il est incarcéré en région parisienne. Il y reste plus de trois ans.

12 janvier 2018 : Deux juges d’instruction rendent une ordonnance de non-lieu en faveur d’Hassan Diab, qui retourne au Canada trois jours plus tard.

27 janvier 2021 : La cour d’appel de Paris ordonne qu’un procès ait lieu à l’encontre d’Hassan Diab.

19 mai 2021 : La Cour de cassation, plus haute juridiction française, confirme la décision de la cour d’appel.

Du 3 au 21 avril 2023 : Procès d’Hassan Diab à Paris.