(Moscou) Vladimir Poutine était en Crimée samedi pour le 9e anniversaire de l’annexion de cette péninsule ukrainienne par la Russie, un déplacement surprise au lendemain de l’émission d’un mandat d’arrêt international à l’encontre du président russe.

Il s’agit du premier voyage du maître du Kremlin en Crimée depuis le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine le 24 février 2022, qui a valu à la Russie une série de sévères sanctions internationales, ajoutées à celles déjà imposées suite à l’annexion de 2014.

Arrivé à Sébastopol, port d’attache de la flotte russe de la mer Noire en Crimée, M. Poutine a notamment assisté à la cérémonie d’inauguration d’une école des arts pour enfants en compagnie du gouverneur local, Mikhaïl Razvojaïev, selon les images diffusées par la chaîne de télévision publique Rossia-1.

PHOTO SPUTNIK VIA REUTERS

Vladimir Poutine a visité une école des arts pour enfants à Sébastopol.

Cette ville n’étant située qu’à environ 240 km de Kherson, une cité méridionale ukrainienne reprise par l’armée de Kyiv en novembre après le retrait des forces russes, ce déplacement de M. Poutine est aussi le premier effectué dans un endroit si proche de la ligne de front.  

« Notre président Vladimir Vladimirovitch Poutine sait surprendre. Dans le bon sens de ce mot », a écrit sur Telegram M. Razvojaïev.

Selon lui, une école des arts pour enfants devait être inaugurée samedi avec une participation du dirigeant russe par visioconférence.

« Journée historique »

« Mais Vladimir Vladimirovitch est venu en personne. Lui-même. Au volant. Parce que lors d’une journée historique comme aujourd’hui, il est toujours avec Sébastopol et ses habitants », a affirmé Mikhaïl Razvojaïev.

« Notre pays a un dirigeant incroyable ! », s’est-il enthousiasmé.

La Russie a annexé la Crimée le 18 mars 2014, à la suite d’un référendum non reconnu par Kyiv et la communauté internationale.

Si le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé en janvier qu’il entendait reprendre la Crimée — « notre terre » — avec des armes, Moscou ne cesse de marteler que la « Crimée est russe », en refusant d’en faire l’objet d’éventuelles négociations de paix.

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky

Vladimir Poutine, dont la dernière visite en Crimée remonte à novembre 2021, est visé depuis vendredi par un mandat d’arrêt émis à son encontre par la Cour pénale internationale (CPI), qui l’accuse de crime de guerre de « déportation illégale » d’enfants ukrainiens.

Le Kremlin a jugé « nul et non avenu » ce mandat, dont l’émission a été annoncée le même jour où Moscou et Pékin ont dévoilé la visite du dirigeant chinois Xi Jinping en Russie la semaine prochaine, censée ouvrir une « nouvelle ère » dans les relations entre deux alliés.

Cette visite aura lieu du 20 au 22 mars, un peu plus d’un an après le lancement de l’offensive russe en Ukraine qui a conduit le Kremlin à se réorienter vers la Chine, sur fond de tensions avec l’Occident qui soutient l’Ukraine.

Le mois dernier, la Chine a cherché à s’imposer comme médiateur dans le conflit ukrainien en publiant un document exhortant Moscou et Kyiv à tenir des pourparlers de paix.

Deux tués dans des frappes à Kramatorsk

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Une femme est morte dans un parc sur place des suites de ses blessures causées par des éclats de munitions, ont constaté les journalistes de l’AFP.

Deux personnes ont été tuées et huit blessées par des frappes russes avec « des armes à sous-munitions » samedi après-midi à Kramatorsk, dans l’est de l’Ukraine, a annoncé le maire de la ville.

« La Russie continue de faire régner la terreur. Conséquences du bombardement de Kramatorsk avec des armes à sous-munitions : 2 personnes ont été tuées et 8 blessées, dont 3 grièvement », a indiqué le maire Alexander Gontcharenko, sur sa page Facebook.

Une douzaine de bâtiments résidentiels et 14 équipements municipaux ont été endommagés, a-t-il précisé.

Des journalistes de l’AFP ont entendu une dizaine d’explosions quasi simultanées peu avant 16 h et vu de la fumée s’élever dans un parc dans le sud de la ville.

Peu après, une autre dizaine d’explosions du même type a été entendue dans un quartier d’habitations à environ 2 km de la première frappe.

Dans le parc, une femme est morte sur place des suites de ses blessures causées par des éclats de munitions, ont constaté les journalistes de l’AFP.

Dans le quartier d’habitation, une chauffeuse de taxi a été grièvement blessée.

« Elle était venue me voir brièvement et s’apprêtait à partir. Je lui ai dit au revoir, j’ai fermé la porte et quelques secondes plus tard, j’ai entendu les explosions », a raconté à l’AFP Lena, chez qui la chauffeuse de taxi était.

« J’ai couru dehors et je l’ai vue allongée sur le sol près de la clôture, en train de saigner. Nous avons appelé l’ambulance […] C’est effrayant. J’ai eu la chance d’être à l’intérieur avec ma fille quand tout s’est passé », a ajouté cette femme de 46 ans.

Devant le portail d’entrée de la maison où elle était garée, la voiture rouge du taxi est criblée d’éclats de munitions, les roues sont crevées et les vitres cassées, a constaté l’AFP.

C’est la deuxième fois cette semaine que la ville est ciblée par des frappes russes. Mardi, un bombardement dans le centre a fait un mort et trois blessés et six immeubles résidentiels ont été endommagés.

Le 1er février, un bombardement y avait fait trois morts.

Ville d’environ 150 000 habitants avant l’invasion russe lancée il y a plus d’un an, Kramatorsk se trouve près de Bakhmout, épicentre des combats depuis des mois.

Régulièrement bombardée par l’armée russe, Kramatorsk joue le rôle de centre régional depuis l’occupation de la ville de Donetsk en 2014 par les forces russes et prorusses.

En avril 2022, un missile russe a touché la gare de la ville, tuant une soixantaine de civils qui cherchaient à fuir la région.

La Russie a revendiqué la région de Donetsk comme son territoire à l’issue de prétendus référendums d’annexion.

« Annulation des poursuites »

Jeudi, le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang, lors d’un entretien téléphonique avec son homologue ukrainien Dmytro Kouleba, a une nouvelle fois exhorté Kyiv et Moscou à reprendre « au plus vite » des pourparlers de paix.

« Nous avons déclaré à plusieurs reprises que nous étions ouverts à des propositions vraiment sérieuses de l’Occident et de l’Ukraine sur un règlement de la crise par des moyens politico-diplomatiques », a déclaré samedi la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.

« Mais la langue des ultimatums est inacceptable pour nous », a-t-elle souligné, réclamant notamment la « levée de toutes les sanctions illégitimes et l’annulation de toutes les poursuites visant la Russie auprès des instances judiciaires internationales ».