(Moscou) Le patron du groupe paramilitaire russe Wagner a annoncé vendredi l’ouverture de 58 centres de recrutement dans 42 villes de Russie, alors qu’il cherche à reconstituer ses troupes qui essuient de lourdes pertes dans l’est de l’Ukraine.

Le groupe Wagner est en première ligne dans la bataille pour la ville ukrainienne de Bakhmout, et son patron, Evguéni Prigojine, a lui-même reconnu que de nombreux combattants de son organisation y avaient été tués.

Sur fond de tensions avec le ministre de la Défense, M. Prigojine s’est plusieurs fois plaint de ne plus pouvoir recruter dans les prisons russes, où Wagner a massivement enrôlé des détenus en échange de réductions de peine.  

Changeant de tactique, il s’est récemment tourné vers les salles de sport pour y ouvrir des points de recrutement afin d’attirer des recrues potentielles.

« Dans 42 villes de la Fédération de Russie, des centres de recrutement pour le compte de Wagner ont ouvert. De nouveaux combattants arrivent là-bas, [ils] nous accompagneront pour défendre leur pays et leurs familles », a déclaré vendredi M. Prigojine dans un communiqué publié par son service de presse.

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Le patron du groupe Wagner, Evguéni Prigojine

Son message était accompagné d’une liste de ces centres de recrutement, dont la majorité semble avoir ouvert dans des salles de sport et des clubs d’arts martiaux.

M. Prigojine n’a toutefois pas précisé combien de combattants contractuels il comptait recruter via ces centres et en combien de temps.

Cette annonce intervient alors que Wagner a essuyé de très lourdes pertes dans les combats qui durent depuis plusieurs mois autour de Bakhmout, une ville du Donbass ukrainien devenue l’épicentre des hostilités avec l’armée de Kyiv.

Pour endiguer une série de revers humiliants sur le champ de bataille l’été dernier, la Russie avait annoncé en septembre la mobilisation de 300 000 réservistes. Parallèlement, le groupe Wagner avait eu l’autorisation de recruter dans les prisons russes plusieurs milliers de combattants, en échange d’une amnistie après six mois passés sur le front.

Mais ces dernières semaines, des tensions entre l’état-major et le patron de Wagner ont éclaté au grand jour, alors que la Russie, à l’offensive dans le Donbass, n’y a connu que de faibles avancées.

Evguéni Prigojine a ainsi multiplié à plusieurs reprises les critiques virulentes à l’encontre de la hiérarchie militaire russe, fustigeant tour à tour son inefficacité, sa lenteur et ses mauvaises décisions en Ukraine.

Il a accusé les autorités de ne pas fournir les munitions nécessaires à ses hommes, et le ministre de la Défense et le chef de l’armée de vouloir détruire son groupe Wagner.

« Malgré la résistance colossale des forces armées ukrainiennes, nous avancerons. Malgré les bâtons qui nous sont mis dans les roues […], nous surmonterons cela ensemble », a-t-il juré vendredi.

En dépit des désaccords entre Wagner et l’armée, les forces russes ont progressé ces derniers jours autour de Bakhmout, menaçant d’encercler cette ville que les Ukrainiens continuent de défendre avec acharnement.

Trois soldats ukrainiens condamnés par les séparatistes prorusses

Les séparatistes prorusses de l’est de l’Ukraine ont condamné à de lourdes peines de prison trois militaires ukrainiens qu’ils accusaient d’avoir commis des « violences envers des civils », a annoncé vendredi le Comité d’enquête russe.

Capturés pendant l’offensive russe en Ukraine, Viktor Pokhozeï, Maxime Boutkevitch et Vladislav Chel ont été reconnus coupables de « violence envers la population civile » et de « recours à des méthodes interdites lors d’un conflit armé », a indiqué dans un communiqué cette instance chargée des principales investigations en Russie.

M. Boutkevitch et M. Chel, également reconnus coupables de tentative d’assassinat sur plusieurs personnes, ont écopé respectivement de 13 et 18 ans et demi de réclusion. M. Pokhozeï a été condamné à 8 ans et demi de prison.

Ces peines ont été prononcées par les « cours suprêmes » des territoires séparatistes prorusses de Donetsk et de Louhansk, contrôlés par Moscou qui en a revendiqué l’an dernier l’annexion, non reconnue par la communauté internationale.

Militant ukrainien des droits de l’homme et fondateur de la radio indépendante Hromadske Radio, Maxime Boutkevitch a rejoint l’armée ukrainienne en mars 2022, peu après le début de l’offensive russe en Ukraine.

Les enquêteurs russes l’ont accusé d’avoir blessé deux civils après avoir tiré avec un lance-grenades antichar sur un immeuble résidentiel à Sievierodonetsk, ville conquise par l’armée russe en juin dernier dans la région de Louhansk.

Pour sa part, M. Pokhozeï, l’un des commandants du régiment Azov, notamment composé de nationalistes ukrainiens et qui s’est illustré dans la défense de la ville de Marioupol, conquise par les Russes après un siège dévastateur de plusieurs mois, a été accusé d’avoir frappé une civile avec son fusil.

Lui aussi combattant du régiment Azov, Vladislav Chel a été accusé d’avoir ouvert le feu sur un civil « avec l’objectif d’intimider des civils » dans un immeuble résidentiel à Marioupol.

Réagissant à ces condamnations, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a dénoncé « un faux procès » qui « visait à légaliser un nouveau massacre politique de citoyens ukrainiens ».

« Les peines prononcées sont illégales, et nulles et non avenues », a-t-il ajouté dans un communiqué, appelant la communauté internationale à « condamner » le procès et « exiger » auprès de Moscou la libération des trois soldats ukrainiens condamnés.