Même si plus de 60 000 personnes avaient déjà défilé devant le corps du défunt pape Benoît XVI uniquement pour la journée de lundi, plusieurs constatent que ces funérailles sont déjà différentes des précédentes.

« Les gens nous demandent des objets à l’effigie de Jean-Paul II, mais beaucoup moins du pape Benoît XVI », constate depuis les derniers jours Raffaella Cinà, une employée d’un magasin de souvenirs religieux, à côté du Vatican.

« C’est un autre sentiment », dit celle qui se souvient des obsèques de Jean-Paul II, qui avaient attiré un million de personnes au Vatican en 2005.

Généralement, quand un pape meurt, de nombreuses personnes viennent ici […], mais nous avons vu seulement une petite hausse de clientèle.

Raffaella Cinà, employée d’un magasin de souvenirs religieux près du Vatican

PHOTO ROMAIN CHAUVET, COLLABORATION SPÉCIALE

L’étalage du magasin où travaille Raffaelle Cinà

Pourtant, son magasin s’est préparé rapidement après l’annonce de la mort du pape Benoît XVI samedi. À l’entrée, un stand spécifiquement dédié au défunt pape a été mis en place. Chapelets, porte-clés, timbres, plusieurs articles à l’effigie de Benoît XVI y sont offerts, mais peu de fidèles en achètent.

« Le pape le plus populaire dans les dernières années reste Jean-Paul II. Il était proche des gens, alors que Benoît XVI n’a pas vraiment été un pape chaleureux », dit Raffaella Cinà, en espérant que les funérailles de jeudi attireront plus de monde sur la place Saint-Pierre.

Une atmosphère différente

« La popularité y est pour beaucoup », croit aussi Mountain Butorac, lorsqu’on lui demande s’il y a des différences avec les funérailles de 2005. À cette époque, cet Américain, très croyant, vivait encore à Atlanta et avait décidé de prendre un vol immédiatement pour le Vatican.

« Pour voir la dépouille de Jean-Paul II, certains fidèles ont attendu plus de sept heures et n’ont pas pu y accéder », se rappelle-t-il, en expliquant avoir dû dormir dans la rue toute la nuit pour être certain d’assister aux funérailles.

Il pense que celles de jeudi seront bien différentes de ce qu’il a connu. « Ces funérailles attireront du monde, mais seulement comme lors de la messe de Pâques, par exemple. C’est difficile de le dire, mais beaucoup de gens l’ont oublié. Son décès n’a donc pas vraiment été un choc », explique celui qui organise des pèlerinages depuis près de 20 ans.

La renonciation historique de Benoît XVI en 2013 pourrait être une des raisons de ce peu d’engouement, pense le père Christopher Pearson, venu spécifiquement du Royaume-Uni pour les funérailles.

Si le pape n’est pas sous les projecteurs, alors les gens passent à autre chose.

Le père Christopher Pearson

« L’atmosphère est étrange en ce moment. Il y a beaucoup de touristes. Je marchais ce matin et leur demandais s’il savait ce qu’il se passait. Certains le savent, d’autres non. »

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Le père Christopher Pearson

Malgré tout, il pense que l’héritage de Benoît XVI ne se traduit pas uniquement par le nombre de fidèles présents au Vatican pour ses obsèques, mais aussi par les actions accomplies par le pape dans le passé, comme l’ouverture de l’Église catholique aux anglicans. « Parfois les gens me demandent comment je suis devenu catholique. Je leur réponds que c’est parce que Benoît XVI nous a invités », explique celui qui a été baptisé dans une Église anglicane.

Un dernier au revoir

Herbert Hofauer connaissait bien Benoît XVI. Mais c’est plutôt sous le nom de Joseph Aloisius Ratzinger qu’il l’a rencontré il y a plus de 40 ans. Ancien maire d’Altötting, petit village allemand situé à proximité du lieu de naissance de Benoît XVI, il avait l’habitude de revenir à Rome le voir chaque année. Mais la visite de l’an dernier a été différente.

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Herbert Hofauer, ancien maire d’Altötting

« Lorsque je l’ai quitté, il m’a dit : “Nous nous reverrons dans un autre monde”, se rappelle-t-il, encore ému. Il parlait faiblement, il n’était pas capable de se lever et de s’asseoir dans son fauteuil, mais son esprit était encore très vivant. On pouvait voir qu’il pensait déjà à Dieu, au paradis. »

Lui aussi est d’avis que la renonciation de Benoît XVI a peut-être eu un effet sur son image et sa popularité. « Je pense que c’est naturel, il a renoncé il y a près de 10 ans », rappelant tout de même que Jean-Paul II a été pape pendant une période beaucoup plus longue.

Herbert Hofauer est venu avec une délégation allemande d’une dizaine de personnes, en vue d’assister aux funérailles de jeudi. Il s’attend à une cérémonie simple, à l’image de Benoît XVI, mais remplie d’émotions. « Ça sera notre dernière rencontre sur terre. »