(Kyiv) L’Ukraine se prépare à l’éventualité d’une escalade brutale de la guerre par la Russie sous la forme d’une offensive hivernale alors que Moscou tente de renverser la vapeur sur le champ de bataille et de limiter la réaction politique sur le plan national, a déclaré dimanche un conseiller principal du président Volodymyr Zelensky.

Malgré les graves revers subis au cours des 10 premiers mois de la guerre, l’armée russe planifie actuellement des attaques massives d’infanterie, semblables aux tactiques employées par l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, a fait savoir le conseiller, Mykhailo Podolyak, dans des réponses écrites à des questions.

Les principaux dirigeants militaires et politiques ukrainiens ont averti, dans une série d’interviews récentes, que la Russie rassemblait des troupes et des armements pour lancer une nouvelle offensive terrestre d’ici le printemps. Celle-ci inclurait très probablement une deuxième tentative de prise de Kyiv, la capitale ukrainienne.

PHOTO LAURA BOUSHNAK, THE NEW YORK TIMES

Des ouvriers installaient un arbre de Noël dans le centre de Kyiv, en Ukraine, samedi.

La Russie a déjà recruté et entraîne des soldats qui pourraient être déployés dans des attaques massives d’infanterie, a déclaré M. Podolyak. Il s’agit de l’une des menaces possibles auxquelles l’Ukraine sera confrontée de la part de la Russie au cours des mois d’hiver, a-t-il ajouté. Les responsables de Kyiv ne voient guère de signes indiquant que le président russe, Vladimir Poutine, cherche à mettre fin à la guerre.

« Les dirigeants politiques russes refusent clairement de reconnaître les défaites tactiques qu’ils ont déjà subies et ils saisissent toutes les chances, même les plus illusoires, de changer la situation en leur faveur », a dit M. Podolyak.

Appel aux partenaires occidentaux

Les responsables ukrainiens ont déclaré qu’ils fondaient leurs évaluations des objectifs de guerre de la Russie sur les conclusions de leurs agences de renseignement militaires et étrangères et sur des consultations avec leurs alliés.

Dans ses commentaires, M. Podolyak a déclaré que l’Ukraine prenait au sérieux le risque d’une nouvelle offensive russe et a souligné que ses alliés devaient également le comprendre. Il a suggéré que les gouvernements occidentaux planifient les futurs transferts d’armes vers l’Ukraine de manière à ce que les équipements soient adaptés aux menaces futures.

« Il est extrêmement important que nos partenaires prennent ces risques tout aussi sérieusement », a-t-il indiqué. « La Russie ne souhaite pas mettre fin à la guerre tant qu’elle n’aura pas subi une défaite militaire importante et qu’elle ne sera pas obligée de se concentrer sur la transformation de sa propre politique interne. »

Le commandant en chef de l’armée ukrainienne, le général Valeriy Zaluzhnyi, a déclaré dans un entretien avec The Economist publié la semaine dernière que l’Ukraine formait et équipait des réserves pour se défendre contre une nouvelle offensive russe qui pourrait survenir en janvier, en février ou en mars.

Les Russes préparent quelque 200 000 nouveaux soldats. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils s’en prendront à nouveau à Kyiv.

Le général Valeriy Zaluzhnyi, commandant en chef de l’armée ukrainienne

Les déclarations des hauts responsables ukrainiens semblent faire partie d’une campagne coordonnée visant à empêcher les alliés de l’Ukraine de se reposer sur leurs lauriers alors que l’armée russe bat de l’aile sur le champ de bataille. Depuis le lancement de son invasion à grande échelle de l’Ukraine en février, la Russie a battu en retraite à trois reprises – du territoire autour de Kyiv, dans la région de Kharkiv dans nord-est et, le mois dernier, dans la région de Kherson, dans le sud.

Les avertissements semblent également être une tentative de contrer les efforts du Kremlin pour persuader les alliés occidentaux de l’Ukraine de faire pression sur Kyiv en vue d’un règlement négocié.

Bombardements d’infrastructures civiles

Parallèlement aux combats sur les lignes de front, la Russie a bombardé des infrastructures civiles dans tout le pays, privant des millions d’Ukrainiens de chauffage, d’eau et d’électricité. Dans son discours nocturne aux Ukrainiens samedi, M. Zelenskyy a déclaré que l’électricité avait été rétablie pour 6 millions de personnes qui avaient perdu le courant après une salve de frappes de missiles vendredi. Le maire de Kyiv, Vitali Klitschko, a déclaré dimanche que les systèmes de chauffage des quartiers endommagés par les frappes avaient été entièrement rétablis.

Les analystes militaires affirment que cette campagne a pour but de démoraliser les Ukrainiens et de pousser le gouvernement ukrainien à un cessez-le-feu qui pourrait donner à la Russie le temps de se regrouper et de se réarmer pour de futures offensives.

Mais les experts qui s’appuient sur des renseignements de source ouverte ont déclaré qu’il est difficile de savoir ce qui se passe dans les bases d’entraînement militaires russes. Le Kremlin a déclaré en septembre qu’il mobiliserait 300 000 soldats supplémentaires et que certains étaient déjà déployés en Ukraine.

Selon M. Podolyak, le type de guerre d’infanterie massive auquel Moscou semble se préparer ne serait pas efficace contre l’arsenal de plus en plus moderne de l’Ukraine, composé d’armes à guidage de précision et de drones de surveillance. Mais il a ajouté que les dirigeants militaires russes s’étaient pliés aux exigences du Kremlin en matière d’avancées sur le terrain pour des raisons de politique intérieure.

Les commandants russes, a-t-il expliqué, « entretiennent avec diligence l’illusion de Poutine sur la possibilité d’une “victoire”, afin, premièrement, de maintenir le pouvoir personnel de Poutine, et deuxièmement, d’éviter une punition sévère pour avoir admis une défaite. »

Dans leur plus récent revers, les forces russes se sont retirées le mois dernier de la ville de Kherson, dans le sud de l’Ukraine, mais restent à portée d’artillerie sur la rive opposée du fleuve Dniepr. Tout au long de la journée de dimanche, les forces russes ont tiré à l’artillerie sur Kherson, blessant trois personnes, a déclaré Kyrylo Timochenko, chef d’état-major adjoint de la présidence ukrainienne, dans un message sur Telegram.

PHOTO DAVID GUTTENFELDER, THE NEW YORK TIMES

Une femme sort de sa maison après qu’une roquette russe s’est abattue sur un quartier résidentiel de Kherson, en Ukraine, samedi.

Dans sa mise à jour matinale sur l’état du champ de bataille dimanche, l’armée ukrainienne a affirmé qu’elle avait repoussé 15 assauts terrestres sur ses positions au cours des dernières 24 heures et que de multiples villes et villages de la ligne de front avaient été visés par l’artillerie russe.

La plupart des attaques ont eu lieu dans la région du Donbas, dans l’est de l’Ukraine, la seule section de la ligne de front où l’armée russe mène régulièrement des attaques offensives. Sur la majeure partie du reste de la ligne de front en forme de croissant dans le sud-est de l’Ukraine, les forces russes sont en position défensive, construisant des fortifications le long de nouvelles lignes après avoir battu en retraite plus tôt cet automne.

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

L’ambassadeur russe accuse Ottawa de démoraliser les soldats sur les réseaux sociaux

L’ambassadeur de Russie au Canada accuse Ottawa de mener une campagne sur les réseaux sociaux dont le but est de démoraliser ses soldats qui combattent en Ukraine. En entrevue avec le média d’État russe, Oleg Stepanov a dénoncé le fait que le ministère canadien des Affaires étrangères publie fréquemment des messages négatifs en lien avec la guerre en Ukraine. Il a particulièrement fustigé une récente série de publications à propos d’hommes russes qui fuient le service militaire. Il a déclaré que le Canada semble diriger un effort des pays occidentaux pour isoler la Russie. Les relations entre Ottawa et Moscou sont tendues depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, en février dernier.

La Presse Canadienne