(Kyiv) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté lundi les pays du G7 à fournir plus d’armes et de gaz à l’Ukraine, au moment où la population de son pays est frappée par l’arrivée de l’hiver, souvent privée de courant et sans chauffage.

« L’Ukraine a besoin de chars modernes », voudrait « de l’artillerie, des canons et des obus », ainsi que « des missiles de longue portée », a listé M. Zelensky au G7 réuni en visioconférence, selon des propos rapportés par la présidence ukrainienne.

Face à ses alliés occidentaux, le dirigeant ukrainien a une nouvelle fois déploré l’avantage militaire de la Russie « en matière d’artillerie et de missiles ». « C’est un fait », a-t-il martelé, pour appuyer sa demande.

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky

Depuis plusieurs mois, les Occidentaux livrent abondamment à Kyiv des armes en tous genres, dont les très précis lance-roquettes Himars américains ou encore les canons Caesar français.

Leur impact sur le champ de bataille a été salutaire pour l’Ukraine, inversant progressivement les rapports de force.

En septembre, les soldats ukrainiens ont forcé les militaires russes à se retirer d’une large partie du Nord-Est, dans la région de Kharkiv. Avant que les Ukrainiens ne chassent début novembre les Russes de la ville méridionale de Kherson, la principale prise de guerre russe depuis fin février.

Plus nous serons efficaces avec de telles armes, plus l’agression russe sera courte.

Volodymyr Zelensky, président ukrainien

« Gaz supplémentaire »

Outre des armes, le président ukrainien a réclamé aux Occidentaux plus de gaz, l’Ukraine faisant face à d’importantes difficultés au plan énergétique à la suite de frappes russes d’ampleur sur l’ensemble de son réseau depuis début octobre.

Selon Kyiv, 40 % des installations nationales essentielles sont aujourd’hui endommagées. De quoi forcer des millions d’Ukrainiens à vivre quotidiennement dans le noir et dans le froid, entre coupures de courant répétées et absence de chauffage.

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Un homme marche avec une lampe de poche dans les rues d’Odessa alors que l’électricité est coupée, le 12 décembre.

« Nous avons besoin d’un soutien supplémentaire, cet hiver. Nous parlons d’un volume d’environ deux milliards de mètres cubes de gaz qui doit être acheté en plus », a-t-il dit.

L’Ukraine a dû « utiliser plus de gaz que prévu » ces dernières semaines, faute de pouvoir utiliser son réseau électrique, mis hors d’état par les multiples frappes de l’armée russe, qui semble déterminée à poursuivre cette stratégie.

Sur le terrain, l’Ukraine est recouverte d’un léger manteau blanc et les températures sont négatives, laissant craindre un nouvel exode vers l’Europe.

Depuis, les autorités ukrainiennes appellent régulièrement la population à « tenir », malgré ces conditions de vie de plus en plus difficiles, notamment dans le Sud et l’Est.

Dans son allocution quotidienne dans la soirée, Volodymyr Zelensky a répété craindre de nouvelles « frappes massives de missiles » russes.

« L’ennemi s’y prépare et peut frapper à tout moment », a-t-il déclaré, estimant que détruire le système énergétique ukrainien était « le dernier espoir » de Moscou.

« Sommet de la paix mondiale »

Volodymyr Zelensky, qui discute très régulièrement avec ses alliés occidentaux, a par ailleurs proposé lundi l’organisation d’un « sommet de la paix mondiale » pour « décider comment et quand nous pouvons mettre en œuvre les points de la formule de paix ukrainienne ».

Il n’a toutefois pas donné plus de détails sur la date à laquelle ce sommet pourrait avoir lieu, ni avec qui exactement et sous quelles conditions.

Mi-novembre, il avait proposé un plan de paix en 10 points, du rétablissement de l’intégrité territoriale au sort des prisonniers, en passant par la sécurité alimentaire de l’Ukraine.

Une initiative balayée d’un revers de la main par le Kremlin, même si Vladimir Poutine a reconnu vendredi qu’un accord serait nécessaire « au final » pour mettre un terme au conflit, tout en exprimant des doutes sur la « confiance » que Moscou peut selon lui accorder à ses interlocuteurs étrangers.

M. Zelensky a appelé lundi le gouvernement russe à « faire un pas concret et significatif vers un règlement diplomatique », à l’approche des fêtes de fin d’année, « un moment où les gens normaux pensent à la paix, pas à l’agression ».

Si la Russie retire ses troupes d’Ukraine, une cessation durable des hostilités sera assurée.

Volodymyr Zelensky, président ukrainien

Au cours de leur sommet virtuel, les dirigeants du G7 se sont accordés sur la mise en place d’une « plateforme » chargée de « coordonner l’aide financière » à l’Ukraine, à la veille d’une conférence sur le même sujet à Paris, autour du président français Emmanuel Macron.

« L’objectif est de construire rapidement cette plateforme avec la participation de l’Ukraine, des institutions financières internationales et d’autres partenaires », a expliqué, lors d’une conférence de presse à Berlin, le chancelier allemand Olaf Scholz, comparant la reconstruction de l’Ukraine au plan Marshall mis en place par les États-Unis pour reconstruire l’Europe après la Seconde Guerre mondiale.

Une nouvelle conférence de soutien à l’Ukraine, sur l’aide d’urgence et la reconstruction du pays à long terme, se tiendra mardi à Paris.

« Nous sommes convaincus que c’est notre unité, notre détermination, qui ont isolé le président russe [Vladimir Poutine] et nous demandons à nouveau à M. Poutine d’arrêter les tueries insensées en Ukraine et de retirer ses troupes », a déclaré M. Scholz, dont le pays présidait cette année le G7.

Déjà présent en Ukraine, le groupe agroalimentaire Nestlé a annoncé vouloir investir 40,5 millions d’euros dans un nouveau site de production dans l’ouest de ce pays, qui « emploiera 1500 personnes ».

Après Zaporijjia, le monde doit « repenser la sûreté nucléaire »

Le monde doit « repenser la sûreté nucléaire », a enjoint le ministre ukrainien de l’Énergie Guerman Halouchtchenko, décrivant les risques encourus à Zaporijjia où la centrale est passée déjà cinq fois à côté de l’accident.

« C’est une question posée à tous les pays du monde », a-t-il dit lundi soir dans un entretien à l’AFP en marge d’un déplacement à Paris pour une conférence de soutien à l’Ukraine.

M. Halouchtchenko vient à la fois demander du matériel pour aider les Ukrainiens à passer l’hiver alors que plus de 40 % de l’infrastructure énergétique ont été démolis ces deux derniers mois, et préparer l’avenir et la reconstruction.

Le pays dépend à plus de 50 % du nucléaire pour sa production d’électricité, et sans intention d’y renoncer.

« Nous avons des projets de nouvelles centrales, des contrats déjà signés, et nous continuerons avec le nucléaire, car nous avons une grande expérience et des milliers de professionnels », dit-il.

En revanche, il est urgent selon le ministre ukrainien de revoir les manuels de sûreté nucléaire civile qui n’ont pas prévu ce qui se passe en Ukraine selon lui.

« Personne ne pensait à ça, car tous les risques envisagés étaient accidentels », dit-il, y compris l’écrasement d’un avion et la capacité d’un réacteur à y résister.

« Nous devons envisager les menaces militaires, c’est absolument nouveau, pas seulement pour nous, mais pour le monde entier, nous devons y réfléchir ensemble […] Cette guerre change absolument notre vision de la sécurité et de la sûreté nucléaires », dit-il.

« Ce qu’on voit, et ce n’est pas seulement un problème de sûreté nucléaire ukrainien, c’est que n’importe quel missile peut voler sur un millier de kilomètres et atteindre un réacteur nucléaire. […] Cette situation nous pousse absolument à repenser ce que nous devons faire d’un point de vue de la sûreté ».

L’UE renfloue ses caisses pour l’aide militaire

Les États membres de l’Union européenne ont accepté d’abonder de 2 milliards d’euros la Facilité européenne pour la paix (FEP), la « cagnotte » utilisée pour financer l’assistance militaire fournie à l’Ukraine, a annoncé lundi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

« Nous augmentons aujourd’hui le plafond financier de la Facilité européenne de paix de 2 milliards d’euros en 2023 », a-t-il indiqué sur Twitter, précisant qu’il s’agissait d’un « accord politique » des ministres des Affaires étrangères de l’UE réunis à Bruxelles.

« L’accord sera officialisé début 2023 » avec une modification de la décision sur la Facilité, et prévoit « la possibilité d’une nouvelle augmentation, ultérieurement », a-t-il expliqué.

Ainsi, « l’augmentation totale du plafond financier global de la FEP jusqu’en 2027 pourrait atteindre 5,5 milliards d’euros », a-t-il souligné.

« La décision d’aujourd’hui garantira que nous disposerons des fonds nécessaires pour continuer à apporter un soutien militaire concret aux forces armées de nos partenaires », a soutenu Josep Borrell.

Décrite par Josep Borrell comme une « cagnotte » constituée par les États membres hors du budget commun de l’UE et abondé par leurs contributions, la Facilité européenne pour la paix avait été dotée de 5,7 milliards d’euros pour la période 2021-2027 afin de financer des actions opérationnelles relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Elle a été utilisée peu après l’invasion russe de l’Ukraine pour financer les fournitures d’armements à Kyiv.