(Édimbourg) Après un revers judiciaire devant la Cour suprême mercredi, la première ministre écossaise a averti qu’elle transformerait les prochaines élections générales britanniques en un vote « de facto » sur l’indépendance de l’Écosse.

La Cour suprême britannique a estimé, sans surprise, que l’Écosse ne pouvait pas organiser un nouveau référendum d’indépendance sans l’accord de Londres.

« La Cour a unanimement conclu que la proposition de loi [pour un référendum] relève des questions réservées » au pouvoir central à Londres, a expliqué le président de la Cour suprême Robert Reed. De fait, « le Parlement écossais n’a pas le pouvoir de légiférer pour un référendum d’indépendance ».

La première ministre écossaise Nicola Sturgeon, « déçue », a rapidement réagi : une « loi qui ne permet pas à l’Écosse de choisir son propre avenir sans l’accord de Westminster montre que toute notion de partenariat volontaire avec le Royaume-Uni est un mythe ».

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Nicola Sturgeon

Face à cet échec en justice, Mme Sturgeon a répété lors d’une conférence de presse à Édimbourg qu’elle ferait des prochaines élections générales au Royaume-Uni, qui doivent se tenir d’ici à janvier 2025, un « référendum de facto » sur la question de l’indépendance.

« Nous trouverons d’autres moyens démocratiques, légaux et constitutionnels pour que le peuple écossais puisse exprimer sa volonté », a-t-elle également dit.  

Nicola Sturgeon avait déjà dévoilé la question qui serait posée aux Écossais (« L’Écosse doit-elle être un pays indépendant ? ») ainsi que la date à laquelle elle souhaitait organiser le nouveau référendum (le 19 octobre 2023).

Les Écossais ont refusé à 55 % en 2014 de quitter le Royaume-Uni. Mais aux yeux des indépendantistes du SNP au pouvoir à Édimbourg, le Brexit intervenu depuis, auquel 62 % des électeurs de la province se sont opposés, change la donne. Ils souhaitent que l’Écosse réintègre l’Union européenne en tant qu’État indépendant.

Le gouvernement central à Londres considère lui que le vote de 2014 a clos le débat pour une génération.

Anticipant un bras de fer judiciaire, Nicola Sturgeon avait pris les devants en saisissant la Cour suprême.

En colère

À Édimbourg, quelques Écossais se sont réunis pour exprimer leur colère. « Je suis un peu dévastée, mais ce n’est que le début. […] Nous aurons l’indépendance soit de mon vivant, soit de celui des enfants », a dit à l’AFP Margaret Turner, une directrice de magasin de 58 ans.

« L’Angleterre ne nous laisse pas notre mot à dire. […] Je suis en colère et déçu », a renchéri Gerard Clarke, un retraité de 74 ans.

La Cour a estimé qu’un tel référendum – même consultatif – aurait des conséquences directes sur l’union du Royaume-Uni, un domaine « réservé » au gouvernement central à Londres, qui doit donc donner son accord avant la tenue d’un tel vote.

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Des Écossais se sont réunis à Édimbourg pour exprimer leur colère.

Devant les députés au Parlement, le premier ministre britannique Rishi Sunak a lui dit respecter « le jugement clair et définitif » qui a été rendu.

« En cette période de défis sans précédent, les bénéfices de faire partie du Royaume-Uni n’ont jamais été aussi visibles », a de son côté affirmé le ministre britannique chargé de l’Écosse, Alister Jack.

Il a appelé Édimbourg à se « concentrer […] sur les problèmes qui comptent le plus » pour les Écossais en pleine crise du coût de la vie.

Pour le député indépendantiste Ian Blackford, la question d’un référendum est une « question massive de démocratie ». Il a fustigé le « soi-disant partenariat dans lequel un partenaire n’a pas le droit de choisir un futur différent ou même de poser la question ».

« Droit fondamental et inaliénable »

Opposé à l’indépendance, le chef de file des travaillistes en Écosse, Anas Sarwar, a lui appelé à se « débarrasser » de ce gouvernement conservateur « pourri ». « Démontrons qu’on peut faire que le Royaume-Uni fonctionne pour toutes les régions du pays », a-t-il lancé sur la BBC.

Lors de l’audience le mois dernier, la plus haute magistrate écossaise, Dorothy Bain, avait fait valoir que « le droit à l’autodétermination était un droit fondamental et inaliénable ».

Mais la Cour suprême a rejeté mercredi ses arguments, Robert Reed indiquant que le droit international en matière d’autodétermination ne s’appliquait qu’aux anciennes colonies ou à des populations opprimées par une occupation militaire, ou quand un groupe n’a pas accès à certains droits.

« J’aurais préféré une autre décision, mais elle donne une réponse claire et je pense que c’est bienvenu », a indiqué à l’issue du jugement Philippa Whitford, députée indépendantiste. Pour elle, les partisans de l’union devraient quand même « réfléchir au droit démocratique qu’ont les Écossais de choisir leur propre avenir ».