(Paris) Le représentant d’Airbus a plaidé l’absence de responsabilité du constructeur dans l’écrasement, le 1er juin 2009, du vol Rio-Paris, qui a causé la mort de 228 personnes, lors de son interrogatoire au procès de la catastrophe à Paris.

Jugé depuis le 10 octobre pour homicides involontaires, Airbus fait face aux questions d’un tribunal parisien, jusqu’à mardi, par la voix de son représentant.

L’ancien pilote d’essai a répondu pendant plus de six heures, disant son ignorance sur certaines questions, répondant longuement à la plupart.  

« L’accident commence par le givrage des sondes », rappelle d’abord l’une des trois juges, qui fait circuler dans la salle d’audience trois sondes Pitot, de fins tubes métalliques fixés à l’extérieur de l’avion.

Le 1er juin 2009, déstabilisés par le givrage de ces sondes mesurant la vitesse de l’appareil et surtout par ses conséquences en chaîne dans le cockpit, les pilotes de l’AF447 ont perdu le contrôle de l’appareil qui a heurté l’océan en moins de cinq minutes.

Au cours des mois précédents, les obstructions similaires de sondes par des cristaux de glace s’étaient multipliées, quasi intégralement sur un seul modèle de Pitot, le modèle Thalès AA.

Pourquoi Airbus n’a pas pris en charge le remplacement de ces sondes sur les avions, en appliquant un « principe de précaution statistique » ? demande la magistrate.

« A ce moment-là, on ne comprend pas ce qui se passe vraiment », fait valoir Christophe Cail. « Avant l’accident, les éléments que l’on a ne nous montrent pas une dangerosité particulière, et on est encore dans la phase où on veut comprendre ».

Le constructeur est poursuivi pour avoir sous-estimé la gravité de cette panne et surtout ses conséquences sur les pilotes. Il lui est aussi reproché de ne pas avoir suffisamment averti les compagnies aériennes afin qu’elles forment leurs équipages.

Pour Airbus, au contraire, il existait trois « portes de sortie » qu’auraient pu emprunter les pilotes pour sauver l’avion : ce n’est donc pas l’appareil et son fabricant qui sont en cause.  

Le constructeur estime aussi avoir largement « communiqué » sur la panne : dans sa revue Safety First, lors de conférences de sécurité, de maintenance, à l’occasion de sessions d’entraînement.

Des « actions assez générales », relève la magistrate : « est-ce qu’il n’aurait pas été possible d’avoir une réponse plus ciblée ? »

« On n’a pas fait un message ciblé là-dessus, sauf à Air France et Air Caraïbes […] » qui avaient sollicité Airbus, admet M. Cail.

« Vous estimez que c’était de la compétence des compagnies ? », questionne la juge.

« On distribue Safety First, c’est quasiment peut-être le seul moyen qu’on a d’avoir un contact direct avec les pilotes. Sinon ce sont les compagnies aériennes à qui on distribue. Charge à elle de redistribuer […] », résume-t-il.

Air France, qui opérait le vol, est jugée avec Airbus pour homicides involontaires.

Lors de son interrogatoire mercredi et jeudi, le représentant de la compagnie s’est défendu de toute faute, en refusant de charger les pilotes ou de se défausser sur Airbus.

Des experts aéronautiques ont estimé que la « procédure » mise en place par Airbus pour réagir au givrage des sondes Pitot, et donc à la perte des indications de vitesse dans le cockpit, n’était pas « adaptée ».

Les pilotes de l’AF447 y étaient formés, mais ils ne l’ont jamais appliquée. Ils n’ont pas non plus diagnostiqué l’origine de la panne.

Dans la soirée, M. Cail a estimé en conclusion que l’enchaînement des actions des pilotes reste en partie mystérieux. « Je ne dis pas que ce sont de mauvais pilotes », dit-il. « C’est l’équipage qui n’a pas marché ».