(Moscou) Des réquisitions extrêmement lourdes, en plein conflit en Ukraine : le Parquet russe a exigé mardi 24 ans d’emprisonnement contre le journaliste Ivan Safronov, spécialiste des questions militaires, accusé de haute trahison et incarcéré depuis 2020.

Ce procès intervient alors que le Kremlin appelle à soutenir les forces armées combattant en Ukraine. Ces derniers mois, des centaines de Russes, accusés de « discréditation » des troupes, ont été poursuivis pour avoir critiqué l’offensive.

Expert reconnu des questions de Défense, M. Safronov, 32 ans, avait été arrêté en juillet 2020, dans le contexte d’une répression croissante de la presse indépendante, qui s’est encore accélérée depuis l’attaque en Ukraine.  

Les réquisitions, annoncées mardi, sont malgré tout particulièrement sévères, même pour ce genre de procès.

« Le représentant du ministère public a demandé de reconnaître Safronov coupable de haute trahison et de lui infliger une peine de 24 ans de prison dans une colonie pénitentiaire à régime sévère », a indiqué le tribunal municipal de Moscou, cité par l’agence TASS.

Depuis avril, Ivan Safronov est jugé à huis clos car il s’agit d’un procès pour espionnage et trahison. Le verdict est attendu le 5 septembre.

Répression des médias critiques

Mardi, Ivan Safronov est apparu à l’audience dans la cage en verre réservée aux suspects vêtu d’un t-shirt avec le logo des films de science-fiction « Star Wars », selon des images publiées par la justice russe.

Sur Facebook, son ancien avocat, Evguéni Smirnov, a indiqué que le Parquet avait proposé de réduire sa réquisition à 12 ans de prison, si Ivan Safronov plaidait coupable, ce qu’il refuse de faire.

Début mars, le Parquet avait affirmé que M. Safronov était soupçonné « d’avoir transmis des informations à des représentants des services de renseignement étrangers, en sachant que celles-ci pouvaient être utilisées par les États membres de l’OTAN contre la sécurité de la Russie. »

L’accusation soutient qu’il a transmis à un expert politique russo-allemand, également détenu en Russie pour « haute trahison », des informations sur les opérations militaires russes en Syrie, et aux services de renseignement tchèques des éléments sur les livraisons d’armes de Moscou en Afrique.

Ivan Safronov rejette fermement ces accusations.

Il avait travaillé auparavant pour deux quotidiens nationaux russes, Vedomosti et Kommersant. Poussé à la démission de Kommersant en 2019, il était devenu en mai 2020 conseiller de l’ex-directeur de l’agence spatiale russe Roscosmos, Dmitri Rogozine.

Son affaire a été dénoncée par ses anciens collègues comme une vengeance pour ses articles évoquant des incidents embarrassants dans l’armée russe.  

À l’ouverture de son procès, début avril, Ivan Safronov avait dénoncé dans une lettre le « cynisme extrême » de la justice russe et souligné qu’il n’avait publié dans ses articles aucune information reçue « sous le sceau du secret ou illégalement ».

Ivan Safronov est le fils d’un journaliste, également nommé Ivan Safronov et également spécialiste du secteur militaire. Ce dernier est mort en 2007 après avoir chuté d’une fenêtre, des circonstances jugées troubles par certains de ses proches.

Ces dernières années, de nombreux journalistes russes ont quitté le pays par crainte de persécutions. Un exode qui s’est vivement accentué depuis l’offensive en Ukraine. Les autorités ont notamment bloqué en Russie les sites de nombreux médias critiques.

La rédaction délocalisée en Europe du journal Novaïa Gazeta, contraint de suspendre sa publication en Russie fin mars, a indiqué lundi qu’un journaliste et scientifique russe, Andreï Zaiakine, avait été brièvement détenu à Moscou.

Selon le journal renommé Novaïa Gazeta Europe, il est accusé de « financement d’une organisation extrémiste » pour avoir fait un don aux organisations de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, désignées « extrémistes » en 2021 et interdites.