(Londres) Les plans successifs du gouvernement conservateur britannique n’y changent rien : les traversées illégales de la Manche sur de petites embarcations ne cessent d’augmenter, atteignant un nouveau record à près de 1300 migrants en une seule journée.

Alors qu’un nouveau premier ministre s’apprête à s’installer à Downing Street, ce chiffre impressionnant est venu illustrer l’envolée des très dangereuses traversées de l’une des voies maritimes les plus fréquentées au monde, constante depuis 2018 face au verrouillage croissant du port français de Calais et du tunnel sous la Manche.

Quelque 1295 migrants ont réussi la traversée lundi à bord de 27 embarcations, selon les chiffres publiés mardi par le ministère britannique de la Défense. Le précédent record datait de novembre l’année dernière (1185 en une journée).

Les médias britanniques ont diffusé des images de nombreux migrants secourus et ramenés au port de Douvres, y compris des bébés et des enfants, profitant du beau temps après quelques jours de conditions météo plus difficiles.

Le pic de traversée de lundi est « dû aux conditions météo, optimales pour traverser en ce moment », a relevé Pierre Roques, de l’Auberge des migrants, association d’aide aux migrants présente à Calais.

Pour Jean-Claude Lenoir, président de l’association Salam, « c’est tous les jours comme ça dès qu’il n’y a pas de vent » et « c’est comme ça toute cette semaine ».

Les migrants « ne restent pas en France car les conditions de vie sont déplorables », a estimé de son côté Juliette Delaplace, du Secours Catholique. « Il y a toujours l’été une hausse saisonnière, car c’est très difficile de survivre à la rue à Calais en hiver ».

Les traversées de lundi portent à 22 670, selon le décompte de l’agence Press Association, le nombre de migrants ayant effectué ce voyage depuis le début de l’année, contre seulement 12 500 à la même date en 2021.

Sur l’ensemble de 2021, 28 500 personnes sont arrivées ainsi au Royaume-Uni.

Un récent rapport parlementaire britannique estimait que le total pourrait atteindre cette année 60 000 personnes malgré les promesses répétées du gouvernement conservateur britannique, qui a fait du sujet une priorité depuis le Brexit, verse des millions de livres à la France pour l’aider à renforcer la surveillance des côtes et multiplie les mesures pour durcir l’accueil des migrants.

Fournir des « itinéraires sûrs »

« L’augmentation des traversées dangereuses de la Manche est inacceptable », a déclaré un porte-parole du gouvernement, estimant que le phénomène justifiait le durcissement de la politique migratoire.

Mesure phare de la stratégie du gouvernement de Boris Johnson, Londres a conclu au printemps un accord très controversé avec le Rwanda pour envoyer dans ce pays d’Afrique de l’Est les demandeurs d’asile arrivés illégalement sur le sol britannique.

Aucune de ces expulsions n’a encore eu lieu : un premier vol prévu en juin a été annulé après une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et la justice britannique doit étudier la légalité du plan le mois prochain.

Les candidats à la succession de Boris Johnson, Rishi Sunak et Liz Truss, ont promis de poursuivre cette politique populaire auprès des adhérents du Parti conservateur qui doivent les départager.

Autre revers dans la politique migratoire britannique, le gouvernement vient de renoncer à son projet de convertir une ancienne base de l’armée de l’Air du nord de l’Angleterre en centre pour demandeurs d’asile, comme cela se fait en Grèce.

Le tabloïd conservateur Mail on Sunday a récemment affirmé, sur la base de fuites du renseignement militaire, que la plupart des demandeurs d’asile arrivaient actuellement d’Albanie, bien que ce pays ne soit pas en guerre.

L’ONG Amnistie internationale a dénoncé « les postures honteuses du gouvernement », estimant qu’il fallait, pour mettre fin à ces traversées périlleuses, « proposer des itinéraires sûrs » aux migrants.

Au moins 203 personnes sont mortes ou ont été portées disparues, en mer ou sur terre, en tentant de rejoindre l’Angleterre au départ du littoral nord de la France depuis 2014, dont 27 en une seule journée fin 2021 dans un naufrage, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).