(Tchassiv Iar) Les forces russes continuaient de pilonner l’est de l’Ukraine, faisant au moins 15 morts dimanche dans une frappe qui a éventré un immeuble d’habitation à Tchassiv Iar, selon les autorités ukrainiennes.

La frappe s’est produite dans la nuit dans cette petite ville de quelque 12 000 habitants. Selon les secours, 24 personnes se trouvent encore sous les décombres, dont un enfant, tandis que cinq autres ont été sauvées des gravats.

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a déclaré dimanche qu’il y avait « 15 noms dans la liste des morts et, malheureusement, ce n’est pas le nombre final ».

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L’immeuble de quatre étages a été touché par un missile russe Ouragan, a précisé sur Telegram Pavlo Kirilenko, gouverneur de la région de Donetsk que l’armée russe cherche à conquérir.  

Des journalistes de l’AFP arrivés sur place après la frappe ont vu l’immeuble partiellement effondré, des secouristes et une pelleteuse s’attelant à déblayer les lieux.

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Une femme se tient debout dans son salon.

Une habitante interrogée par l’AFP a témoigné, mais a refusé de donner son nom.

J’étais dans la chambre à coucher, je suis sortie et tout a commencé à trembler, à s’effondrer. Ce qui m’a sauvée, c’est l’onde de l’explosion qui m’a propulsée, en sang, dans les toilettes.

Une résidante de Tchassiv Iar

Selon M. Kirilenko, au moins 591 civils ont été tués et 1548 blessés à ce jour dans la région de Donetsk depuis le début de l’invasion russe, le 24 février. Vendredi, il avait déclaré que Moscou préparait « de nouvelles actions » dans l’Est.

« Objectifs civils » délibérément visés

L’armée russe, qui a annoncé début juillet avoir pris le contrôle de la région de Louhansk, vise maintenant celle de Donetsk pour occuper l’ensemble du bassin minier du Donbass.

Celui-ci est partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes soutenus par Moscou après l’annexion russe de la péninsule ukrainienne de Crimée.

« Les frappes brutales de l’artillerie russe ne s’arrêtent pas un jour, Sloviansk, Bakhmout, Avdiivka… », a condamné samedi le président Volodymyr Zelensky, réclamant de nouveau des armes « modernes et puissantes » pour se défendre.

M. Zelensky a accusé Moscou de frapper « délibérément, intentionnellement, de simples maisons, des objectifs civils, des gens. Il y a des victimes, morts, blessés ».

« La semaine dernière, beaucoup ont parlé de la prétendue “pause opérationnelle” des occupants au Donbass et dans d’autres parties de l’Ukraine. Les 34 frappes aériennes effectuées par les avions russes au cours de la journée écoulée » sont la preuve qu’il n’y a jamais eu de pause, a avancé le président.

De son côté, le ministère russe de la Défense a accusé samedi dans un communiqué les Ukrainiens d’installer des hommes et des armements dans des écoles et bâtiments civils dans plusieurs localités du territoire de Donetsk et de Kharkiv.

Plusieurs responsables ukrainiens ont également accusé les forces russes de provoquer avec leurs tirs des incendies dans les champs pour détruire les récoltes.

Récolte de blé

Au même moment, les autorités installées par la Russie à Kharkiv ont indiqué que « la campagne de récolte [de blé] avait commencé dans les territoires libérés de la région », selon l’agence russe Ria Novosti.

L’Ukraine accuse depuis des semaines la Russie de voler ses récoltes de blé dans les régions occupées pour les revendre illégalement sur le marché international.

L’état-major de l’armée ukrainienne a rapporté dimanche, comme la veille, de nombreux bombardements russes, mais quasiment pas d’assauts terrestres des forces de Moscou.

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Un gymnase de Kharkiv a été détruit par une frappe russe.

Kyiv a assuré pour sa part avoir visé deux « points de commandement » et dépôts russes dans la région de Tchornobaïvka (sud). Les forces ukrainiennes ont aussi revendiqué une frappe sur une base russe dans la région occupée de Kherson (sud), sans plus de détails.

À Kharkiv (nord-est), deuxième ville du pays, le gouverneur Oleg Synegoubov a fait état sur Telegram de nouveaux tirs de missiles qui ont touché un « établissement d’enseignement » et une maison, faisant un blessé.

D’autres frappes russes sont rapportées notamment près de Siversk et de Sloviansk (est) ainsi que dans la région de Mykolaïv (sud).

« Des armes terrestres de haute précision ont frappé un point de déploiement temporaire de l’unité d’artillerie des Forces armées ukrainiennes et un dépôt de munitions sur le territoire de l’usine de céramique de la ville de Sloviansk », a affirmé l’armée russe.

« Jusqu’à 100 personnes » ont été tuées, et « plus de 1000 obus d’artillerie pour les obusiers M777 de fabrication américaine et environ 700 roquettes pour Grad MLRS » ont été détruits, a-t-elle ajouté.

L’« ambassadeur » à Moscou de la République séparatiste de Louhansk, Rodion Mirotchnik, a déclaré dimanche sur Telegram que, dans la région de Donetsk, une offensive avait été « lancée contre Siversk depuis le nord » et que la localité de Grygorivka avait été « capturée après des combats ».

« Nos troupes continuent de mener des opérations militaires pour libérer Serebrianka », autre localité de la région, a-t-il ajouté.

Turbines pour Nord Stream

Du côté de l’économie, le Canada a décidé samedi, malgré les sanctions visant Moscou, de restituer à l’Allemagne des turbines destinées au gazoduc russe Nord Stream, actuellement en maintenance dans des ateliers de Siemens, près de Montréal.  

Le groupe gazier russe Gazprom avait invoqué ces travaux pour justifier mi-juin une réduction de ses livraisons à l’Allemagne via Nord Stream.

« Le Canada accordera à Siemens Canada un permis révocable et d’une durée limitée pour permettre le retour en Allemagne des turbines Nordstream 1 réparées, ce qui soutiendra la capacité de l’Europe à accéder à une énergie fiable et abordable », a déclaré le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson qui a accusé le président russe Vladimir Poutine de vouloir « semer la division parmi les alliés ».

Cet arrêt pour dix jours des deux tuyaux, annoncé de longue date, ne devait en théorie n’être qu’une formalité technique. Mais dans le contexte de la guerre en Ukraine et du bras de fer entre Moscou et les Occidentaux sur l’énergie, personne ne peut parier sur la suite.

Parallèlement, le Canada a annoncé samedi son intention d’étendre ses sanctions économiques contre la Russie à la fabrication industrielle.

« Poutine va nous fermer le robinet de gaz… mais le rouvrira-t-il un jour ? », s’inquiétait dimanche le quotidien le plus lu d’Allemagne, Bild.