(Château d’Elmau) Les dirigeants des pays du G7 ont donné le ton de leur sommet, réuni en Bavière et largement consacré à la guerre en Ukraine, en annonçant dimanche élargir les sanctions contre Moscou et en lançant un appel à l’unité. Un investissement de 600 milliards de dollars pour les infrastructures a également été annoncé.

C’est le premier signal de soutien à l’Ukraine de cette réunion qui a débuté à la mi-journée, dans le cadre somptueux des Alpes bavaroises.

« Ensemble, le G7 va annoncer que nous allons interdire l’or russe, une source d’exportation majeure, ce qui privera la Russie de milliards de dollars », a tweeté le président américain Joe Biden.

Les sept grandes puissances (Allemagne, États-Unis, France, Canada, Italie, Japon, Royaume-Uni) formaliseront leur engagement à l’issue de la réunion mardi, mais Washington, Londres, Ottawa et Tokyo s’y sont d’ores et déjà ralliés.

Cet embargo sur l’or nouvellement extrait en Russie, sans viser celui déjà vendu, frappera « directement les oligarques russes et s’attaquera au cœur de la machine de guerre de Poutine », a assuré le premier ministre britannique Boris Johnson.

Un « Partenariat mondial pour les infrastructures »

Le G7 a également mis sur les rails dimanche un vaste programme d’investissements à destination des pays en développement, visant à mobiliser 600 milliards de dollars et censé répondre aux immenses chantiers financés par la Chine, a annoncé dimanche le président américain Joe Biden.

« Avec les partenaires du G7, nous visons à mobiliser 600 milliards de dollars d’ici 2027 pour des investissements mondiaux dans les infrastructures », a déclaré la Maison-Blanche peu avant un discours de M. Biden dévoilant cette proposition lors du sommet des sept pays industrialisés dans le sud de l’Allemagne.

Le président américain a assuré que ce programme était basé sur des « valeurs partagées » telles que la « transparence », mais aussi le respect des droits des travailleurs, de l’environnement, de l’égalité de genre.

« Nous proposons de meilleures options », a-t-il dit, sur fond de sommets des Alpes bavaroises.

Ni le président américain ni les autres dirigeants n’ont prononcé le nom de la Chine, mais ils y ont fait des allusions évidentes.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a ainsi estimé que les pays partenaires des Occidentaux « avaient le choix » — sous-entendu : celui d’aller vers les démocraties plutôt que vers Pékin — pour développer leurs réseaux électriques ou leurs infrastructures médicales.

Les Occidentaux souhaitent se démarquer de la Chine, qui a investi massivement dans nombre de pays en développement pour construire des infrastructures au travers du programme dit des « Nouvelles routes de la soie », ou pour s’assurer un accès à certaines matières premières.

Pékin est accusé de mener ses projets au travers de prêts peu avantageux, opaques — d’où la « transparence » que promettent au contraire les pays du G7 — voire franchement périlleux, qui aggraveraient les problèmes d’endettement de pays déjà vulnérables.

Le « Partenariat mondial pour les infrastructures » (Partnership for Global Infrastructure) doit, selon la même source, « fournir des infrastructures de qualité et soutenables ».

Le G7 « s’est donné pour ambition de faire au monde une meilleure offre en matière d’investissement dans les infrastructures », a souligné le chancelier allemand Olaf Scholz, présentant le projet aux côtés du président américain.

Les États-Unis, à eux seuls, promettent de « mobiliser » quelque « 200 milliards de dollars » sur cinq ans pour ce programme.

Mais ce verbe, « mobiliser », ne signifie pas que les États vont eux-mêmes apporter ces sommes énormes. Washington ainsi arrive au total de 200 milliards de dollars en combinant des prêts, des financements publics — en partie déjà existants — et des financements privés encouragés par l’exécutif américain.

Avec ces gros chiffres encore incertains et ces bonnes intentions, les Occidentaux peuvent-ils renverser la tendance face à la Chine ? Les États-Unis veulent y croire.

L’offensive chinoise « existe depuis des années et s’est traduite par de nombreux versements en liquide et de nombreux investissements », a dit dimanche un haut responsable de la Maison-Blanche, « mais ce n’est vraiment pas trop tard », a-t-il assuré à propos de l’initiative du G7.

« Beaucoup de pays qui ont reçu des fonds ou des investissements du programme BRI (acronyme de la dénomination en anglais « Belt and Road Initiative ») réalisent désormais, des années plus tard, qu’ils sont plus endettés, que leur PIB n’a pas progressé de manière significative », a estimé la même source, qui n’a pas souhaité être nommée.

« L’Afrique subsaharienne sera clairement une priorité majeure » du partenariat lancé par le G7, a encore dit ce haut responsable.

Risque de « fatigue »

Les Occidentaux ont déjà pris plusieurs volets de sanctions contre la Russie dont la guerre contre l’Ukraine est entrée dans son cinquième mois.

Mais le gouvernement ukrainien en réclame plus, après des frappes russes sur Kyiv dimanche matin, un acte de « barbarie » dénoncé par M. Biden.

Face à un risque de « fatigue », évoqué par Boris Johnson, du camp occidental, le président américain a lancé un nouvel appel à l’unité du G7 et de l’OTAN face à Moscou.

Vladimir Poutine espérait « que, d’une manière ou d’une autre, l’OTAN et le G7 se divisent. Mais nous ne l’avons pas fait et nous ne le ferons pas », a assuré M. Biden avant un entretien avec Olaf scholz.

PHOTO KENNY HOLSTON, ASSOCIATED PRESS

En partant de l’avant de la table en sens antihoraire : le président des États-Unis Joe Biden, le premier ministre britannique Boris Johnson, le premier ministre japonais Fumio Kishida (caché), la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen (cachée), le président du Conseil européen Charles Michel, le premier ministre italien Mario Draghi, le premier ministre canadien Justin Trudeau, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz.

Hôte du sommet, le chancelier allemand a également loué l’unité des alliés, à laquelle « Poutine ne s’attendait pas », appelant chaque pays « à partager la responsabilité » de faire face aux défis croissants de ce conflit qui s’installe dans la durée.

Alors que les troupes russes progressent dans le Donbass, le président ukrainien Volodymyr Zelensky interviendra lundi en visioconférence.

Boris Johnson et Emmanuel Macron ont « convenu qu’il s’agissait d’un moment critique pour l’évolution du conflit et qu’il était possible de renverser le cours de la guerre », selon un porte-parole du gouvernement britannique.

Pas de solution négociée « maintenant »

Le premier ministre britannique a toutefois mis en garde contre toute tentation d’une solution négociée « maintenant » en Ukraine au risque de prolonger « l’instabilité mondiale ».

Devant le spectaculaire panorama des cimes alpines, les dirigeants ont laissé tomber la cravate pour la traditionnelle photo de famille, bref répit avant plusieurs sessions de travail.

Le conflit et ses répercussions vont occuper une grande part des discussions avec de premiers entretiens consacrés aux turbulences économiques mondiales, des menaces de pénuries alimentaires à l’inflation galopante, en passant la crise énergétique.

Joe Biden veut aussi démontrer à ses alliés que tenir tête à la Russie et faire face à la Chine sont des objectifs complémentaires, et non opposés.

Le G7 veut notamment contrer la Chine et ses « nouvelles routes de la soie » en investissant massivement dans les infrastructures des pays défavorisés en Afrique, en Asie ou encore en Amérique latine. Un projet sur lequel les dirigeants font le point dimanche.

Dirigeants fragilisés

Les dirigeants de l’Indonésie, de l’Inde, du Sénégal, de l’Afrique du Sud et de l’Argentine ont d’ailleurs été conviés à ce sommet annuel alors que les Occidentaux cherchent à élargir le front des démocraties unies contre la menace d’un bloc formé par la Russie et la Chine.

Ces économies émergentes sont aussi particulièrement exposées au risque de pénuries alimentaires, à l’explosion des coûts de l’énergie aggravée par la guerre en Ukraine et à la crise climatique.

Les acteurs du climat attendent du G7 des avancées concrètes, dont la « planification » de l’élimination complète des énergies fossiles. Une urgence que compte rappeler Greenpeace en déployant une banderole au sommet du Zugspitze, le point culminant de l’Allemagne qui domine Elmau.

Des discussions bilatérales complètent les sessions, à commencer par la rencontre entre Olaf Scholz et Joe Biden, deux leaders en position difficile dans leur propre pays.

Le chancelier allemand mise sur ce G7 pour redorer sa popularité en baisse ces derniers mois, faute d’afficher un soutien ferme à Kyiv.  

Le président américain fait lui face à une Amérique encore plus fracturée après la remise en cause du droit à l’avortement par la Cour suprême, dans un pays frappé de plein fouet par une forte inflation.

Le Français Emmanuel Macron a échoué il y a une semaine à obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale française et va devoir composer avec d’autres partis, une obligation inédite pour lui. Quant à M. Johnson, fragilisé par le « Partygate », il a vu cette semaine son parti perdre deux élections locales et paraît en sursis.